Guillaume Meurice: Conflit avec Radio France – Avertissement et Contestation en Justice

A Radio France, la situation s’envenime. Après une blague controversée le 29 octobre visant Benyamin Nétanyahou, le différend entre Guillaume Meurice et la direction de la radio publique a franchi une nouvelle étape le 6 novembre après une réunion entre l’humoriste et Sibyle Veil, la directrice de Radio France. Cette dernière lui a donné un avertissement, que Meurice prévoit de contester en justice. “Je n’ai commis aucune faute et je n’ai fait que mon travail”, a-t-il précisé au Monde, invoquant une injustice. “Je pratique l’humour, la caricature, la satire politique, et l’exagération en fait partie”, a ajouté le chroniqueur pour qui “la limite, c’est la loi”. Contacté par nos confrères de Libération, Guillaume Meurice a déclaré réserver ses explications publiques pour sa chronique dans le prochain épisode du Grand Dimanche soir. Contrairement à son format habituel, l’émission, qui recevra Patrick Timsit, ne se déroulera pas en public cette fois-ci, “face aux menaces proférées à l’encontre d’un des humoristes”, selon le site de la Maison de la radio.

Une “exigence de responsabilité”
Tout a commencé par une plaisanterie de Guillaume Meurice, une idée de “déguisement Nétanyahou” pour Halloween, qui serait “une sorte de nazi mais sans prépuce”. Des auditeurs se sont plaints auprès de l’Arcom, de nombreux messages ont été envoyés à la médiatrice de Radio France, et il y a eu un tollé sur les réseaux sociaux ainsi que des accusations d’antisémitisme à l’encontre de l’humoriste. Après sa rencontre avec Guillaume Meurice, Sibyle Veil a envoyé un e-mail lundi aux employés de Radio France rappelant “le devoir de responsabilité des médias, surtout d’un média de service public”, dans le contexte géopolitique actuel. “Cette exigence de responsabilité […] s’impose à chaque employé de Radio France, y compris aux humoristes”, tout en estimant que “ce n’est pas entraver la liberté d’expression et le droit à la caricature […] que d’appeler au discernement”. L’humour “n’a pas vocation à ajouter de la division à la division”, a écrit la directrice de la maison ronde, selon qui la liberté d’expression doit s’accompagner de “la capacité à reconnaître en toute humilité une erreur d’appréciation”.

Plus que la blague, c’est surtout le refus de Guillaume Meurice de présenter des excuses qui a poussé Sibyle Veil à lui infliger un avertissement. De son côté, l’humoriste, considérant qu’il n’a pas commis de faute, ne voyait pas l’intérêt d’une expression publique sur le sujet, notamment en dehors de sa chronique radio, son travail. Par ailleurs, “l’avertissement est une sanction disciplinaire qui ne permet pas d’être contestée par des mécanismes internes. Il n’a pas d’autre recours que de se tourner vers les prud’hommes pour la contester”, explique Benoît Gaspard du syndicat SUD, qui accompagnait Guillaume Meurice au rendez-vous avec Sibyle Veil, dans une “ambiance lourde et fermée”, décrit-il. Du côté de la direction de Radio France, “pas de commentaires sur un cas particulier, tout a été dit dans le courrier envoyé en interne lundi”, fait-on savoir.

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“L’invention de l’humour”
Dans la maison ronde, les opinions sont partagées : “Une partie des employés estime qu’il a dépassé les bornes, d’autres sont gênés par la sanction, ça fait débat”, raconte une source syndicale. “Il y a un gros travail des journalistes pour avoir un traitement équilibré du conflit à l’antenne, et ils ne comprennent pas pourquoi un humoriste peut se permettre de dire ça gratuitement”, explique un autre élu de la Maison ronde. “Dans ce sens, le mail de Sibyle Veil, et notamment ‘l’exigence de responsabilité’ qu’elle invoque, a été plutôt bien perçu par les employés qui passent à l’antenne.” Même si la façon de faire – envoyer un e-mail à l’ensemble de Radio France – a été mal comprise par tous. Comme dans les stations locales de France Bleu, éloignées des controverses qui agitent la centrale parisienne.

Chez les syndicats, on s’interroge sur les motivations de Sibyle Veil, y voyant aussi une manière de donner des garanties à l’extérieur, notamment au monde politique. La polémique a également été utilisée pour renforcer la méfiance, partagée du centre à l’extrême droite, envers une radio publique jugée trop à gauche. Un exemple : particulièrement vocal, le député Horizons et membre du conseil d’administration de Radio France Jérémie Patrier-Leitus s’est ainsi rendu le 3 novembre sur le plateau de Pascal Praud sur CNews, puis sur celui de Cyril Hanouna sur C8, pour dénoncer les propos de Guillaume Meurice, “un militant politique” selon lui.

De son côté, Guillaume Meurice entend aussi poursuivre “pour diffamation et injures publiques” le député Meyer Habib (apparenté LR) qui l’a qualifié de “petite vermine antisémite” sur X. Jusque-là, en guise d’explications, Guillaume Meurice avait surtout posté une “une” de Charlie Hebdo, “l’invention de l’humour” avec un homme des cavernes, de l’huile dans une main, du feu dans l’autre. Interrogé sur le sujet par la Tribune dimanche le week-end dernier, le directeur de la publication Riss s’est désolidarisé de son confrère satiriste en affirmant que “l’esprit Charlie a bon dos”, vantant un esprit “plus subtil et plus difficile à maîtriser qu’il n’y paraît”.

Nul doute que le cas Meurice a alimenté les discussions à l’Arcom, où plusieurs dirigeants de l’audiovisuel public et privé étaient invités ce mardi 7 novembre pour “échanger sur le traitement” du conflit entre Israël et le Hamas. Dans un communiqué, le régulateur des médias a indiqué qu’il fallait éviter “les généralisations hâtives, les stéréotypes et le sensationnalisme” quand on parle à l’antenne du conflit entre Israël et le Hamas, “particulièrement sensible”.