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Étienne Chambaud et la sanctification de la corporéité

Étienne Chambaud et la sanctification de la corporéité

2023-05-10 09:45:36

Comment aborder une visite à une foire d’art internationale avec conscience et méthode ? Je me suis posé la question à l’occasion de Miart 2023, la 27e édition de la plus prestigieuse foire d’art moderne et contemporain de Milan.
A l’instar de la commande d’une bibliothèque – sur laquelle le démiurge Roberto Calasso a écrit des pages admirables dans son “Comment commander une bibliothèque” (Adelphi, 2020) – l’approche d’une exposition extensive et articulée comme Miart impose aussi des choix – styles de visite, orientations systématiques ou instinctives, « encyclopédiques » ou « rhizomatiques », qui en disent long sur l’état d’esprit du visiteur.

La Bibliothèque Borgésienne

Bien que l’organisation ait généreusement fait le maximum pour agencer les stands des galeries selon une numérotation ordonnée et “mappable”, il est peut-être préférable de considérer les numéros de cet agencement cabalistiquement, ou tout au plus comme des runes, en essayant de se perdre dans le variété de propositions artistiques comme dans un labyrinthe, ou dans une bibliothèque si l’on s’en tient à la fameuse métaphore borgésienne. Travaillant par analogies, associations et intuitions, une cartographie « subtile » des œuvres exposées est élaborée. Marvel prend la place du catalogage, l’intensité de la numérotation.

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Étienne Chambaud

Sous cet angle excentrique, ce qui me frappe parmi les œuvres hétéroclites exposées, ce sont les regards pénétrants émanant de la série “Uncreatures” (2021-2023), de l’artiste français Étienne Chambaud. Né en 1980, Chambaud est un artiste cultivé tourné vers l’international. Sa production a varié dans les thèmes, les techniques et les styles le long d’un conceptualisme multimédia axé sur des questions d’actualité, telles que l’écologie et les défis scientifiques. Dans la série mentionnée, Chambaud propose une réinterprétation contemporaine de la tradition des icônes orthodoxes : l’artiste récupère des icônes historiques et intervient en elles, recouvrant les figures saintes de feuilles d’or. Les tables en bois deviennent des fonds dorés. A l’exception de quelques éléments symboliques des corps représentés : les yeux, les bras et les mains qui sont orientés vers le spectateur, conversant avec sa vue. Des images émergent qui sont des regards de paix, des invitations à la réalisation intérieure, des formes de symbolisation de l’expérience vitale à l’ère du présentisme technologique et virtualisé. Traditionnellement, les icônes se caractérisent par un fond doré, symbole de la spatialité transcendante à laquelle appartiennent les personnages sacrés. Le choix de Chambaud d’inverser l’usage de l’or, recouvrant directement les corps, peut suggérer différentes lectures : une sanctification de la corporéité – et donc d’une spiritualité immanente ? Une recherche de nouveaux motifs pour re-mythifier l’art contemporain ? Une dialectique performative par rapport à l’art du passé ? Ce qui est certain, c’est que les regards de ces “non-créatures” – en fait des figures incréées, puisque les icônes, comme l’enseigne Pavel Florensky, sont toutes des symbolisations de l’image sainte prototypique, non créées par des mains humaines – font allusion au mystère et conduisent le spectateur dans une dimension de questionnement et de dépaysement dont notre époque, pleine de certitudes insensées et de dogmes nouveaux, a une extrême urgence.



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