Exonération de TVA sur le médicament : Les inquiétudes du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca

Exonération de TVA sur le médicament : Les inquiétudes du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca



12 Novembre 2023 À 16:35

L’exonération de la TVA sur les médicaments, une des mesures phares du projet de loi de Finances (PLF 2024), est une décision incontestable car elle répare une injustice sociale, soutient Oualid Amri, premier vice-président du Syndicat des pharmaciens du Grand Casablanca. “Taxer les malades pour les soins de santé est tout simplement une aberration. Être malade n’est pas un luxe!”, s’insurge cet expert pharmaceutique et officinal lors de l’émission “L’Info en Face” du “Groupe Le Matin”.

Pourtant, cette mesure qui ne profite qu’aux citoyens marocains ne sera pas sans conséquences sur les finances des pharmacies. Son impact sera encore plus important sur celles qui rencontrent déjà des difficultés. Selon les estimations d’Oualid Amri, le retrait de la TVA, qui concerne 95% des médicaments, devrait entraîner une baisse de 3 à 5% du chiffre d’affaires des petites et moyennes pharmacies.

Mais là où le bât blesse, selon lui, c’est la baisse continue des prix des médicaments, amorcée depuis 2014, ce qui réduit de manière significative les marges de profit.

Halte à la baisse régulière des prix des médicaments !

“Les propriétaires de pharmacies s’appauvrissent!”, signale le pharmacien. “Le seul secteur qui connaît une baisse constante des prix est celui du médicament! Cependant, le pharmacien d’officine ne gagne sa vie que grâce à la marge sur le prix du médicament“, déplore-t-il, précisant que le Marocain ne dépense pas plus de 400 DH en médicaments par an en moyenne.

Il souligne que dans d’autres pays, les pharmacies sont de véritables espaces de santé qui jouent un rôle crucial dans la prévention. Elles ne se limitent pas à la vente de médicaments qui assurent, certes, une part intéressante des profits. Elles fournissent également d’autres services qui leur permettent d’augmenter leurs bénéfices. “Aujourd’hui, dans de nombreux pays, on vaccine dans les pharmacies, on y effectue des tests et on y prescrit même certains médicaments”, explique-t-il.

La réduction régulière des prix, associée à la suppression de la TVA sur les médicaments et, pire encore, à l’inflation galopante, cause de véritables maux de tête aux pharmaciens d’officine. Des maux alimentés par l’absence d’une oreille compatissante auprès de leur ministre de tutelle.

Oualid Amri estime que les différents gouvernements qui se sont succédé au Maroc auraient dû accompagner le secteur officinal en mettant en place des mesures compensatoires, mais rien n’a été fait à ce jour. L’actuel ministère de la Santé semble également peu préoccupé par le sort des officinaux, ce qui risque de conduire tout un secteur à la faillite, alerte-t-il.

Pharmacies en difficulté : le ministère de la Santé fait la sourde oreille !

“Notre ministre de la Santé reçoit toujours les médecins des secteurs public et privé, mais n’a dû rencontrer les pharmaciens qu’une ou deux fois en deux mandats! On a l’impression que les pharmaciens n’existent pas dans le système de santé marocain!”, déplore le pharmacien.

“Si le gouvernement souhaite continuer à réduire les prix, il doit s’asseoir avec nous autour d’une table pour trouver une solution pour ce secteur. Il ne faut pas oublier que les pharmacies d’officine jouent un rôle très important dans la société. C’est un secteur d’environ 12 000 pharmaciens qui assure pas moins de 50 000 emplois directs, en plus de 20 à 30 000 emplois indirects”, souligne-t-il.

Il précise cependant que le ministère de la Santé n’est pas le seul responsable des problèmes rencontrés par le secteur officinal. “Il y a aussi le département des Finances et le Chef du gouvernement avec lesquels nous aimerions échanger sur les difficultés que rencontre le secteur”, indique Oualid Amri. “J’espère que nous n’aurons pas à en venir aux mêmes démonstrations de force que mènent actuellement les enseignants. Avec la grève du 13 avril dernier, nous avons pu démontrer notre capacité à fermer toutes les pharmacies du pays, mais nous espérons ne pas avoir à en arriver à cet extrême”, souligne-t-il, assurant que le syndicat des pharmaciens est ouvert au dialogue, à condition que ce soit un dialogue de vérité avec les ministres eux-mêmes et non pas un dialogue visant à apaiser les tensions.

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La substitution des médicaments encore et toujours !

Le syndicaliste revient également sur l’un des principaux chevaux de bataille de la profession, à savoir accorder le droit de substitution des médicaments aux pharmaciens d’officine, c’est-à-dire la possibilité de remplacer un médicament prescrit par le médecin par un médicament générique, qui coûte moins cher.

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Il s’agit d’une revendication des pharmaciens qui a été soumise à la tutelle à plusieurs reprises, mais qui rencontre une résistance, notamment de la part des médecins. En effet, si les pharmaciens demandent à encadrer ce droit par une loi qui facilitera la délivrance des médicaments, les médecins y voient un risque pour la profession. Pourtant, souligne Oualid Amri, cette mesure permettra aux citoyens d’économiser de l’argent et à l’assurance maladie de réduire ses dépenses. “Pour l’équilibre financier des caisses de prévoyance, il doit y avoir ce système de substitution et mettre fin à cette baisse sans fin des prix des médicaments qui ne profite à personne!”, plaide-t-il.

Industrie pharmaceutique et retrait de la TVA : chacun ses intérêts !

Interrogé sur la position des industriels pharmaceutiques, le représentant des pharmaciens d’officine n’a pas souhaité s’avancer trop. En effet, les acteurs de l’industrie pharmaceutique se sont opposés à cette mesure qui, selon eux, impactera la compétitivité des produits pharmaceutiques fabriqués localement, favorisera l’importation, freinera l’investissement et constituera une menace pour la souveraineté sanitaire du pays.

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“Ces industriels défendent leurs intérêts et ceux du Maroc en ce qui concerne la souveraineté médicamenteuse. Mais je pense qu’ils trouveront des solutions avec le ministère de tutelle et celui des Finances”, affirme-t-il. “Nous, nous aimerions que les pharmaciens d’officine soient reçus par ces ministères, tout comme les industriels du secteur pharmaceutique“, insiste-t-il.

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