2024-10-31 15:34:00
2024 marque le 75e anniversaire du décès de James Ensor. L’un des peintres les plus mystérieux et les plus influents de tous les temps. Diverses célébrations fleurissent à Anvers. On se distingue par son originalité particulière. Au MoMu, le Musée de la Mode, “Mascarade, Maquillage & Ensor” aura lieu jusqu’au 2 février 2025. L’idée n’est pas farfelue. Ensor a fait du masque, funéraire et/ou carnavalesque, un des axes principaux de sa réflexion. Un fétiche auquel il revenait toujours. Qu’il a revisité par degrés de dissolution. D’abord les teints poussiéreux et épaissis, puis les orbites vidées, et enfin les petits crânes très vitaux. Cela donne lieu à des images fortes, comme ces squelettes rassemblés pour se réchauffer autour d’un poêle dans une sorte de studio bohème aux murs vert acide livides. Un squelette a un haut-de-forme sur la tête. Une autre porte un châle bleu clair et une robe rouge. Ils sont le requiem de l’art et son sourire secret.
Cette exposition multimédia au MoMu, organisée par Kaat Debo, Elisa De Wyngaert, Romy Cockx, utilise une pluralité de langages pour renouer les fils d’un discours unique. Masque, déguisement, démystification. Dialogue entre l’art et la mode, échangeant les rôles dans la composition et la poursuite de l’image. Entre lumières, couleurs, similitudes et dissonances. La fascination est inévitablement la séduction de la mort. Déception toujours répétée, mais toujours efficace. Le mensonge qui fonctionne. Le beau visage que la Mort choisit comme simulacre. Le poison le plus puissant dans la plus belle bouteille. La tromperie du présent, de ce qui passe, de ce qui se détruit et se détruit sans remède. C’est l’ancienne prière de la fugacité. Le poème que tout sage a pensé à écrire ou, dans des cas moins sulfureux, s’est résigné à lire. Les inventions pyrotechniques des maquilleurs et coiffeurs entrent dans le même cercle. Sur le site du MoMu, les raisons du projet d’exposition sont expliquées avec une admirable simplicité : « Tout au long de l’histoire, le maquillage a souvent été considéré avec méfiance et comparé au port d’un masque. Un masque pour cacher votre vrai visage. James Ensor était un observateur critique du monde et des gens qui l’entouraient. Il a reconnu leurs insécurités et leur flirt peu sincère. À partir de 1888, Ensor utilise masques, vêtements et accessoires comme outils ambigus pour une opération de démasquage : une manière de révéler la nature réelle et les sentiments les plus profonds de ses personnages masqués. » Il ne s’agit donc pas d’une affectation iconographique, mais d’une posture réfléchie. Un choix esthétique qui était le manifeste d’une philosophie intime, d’une attitude de regard : « L’œuvre d’Ensor suscite des questions universelles : pourquoi porte-t-on des masques ? Pourquoi les gens ont-ils si peur de montrer des signes visibles de vieillissement ? Comment faire face à des idéaux de beauté en perpétuelle évolution et impossibles à atteindre ?
Un enchevêtrement de problèmes. La clé du problème reste chez lui, chez le peintre misanthrope qui explorait les vices et les vertus entre les bouches et les visages. Ensor était le portraitiste sardonique d’une bourgeoisie arrogante et agressive, trompée par l’éternel, aveugle à son propre ridicule, sourde à son propre grotesque. «Aujourd’hui», poursuit le site Internet du Musée, «le maquillage et la beauté ont explosé pour devenir une industrie de plusieurs milliards de dollars qui confronte constamment les êtres humains à leur impermanence corporelle, à leurs imperfections imaginaires et à leurs peurs existentielles. Cependant, comme la peinture, le maquillage est aussi un moyen d’expression personnelle, d’expérimentation artistique, de joie et de liberté.” Janus à deux visages attrayant et terrifiant. Il est clair que le terrain d’investigation de l’exposition repose sur un réseau de suggestions potentiellement infini. Depuis Ensor, vous pouvez vous déplacer dans toutes les directions. On arrive à Cindy Sherman, Martin Margiela, Christian Lacroix… Un rassemblement de talents et de codes. Un tourbillon d’idées et de provocations qui lui reviennent toujours. À l’artiste timide qui, constamment en équilibre sur une crête d’expérimentation, se penchait pour espionner la foule. Il a lancé la ligne. Et il relevait, palpitant et donnant des coups de pied, pâles ou roux, les démons, les monstres, les bêtes.
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