Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres : Un objet théâtral fort divertissant et réussi

En jumelant deux œuvres de Michel Tremblay séparées de 50 ans, Maxime Robin a fait preuve de flair. Il livre avec Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres un objet théâtral à la fois divertissant, réfléchi, émouvant et surtout réussi. Actuellement à l’affiche jusqu’au 7 octobre au Trident, Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres tourne autour du personnage de Claude “Hosanna” Lemieux. Ce personnage, inventé par Tremblay pour la pièce de théâtre Hosanna jouée en 1973, racontait l’histoire d’un jeune homme à la recherche de son identité, qui quitte Saint-Eustache pour se retrouver sur la “Main” de Montréal à cette époque. Dans le roman La Shéhérazade des pauvres, publié en juin, Hosanna âgé de 75 ans se confie à un jeune journaliste qui souhaite en savoir plus sur la scène homosexuelle des années 60 et 70 à Montréal, des années où les travestis s’éclataient pleinement et magnifiquement. Maxime Robin, qui signe sa première mise en scène au Trident, propose une série d’allers-retours entre le présent et le passé. C’est dynamique, coloré et rythmé. Les personnages de Sandra, Cuirette et la Duchesse de Langeais sont plus grands que nature et leur langage est direct et tranchant. Sur son balcon au deuxième étage, Claude, en peignoir, une (fausse) cigarette à la main et entouré de bouteilles d’alcool, raconte son histoire au journaliste Yannick (Carla Mezquita Honhon). On retrouve quelques clins d’œil amusants à la pandémie, au débat actuel sur les identités de genres et aux mensonges politiques. Les souvenirs de Claude prennent ensuite vie dans un superbe décor comprenant l’appartement de Hosanna lorsqu’il arrive à Montréal, un cabaret, la moto de Cuirette, des costumes et une enseigne lumineuse d’une pharmacie. Émouvant et dramatique, le Claude septuagénaire est interprété par Luc Provost, connu pour son personnage de Mado Lamothe. Sans ses costumes flamboyants, Luc Provost est solide avec ses expressions faciales, ses gestes et ses interventions. Il est agréable de voir son talent s’épanouir dans un autre rôle réussi. Maxime Robin fait un beau clin d’œil en ramenant Jacques Leblanc dans le rôle de la Duchesse de Langeais, qu’il avait brillamment interprété à l’hiver 2019 sur les mêmes planches. La Hosanna plus jeune est jouée par Vincent Roy. Le jeune comédien excelle une fois de plus et incarne parfaitement ce personnage en quête d’identité. De même, Jonathan Gagnon (Sandra), Gabriel Fournier (Cuirette), Jacques Leblanc (la Duchesse de Langeais) et Valérie Laroche, qui incarne plusieurs personnages, chantent et survolent la scène en patins à roulettes comme s’ils l’avaient toujours fait. L’actrice chante habilement “Les moulins de mon cœur” de Legrand, Dufresne et même Elvis. Josef Asselin et Philomène Robitaille se relaient pour interpréter Claude enfant. D’une durée de deux heures et dix minutes, avec un entracte, Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres se déploie en deux temps. Une première partie éclatée, colorée et pleine d’humour, suivie d’un segment final plus dramatique, dans lequel Claude raconte sa chute humiliante sur la scène du Hawaiian Lounge en se transformant en l’actrice Elizabeth Taylor, qu’il admire tant. Un segment dans lequel Claude a du mal avec son identité et vit difficilement le poids de la différence. C’est un segment émouvant qui se termine par une fin lumineuse, bien amenée et bien pensée. À la fin de la pièce, le public s’est levé d’un bloc, y compris Michel Tremblay, qui était présent. Et avec raison. Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres est une œuvre théâtrale de grande qualité qui marque très bien le début de la 53e saison du Trident. Du théâtre grandiose et de très haute qualité, comme c’est souvent le cas avec les œuvres de Tremblay.
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