Le lobbyiste Jean-Pierre Duthion et le politologue spécialiste du Qatar Nabil Ennasri ont été mis en examen mercredi 4 octobre, à la suite d’une garde à vue de quarante-huit heures, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption et de trafic d’influence impliquant des personnalités françaises. Ils sont soupçonnés d’ingérence étrangère en France, notamment de la part du Qatar.
Nabil Ennasri a été placé en détention provisoire et Jean-Pierre Duthion est placé sous contrôle judiciaire, conformément aux demandes du parquet national financier (PNF). Deux juges d’instruction ont été chargés de l’enquête et disposent de moyens d’investigation étendus, y compris à l’international.
L’enquête concerne plusieurs infractions, notamment la corruption active et passive d’une personne privée, le trafic d’influence en bande organisée impliquant un élu public, l’abus de confiance, le blanchiment, la fraude fiscale, le non-respect des obligations de communication à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et le travail dissimulé.
En plus du Qatar, d’autres pays sont également soupçonnés d’ingérence. L’enquête porte au moins sur deux épisodes et leurs éventuelles contreparties.
Le premier concerne le travail de l’ex-journaliste de BFM-TV Rachid M’Barki, qui aurait diffusé dans ses journaux de la nuit plusieurs brèves illustrées en images, notamment sur les oligarques russes, le Qatar et le Sahara occidental. M. M’Barki a été licencié en février par Altice, la maison mère de BFM-TV, qui a porté plainte.
Le deuxième épisode concerne une intervention à l’Assemblée nationale de l’élu écologiste Hubert Julien-Laferrière, qui avait promu en février 2022, à la demande du lobbyiste, le LimoCoin, une cryptomonnaie qui s’est avérée être une escroquerie.
Les enquêteurs cherchent également à déterminer le rôle éventuel de Nabil Ennasri, auteur de plusieurs ouvrages sur le Qatar, en tant qu’agent d’influence au profit de la monarchie qatarie, notamment lors de la Coupe du monde de football. M. Ennasri a choisi de garder le silence, selon son avocat.
Une plainte de BFM-TV et une enquête internationale menée par le collectif de journalistes Forbidden Stories ont initié la procédure du PNF. Cette enquête a mis en évidence les activités d’une société israélienne appelée “Team Jorge”, spécialisée dans la désinformation au service de différents clients, y compris des États.
Le domicile de M. Duthion et le bureau du député à l’Assemblée ont été perquisitionnés le 27 septembre. Les avocats de M. Duthion ont réagi en affirmant qu’il contestait vivement les accusations portées contre lui et qu’il n’avait jamais versé de rémunération à un parlementaire ou à un journaliste.
Cet article a été rédigé par Le Monde en partenariat avec l’AFP.
