Fluidité et identité: le jeu de l’amour dans ‘Cock’ de Mike Bartlett

Fluidité et identité: le jeu de l’amour dans ‘Cock’ de Mike Bartlett

Le collectif genevois Kuro monte “Cock” du Britannique Mike Bartlett en jouant sur les identités afrodescendantes en plus des enjeux queer. Résultat arc-en-ciel.

Publié aujourd’hui à 19h28

John (Nadim Ahmed) refuse de choisir entre son amoureuse (Aurelia Platon) et son amoureux (Uchenna Kessi) dans “Cock”.

EDEN LEVI AMAu sol, un rond plutôt qu’un isocèle. Au milieu du dispositif quadrifrontal agencé sur le plateau du TU (Théâtre de l’Usine), ce sont même deux cercles concentriques qui s’inscrivent en couleurs distinctes sous les pieds des comédiens. Rien d’autre. Pas de scénographie, pas d’accessoires. Seulement les costumes des interprètes, qui masqueront leur nudité même lors des scènes d’intimité. Le cercle, parce qu’il ne connaît ni angle, ni arête. Parce qu’on y glisse, on s’y coule. Seule la distance d’un corps à un autre y fait foi.

De John (Nadim Ahmed), le texte ne cesse de répéter le caractère liquide. Alors qu’il forme un couple gay avec M (pour «Man», Uchenna Kessi), il goûte à la tentation hétérosexuelle avec W (pour «Woman», Aurelia Platon). Quand chacun de ses partenaires le somme de se déterminer, l’inconsistant se trouve aux prises avec de mêmes normes, qu’elles régissent l’un ou l’autre types de relation: engagement, fidélité, famille… Acculé, il ne sait quelle orientation choisir. Avant d’assumer sa fluidité, il n’aura d’autre option que louvoyer.

Entre John (Nadim Ahmed) et son partenaire (Uchenna Kessi), les rapports de domination sont plus complexes qu’il n’y paraît.

EDEN LEVI AMÉcrit par l’Anglais Mike Bartlett en 2009 (à Genève, on se souvient qu’Elidan Arzoni a mis en scène ses «Contractions», Vincent Bonillo est « Love love love »), “Coq” débite de brefs chapitres tant qu’il épouse le modèle classique du tiraillement amoureux. Autant de touches successives qui aboutissent au combat final: sur le ring, l’amant a convié son père en renfort (Serge Fouha), la maîtresse a tout misé sur sa féminité. Déjouant la pression, John prendra la tangente: l’indétermination sera sa voie.

John (Nadim Ahmed) vit un dilemme entre son hétérosexualité (incarnée par Aurelia Platon) et son homosexualité.

EDEN LEVI AMComédien suisso-britannique, Uchenna Kessi signe une première création à plusieurs vitesses. Audacieuse dans son minimalisme, elle engage des acteurs afro-descendants à divers degrés, redoublant ainsi le propos queer d’une réflexion sur les identités racisées. Le métissage, sur les tableaux social comme sexuel. «L’incarnation inédite de ce texte ouvre sur de nouvelles questions, comme celle de l’hyper-masculinité dans les communautés noires ou encore la construction de l’homosexualité comme un “truc de blanc” dans l’imaginaire collectif», note le metteur en scène.

Dans la forme, le jeu – dirigé par Ludovic Gossiaux – obéit cependant à des codes plus conventionnels. Le ton est émotif, excessivement parfois, sans bousculer les règles d’une prise de parole alternée. Les intermèdes musicaux ne débordent pas, contrairement aux dialogues que quelques coupes ne desserviraient pas. Ainsi, pendant que sur les scènes institutionnelles de la ville, les publics vieillissants exigent du contemporain, l’expérimental plateau du TU offre à sa jeune audience un drame psychologique taillé sur mesure pour Noël. D’ailleurs, il se donne à guichets fermés.

Katia Berger est journaliste au sein de la rubrique culturelle depuis 2012. Elle couvre l’actualité des arts de la scène, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de photographie, d’arts visuels ou de littérature.

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