À 87 ans, Marie Joncour était probablement la plus vieille patronne de discothèque en France, voire dans le monde entier ! “Depuis que Régine est décédée, oui ! Mais elle a commencé après moi et a arrêté avant”, sourit l’octogénaire. Avec son mari, Raymond, décédé en 2018, elle a ouvert “un bal de grands orchestres”, Le Grand Pavois, dans les bois de Languidic en 1968, avant de céder à la mode des discothèques sept ans plus tard et de créer le Cap 3000. Presque 56 ans plus tard, le 30 décembre 2023, Marie Joncour a dit adieu au “pilier de sa vie”, en confiant les clés de l’établissement à Éric Ollivier, un professionnel de la nuit et proche de la famille. Cela ne pouvait être autrement. Car Marie et Raymond, durant leurs cinq décennies de direction de boîte de nuit, n’ont eu qu’une seule devise : que le personnel et les clients se sentent bien. Résultat, les videurs, DJ, barman, sont restés. Des décennies pour certains. La retraite des uns, les nouveaux projets professionnels des autres lui ont fait dire qu’il était temps de laisser derrière elle une vie de paillettes.
Jusqu’à il y a “sept, huit ans” elle se rendait encore au Cap 3000 les week-ends. Nombreux se souviendront de la voir derrière le comptoir à distribuer les entrées, discrète, fuyant la lumière que captait très bien son mari. Son empreinte plane sur la boîte et sur les souvenirs de son épouse. “Il avait une certaine idée de ce qu’il fallait pour une soirée. Avec des musiques à passer à certains moments précis, des temps calmes”. Il choyait ses clients fidèles et le Cap 3000 recevait du beau monde ! “On a eu Eddy Merckx et compagnie, les joueurs du Stade Rennais, le dimanche soir ! Raymond avait une mémoire phénoménale, il connaissait tout le monde. Un soir, Laurent Ruquier est venu avec sa bande, je ne l’ai même pas reconnu !” Voilà pour les fêtards connus mais de grandes stars s’y sont aussi produites. L’octogénaire cite tout de suite Claude François. “Il n’a fait que deux chansons car le plafond n’était pas assez haut pour son spectacle. Il avait promis de revenir mais il est décédé”, raconte-t-elle, en énumérant les autres grands noms qui ont brillé sous les stroboscopes de Languidic. “Eddy Mitchell, Serge Lama, Emile & Images mais aussi Neg’Marrons, Michel Leeb, Tal”, un mélange de styles et de générations, à l’image du Cap 3000.
“Mes parents vous passent le bonjour !”
Les Joncour ont connu trois générations de fêtards. Les petits-enfants de leurs premiers clients viennent aujourd’hui y passer de folles nuits. “Beaucoup de jeunes venaient me voir : mes parents se sont rencontrés chez vous, ils vous passent le bonjour ! Les parents avaient gardé un bon souvenir du Cap 3000 et laissaient venir leurs enfants. J’étais contente de ça”. Marie Joncour a eu le rôle de mère ou de grand-mère auprès d’adolescents dont l’alcool et la nuit faisaient remonter la détresse. “J’étais là pour écouter, je conseillais. Ils me disaient : “À samedi ! J’ai aimé ça”. Elle a côtoyé la jeunesse toute sa vie et ça maintient en forme, elle en est sûre ! Elle n’a jamais été déconnectée de son époque et de ses clients. Dans sa playlist, on retrouve “Mika, Stromae, Slimane. J’adore aussi Dadju ! On dit que les jeunes sont plus durs aujourd’hui, mais ce n’est pas vrai. Non, ce n’était pas mieux avant, c’était différent. Il faut se souvenir des premiers concerts de Johnny, les jeunes cassaient tout”.
C’était un travail et ce n’était pas de l’amusement. La réussite c’est ça : le sérieux.
Une affaire de famille avant tout
Le Cap 3000 a pris une grande place dans la vie de famille. Et ce ne sont pas les stars et les paillettes que Marie Joncour gardera du Cap 3000. Non, ce qu’elle retient, c’est d’avoir eu la chance de travailler avec son mari et sa fille unique. “Quand on était tous là, c’était un bonheur et je crois que l’on savait en donner aux gens. Je garde aussi en souvenir l’équipe, très importante pour nous. Ce sont des amis”, confie-t-elle, avec émotion. Leur fille, Marina, 60 ans, n’a jamais souffert du métier de ses parents ou de leur image. Raymond et Marie étaient loin de l’idée que l’on se fait des patrons de discothèques, des barons de la nuit. “C’était un travail et ce n’était pas de l’amusement. La réussite c’est ça : le sérieux”. Maître de conférences en économie à l’université de Rennes, Marina s’est posé la question de reprendre le club mais n’a finalement pas franchi le pas. “Je n’étais pas sûre d’avoir la même fibre entrepreneuriale que mes parents. Je pense souvent à eux pendant mes cours. Ils ont pris des risques. L’imagination de mon père a rencontré cette période incroyable du disco”. Le Cap 3000 a fédéré tout un territoire, est devenu un point d’ancrage pour la jeunesse du pays d’Hennebont (56). Les sportifs, les lycéens, ceux partis faire leurs études et qui y retrouvaient, le temps d’un week-end, leurs amis d’enfance. Pour la plus grande fierté de Marie Joncour. “Si c’était à refaire, je reprendrai le même chemin”.
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