Enrique Ponce revient une dernière fois à Nîmes, dans des arènes qui l’ont vu triompher à maint reprises.
Avec un sourire touchant et réservé, il a, le 11 février 1989, coupé la seule oreille de la soirée inaugurale de la “bulle” des arènes, construction imaginée pour accueillir l’hiver des spectacles de plusieurs genres. Sous les projecteurs, avec ses compagnons de cartel Juan Villanueva et Bernard “Marsella”, Enrique Ponce avait combattu des adversaires de belle race appartenant à l’élevage de Pérez de Vargas. Il était alors novillero et avait 17 ans.
Douceur des gestes, science du combat
35 ans plus tard, il revient, première étape d’une temporada d’adieux qui, jusqu’à l’automne, va le conduire dans des arènes qui gardent encore la trace de sa domination et dans lesquelles il a écrit des histoires qui font partie de celle de la tauromachie.
Si Enrique Ponce avait permis aux aficionados nîmois d’apercevoir, lors des trois engagements honorés au cours de son parcours chez les novilleros, un potentiel fait de sérénité, d’intuition et valeur naissante, après la cinquantaine de paseos comptabilisée au total, l’envergure du maestro n’est plus ni à décortiquer ni à illustrer. Qui oserait lever la main pour émettre des réserves sur le pouvoir de sa muleta, la douceur de ses gestes, sa science du combat, sa connaissance et la dimension esthétique de ses faenas ?
Un savoir unique dans l’appréciation des ressources de ses adversaires
Sur le sable des arènes de Nîmes, à toute heure du jour (avec une prédilection évidente pour les corridas organisées sous le ciel de la fin de matinée), son toreo a enchanté. Laissant les professionnels sans voix et le public époumoné à l’heure des triomphes. Avec “Descarado”, “Anheloso”,”Devoto”, toros appartenant respectivement aux élevages de Victoriano del Río, Juan Pedro Domecq et Cortés, graciés après des démonstrations de pouvoir absolu, de sens de la mesure et une faculté d’imposer un rythme idéal, le roi Enrique (comment l’appeler autrement ?), a subjugué mille fois. Par sa délicatesse, la précision dans la construction des faenas et son savoir unique dans l’appréciation des ressources de ses adversaires. Si, en regagnant le toril, les toros “indultés” avaient pu s’exprimer, que de mercis auraient-ils adressés. De reconnaissance, évidemment, et d’admiration sans doute. Et, bouquet inattendu, Enrique Ponce à Nîmes a aussi laissé d’autres artistes accompagner la partition magistrale créée devant le toro.
Ce 24 mai 2015, avant de rejoindre Paris pour les répétitions de “Maria Stuarda” de Donizetti qui allaient débuter au théâtre des Champs Elysées, le chanteur lyrique sarde Francesco Demuro, ami du maestro, avait posé ses valises. Et, assis au premier rang des gradins, avant de voir Enrique Ponce se mettre en position pour porter l’estocade, s’est levé. Pour crier “bravo” ? Non, pour chanter a capella le “Nessun dorma”, air célèbre réservé au ténor dans “Turandot” de Puccini. Moment unique. Magie de la corrida. Ponce inspirateur d’instants bénis.
2024-05-16 19:02:00
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