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Au cinquième jour des affrontements entre Israël et le Hamas, c’est désormais la bande de Gaza qui est sous le feu des projecteurs. Pilonné par les bombardements, ce territoire palestinien pourrait subir une intervention terrestre de l’armée israélienne. Pour Karim Bitar, le risque d’un embrasement de la région est possible, bien qu’il ne soit sans doute souhaité par personne.

Jour après jour, la mesure des exactions commises par le Hamas dans son intervention militaire de samedi apparaît au grand jour. Partout, des traces de civils massacrés sans distinction par le groupe islamiste, auxquels s’ajoute une centaine d’otages emmenés dans le bande de Gaza.

Pour Israël, c’est donc l’heure de la réaction, avec des frappes qui s’intensifient sur ce territoire palestinien, désormais soumis à un blocus intégral de l’Etat hébreux.

Une situation qui pourrait s’envenimer

Invité mercredi de l’émission Tout un monde, Karim Bitar, professeur de relations internationales, a estimé que le conflit pourrait s’étendre. C’est notamment un risque réel au Liban, où des roquettes ont été lancées en direction de positions israéliennes. Pour lui, le pays n’est pas prêt à un nouveau conflit avec Tel Aviv, mais tout dépendra des pressions iraniennes.

Le Liban ne pourrait tout simplement pas supporter une nouvelle guerre sur son front sud

Karim Bitar, professeur de relations internationales à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. [RTS - RTS]
Karim Bitar, professeur de relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

“Les Libanais sont extrêmement inquiets car le Liban, traversant l’une des pires crises économique et politique de son histoire, ne pourrait tout simplement pas supporter une nouvelle guerre sur son front sud. Cela serait véritablement le coup de grâce (…), mais il est à craindre que la situation puisse s’envenimer si l’opération terrestre à Gaza (si Tel Aviv décide de la lancer, ndlr) tourne au carnage et si l’Iran décide de faire intervenir tous ses alliés de la région”, estime celui qui enseigne à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Pour ce spécialiste, le Hezbollah libanais reste toutefois conscient que l’opinion publique du pays est “extrêmement réticente” à une nouvelle guerre. “Le Hezbollah s’efforce de laisser le Hamas en première ligne. Les roquettes qui ont été lancées à partir du Liban n’ont pas été endossées par le Hezbollah”, précise-t-il. Le mouvement islamiste libanais ne se joindra à des combats que si “les injonctions et les pressions iraniennes” sont très fortes, ajoute-t-il encore.

Un Iran tapi dans l’ombre

Jusqu’à aujourd’hui, Téhéran a affiché officiellement sa solidarité envers le Hamas, mais il a nié une quelconque responsabilité dans les actions du groupe islamiste palestinien. Washington, proche allié d’Israël, a également semblé vouloir calmer les esprits en ne pointant pas du doigt l’Iran, le Secrétaire d’Etat Antony Blinken estimant qu’il n’existait à ce jour pas de preuve allant en ce sens.

Plusieurs médias dont le Wall Street Journal ou le quotidien libanais L’Orient-Le Jour ont pourtant rapporté l’existence de plusieurs réunions entre le Hezbollah, le Hamas et des émissaires iraniens, qui se seraient tenues à Beyrouth au cours des derniers mois.

Beaucoup de guerres à travers l’histoire du Proche-Orient sont nées sans forcément qu’il y ait une décision préalable mais parce que de mauvais calculs ont été faits dans l’émotion

Karim Bitar, professeur de relations internationales à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. [RTS - RTS]
Karim Bitar, professeur de relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Pour Karim Bitar, il est sans doute encore trop tôt pour savoir si l’opération du Hamas a été planifiée à Beyrouth, Téhéran ou Gaza. Il estime toutefois la coopération et le dialogue réels entre ces différentes mouvances. “Il y a un front qui est relativement bien soudé mais chacun des acteurs garde toutefois sa propre logique nationale”, précise-t-il.

Des chars et des véhicules militaires israéliens se rassemblent du côté israélien de la frontière de Gaza, le 9 octobre 2023. [Amir Cohen - reuters]Des chars et des véhicules militaires israéliens se rassemblent du côté israélien de la frontière de Gaza, le 9 octobre 2023. [Amir Cohen – reuters]

Le professeur juge que pour l’instant, les acteurs régionaux cherchent à tempérer et à ne pas étendre le conflit. Ce dernier pourrait toutefois leur échapper. “Si la situation devait rapidement se détériorer, si on assiste à des dizaines de milliers de morts, ce qui n’est pas exclu compte tenu de l’ampleur du traumatisme en Israël, là, il n’est pas exclu que les esprits s’enflamment”, analyse-t-il.

“Beaucoup de guerres à travers l’histoire du Proche-Orient sont nées sans forcément qu’il y ait une décision préalable, mais parce que de mauvais calculs ont été faits dans l’émotion”, ajoute-t-il.  D’après l’expert, c’est une phase de “radicalisation extrême”, présente autant au sein du gouvernement israélien que dans les rangs du Hamas ou du Hezbollah qui porte en elle ce risque. “Il n’est donc pas exclu qu’on assiste à une conflagration régionale”.

Des opinions publiques contre une normalisation avec Israël

Pour plusieurs analystes, l’attaque massive et extrêmement violente lancé par le Hamas samedi à l’encontre d’Israël avait également pour but d’envenimer la situation et de dissuader le Royaume saoudien de se rapprocher de Tel Aviv, alors qu’une normalisation diplomatique entre les deux pays semblait sur les rails.

>> Relire à ce sujet: Israël-Arabie saoudite, une nouvelle entente qui ne sera pas sans obstacles

Karim Bitar juge la situation désormais délicate pour Riyad comme pour les autres pays de la région qui ont déjà officiellement normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu, à l’instar des Emirats arabes unis. L’expert en relations nationales rappelle notamment la popularité toujours intacte de la cause palestinienne dans l’espace arabo-musulman.

“Les opinions publiques de ces pays ne sont pas du tout en phase avec la décision de normalisation des relations. Les Arabes, du Maroc jusqu’au Golfe, estiment que tant que les Palestiniens sont occupés et qu’ils ne peuvent pas vivre dans la dignité, cette normalisation ne peut être qu’un accord entre des dirigeants coupés de leur peuple et Benjamin Netanyahu”, observe-t-il.

Pour lui, l’Arabie saoudite va donc pour l’instant “temporiser” et sans doute remettre “à plus tard” une éventuelle normalisation.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web : Tristan Hertig

in French

Give title to rank high in google search for this contentAu cinquième jour des affrontements entre Israël et le Hamas, c’est désormais la bande de Gaza qui est sous le feu des projecteurs. Pilonné par les bombardements, ce territoire palestinien pourrait subir une intervention terrestre de l’armée israélienne. Pour Karim Bitar, le risque d’un embrasement de la région est possible, bien qu’il ne soit sans doute souhaité par personne.Jour après jour, la mesure des exactions commises par le Hamas dans son intervention militaire de samedi apparaît au grand jour. Partout, des traces de civils massacrés sans distinction par le groupe islamiste, auxquels s’ajoute une centaine d’otages emmenés dans le bande de Gaza.Pour Israël, c’est donc l’heure de la réaction, avec des frappes qui s’intensifient sur ce territoire palestinien, désormais soumis à un blocus intégral de l’Etat hébreux.Une situation qui pourrait s’envenimerInvité mercredi de l’émission Tout un monde, Karim Bitar, professeur de relations internationales, a estimé que le conflit pourrait s’étendre. C’est notamment un risque réel au Liban, où des roquettes ont été lancées en direction de positions israéliennes. Pour lui, le pays n’est pas prêt à un nouveau conflit avec Tel Aviv, mais tout dépendra des pressions iraniennes. Le Liban ne pourrait tout simplement pas supporter une nouvelle guerre sur son front sud   Karim Bitar, professeur de relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. “Les Libanais sont extrêmement inquiets car le Liban, traversant l’une des pires crises économique et politique de son histoire, ne pourrait tout simplement pas supporter une nouvelle guerre sur son front sud. Cela serait véritablement le coup de grâce (…), mais il est à craindre que la situation puisse s’envenimer si l’opération terrestre à Gaza (si Tel Aviv décide de la lancer, ndlr) tourne au carnage et si l’Iran décide de faire intervenir tous ses alliés de la région”, estime celui qui enseigne à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.Pour ce spécialiste, le Hezbollah libanais reste toutefois conscient que l’opinion publique du pays est “extrêmement réticente” à une nouvelle guerre. “Le Hezbollah s’efforce de laisser le Hamas en première ligne. Les roquettes qui ont été lancées à partir du Liban n’ont pas été endossées par le Hezbollah”, précise-t-il. Le mouvement islamiste libanais ne se joindra à des combats que si “les injonctions et les pressions iraniennes” sont très fortes, ajoute-t-il encore.Un Iran tapi dans l’ombreJusqu’à aujourd’hui, Téhéran a affiché officiellement sa solidarité envers le Hamas, mais il a nié une quelconque responsabilité dans les actions du groupe islamiste palestinien. Washington, proche allié d’Israël, a également semblé vouloir calmer les esprits en ne pointant pas du doigt l’Iran, le Secrétaire d’Etat Antony Blinken estimant qu’il n’existait à ce jour pas de preuve allant en ce sens.Plusieurs médias dont le Wall Street Journal ou le quotidien libanais L’Orient-Le Jour ont pourtant rapporté l’existence de plusieurs réunions entre le Hezbollah, le Hamas et des émissaires iraniens, qui se seraient tenues à Beyrouth au cours des derniers mois. Beaucoup de guerres à travers l’histoire du Proche-Orient sont nées sans forcément qu’il y ait une décision préalable mais parce que de mauvais calculs ont été faits dans l’émotion   Karim Bitar, professeur de relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Pour Karim Bitar, il est sans doute encore trop tôt pour savoir si l’opération du Hamas a été planifiée à Beyrouth, Téhéran ou Gaza. Il estime toutefois la coopération et le dialogue réels entre ces différentes mouvances. “Il y a un front qui est relativement bien soudé mais chacun des acteurs garde toutefois sa propre logique nationale”, précise-t-il.Des chars et des véhicules militaires israéliens se rassemblent du côté israélien de la frontière de Gaza, le 9 octobre 2023. [Amir Cohen – reuters]Le professeur juge que pour l’instant, les acteurs régionaux cherchent à tempérer et à ne pas étendre le conflit. Ce dernier pourrait toutefois leur échapper. “Si la situation devait rapidement se détériorer, si on assiste à des dizaines de milliers de morts, ce qui n’est pas exclu compte tenu de l’ampleur du traumatisme en Israël, là, il n’est pas exclu que les esprits s’enflamment”, analyse-t-il.“Beaucoup de guerres à travers l’histoire du Proche-Orient sont nées sans forcément qu’il y ait une décision préalable, mais parce que de mauvais calculs ont été faits dans l’émotion”, ajoute-t-il.  D’après l’expert, c’est une phase de “radicalisation extrême”, présente autant au sein du gouvernement israélien que dans les rangs du Hamas ou du Hezbollah qui porte en elle ce risque. “Il n’est donc pas exclu qu’on assiste à une conflagration régionale”.Des opinions publiques contre une normalisation avec IsraëlPour plusieurs analystes, l’attaque massive et extrêmement violente lancé par le Hamas samedi à l’encontre d’Israël avait également pour but d’envenimer la situation et de dissuader le Royaume saoudien de se rapprocher de Tel Aviv, alors qu’une normalisation diplomatique entre les deux pays semblait sur les rails.>> Relire à ce sujet: Israël-Arabie saoudite, une nouvelle entente qui ne sera pas sans obstaclesKarim Bitar juge la situation désormais délicate pour Riyad comme pour les autres pays de la région qui ont déjà officiellement normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu, à l’instar des Emirats arabes unis. L’expert en relations nationales rappelle notamment la popularité toujours intacte de la cause palestinienne dans l’espace arabo-musulman.“Les opinions publiques de ces pays ne sont pas du tout en phase avec la décision de normalisation des relations. Les Arabes, du Maroc jusqu’au Golfe, estiment que tant que les Palestiniens sont occupés et qu’ils ne peuvent pas vivre dans la dignité, cette normalisation ne peut être qu’un accord entre des dirigeants coupés de leur peuple et Benjamin Netanyahu”, observe-t-il.Pour lui, l’Arabie saoudite va donc pour l’instant “temporiser” et sans doute remettre “à plus tard” une éventuelle normalisation.Propos recueillis par Eric Guevara-FreyAdaptation web : Tristan Hertig in French

Au cinquième jour des affrontements entre Israël et le Hamas, l’attention se porte désormais sur la bande de Gaza. Ce territoire palestinien est bombardé et une intervention terrestre de l’armée israélienne est envisagée. Selon Karim Bitar, il est possible que la région s’embrase, bien que cela ne soit souhaité par personne.

Chaque jour, les exactions commises par le Hamas lors de son intervention militaire de samedi sont mises en lumière. Partout, on constate des traces de civils massacrés sans distinction par ce groupe islamiste, ainsi qu’une centaine d’otages retenus dans la bande de Gaza.

Pour Israël, il est donc temps de réagir, avec des frappes qui se renforcent sur ce territoire palestinien, désormais soumis à un blocus total de la part de l’État hébreu.

Une situation qui pourrait se détériorer

Invité de l’émission Tout un monde mercredi, Karim Bitar, professeur de relations internationales, estime que le conflit pourrait s’étendre. Il existe notamment un risque réel au Liban, où des roquettes ont été lancées en direction de positions israéliennes. Selon lui, le pays n’est pas prêt à un nouveau conflit avec Tel Aviv, mais tout dépendra des pressions iraniennes.

“Les Libanais sont extrêmement inquiets car le Liban, qui traverse l’une des pires crises économiques et politiques de son histoire, ne pourrait tout simplement pas supporter une nouvelle guerre à sa frontière sud. Cela serait véritablement le coup de grâce (…), mais il est à craindre que la situation puisse se détériorer si l’opération terrestre à Gaza (si Tel Aviv décide de la lancer) tourne au carnage et si l’Iran décide de faire intervenir tous ses alliés de la région”, estime celui qui enseigne à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Selon cet expert, le Hezbollah libanais est conscient que l’opinion publique du pays est “extrêmement réticente” à une nouvelle guerre. “Le Hezbollah s’efforce de laisser le Hamas en première ligne. Les roquettes lancées à partir du Liban n’ont pas été revendiquées par le Hezbollah”, précise-t-il. Le mouvement islamiste libanais ne participera aux combats que si “les injonctions et les pressions iraniennes” sont très fortes, ajoute-t-il.

Un Iran agissant dans l’ombre

Jusqu’à présent, Téhéran a officiellement affiché sa solidarité envers le Hamas, mais a nié toute responsabilité dans les actions du groupe islamiste palestinien. Washington, proche allié d’Israël, a également semblé vouloir apaiser les tensions en ne pointant pas du doigt l’Iran, le secrétaire d’État Antony Blinken estimant qu’il n’y avait pas encore de preuve en ce sens.

Cependant, plusieurs médias, dont le Wall Street Journal ou le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, ont rapporté l’existence de plusieurs réunions entre le Hezbollah, le Hamas et des émissaires iraniens, qui se seraient tenues à Beyrouth ces derniers mois.

Selon Karim Bitar, il est encore trop tôt pour savoir si l’opération du Hamas a été planifiée à Beyrouth, Téhéran ou Gaza. Il estime cependant qu’il y a une coopération et un dialogue réels entre ces différents groupes. “Il y a un front relativement solide mais chaque acteur conserve sa propre logique nationale”, précise-t-il.

Le professeur estime que pour l’instant, les acteurs régionaux cherchent à tempérer et à éviter l’escalade du conflit. Cependant, cela pourrait leur échapper. “Si la situation devait rapidement se détériorer, avec des dizaines de milliers de morts, ce qui n’est pas exclu compte tenu de l’ampleur du traumatisme en Israël, alors il n’est pas exclu que les tensions s’enflamment”, analyse-t-il.

“Beaucoup de guerres au Moyen-Orient ont éclaté sans décision préalable, simplement parce que de mauvais calculs ont été faits dans l’émotion”, ajoute-t-il. Selon l’expert, une phase de “radicalisation extrême” présente à la fois au sein du gouvernement israélien, du Hamas et du Hezbollah, porte en elle ce risque. “Il n’est donc pas exclu que nous assistions à une conflagration régionale”.

Des opinions publiques opposées à une normalisation avec Israël

Pour plusieurs analystes, l’attaque massive et extrêmement violente lancée par le Hamas samedi contre Israël visait également à envenimer la situation et dissuader l’Arabie saoudite de se rapprocher de Tel Aviv, alors qu’une normalisation diplomatique entre les deux pays semblait envisageable.

Karim Bitar considère que la situation est désormais délicate pour Riyad et les autres pays de la région qui ont déjà officiellement normalisé leurs relations avec l’État hébreu, comme les Émirats arabes unis. L’expert en relations internationales souligne notamment la popularité toujours intacte de la cause palestinienne dans le monde arabo-musulman.

“Les opinions publiques de ces pays ne sont pas du tout en phase avec la décision de normalisation des relations. Les Arabes, du Maroc jusqu’au Golfe, estiment que tant que les Palestiniens sont opprimés et ne peuvent pas vivre dans la dignité, cette normalisation ne peut être qu’un accord entre des dirigeants déconnectés de leur peuple et Benjamin Netanyahu”, observe-t-il.

Selon lui, l’Arabie saoudite va donc “temporiser” pour le moment et remettre à plus tard une éventuelle normalisation.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web : Tristan Hertig

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