2022-10-19 06:30:00
La Suisse fait une deuxième tentative avec l’e-ID après l’échec de la première en raison d’un manque de légitimité. Avec la solution fédérale, la légitimité est assurée, mais seule l’économie peut offrir un volume d’utilisation suffisant.
Il y a deux ans, l’identité électronique (E-ID) semblait sur le point de faire une percée en Suisse. Le gouvernement fédéral souhaitait affronter la concurrence internationale afin de passer du milieu européen au premier rang des États numérisés. Cette tentative a clairement échoué parce que le modèle économique semi-privé n’a pas réussi à convaincre la population.
Le gouvernement fédéral fait maintenant une deuxième tentative et ose publier sa propre e-ID. Cette fois-ci, la volonté politique est certainement plus unie : tous les groupes parlementaires du Bundeshaus ont présenté des motions identiques insistant sur l’introduction rapide d’une carte d’identité électronique. La question se pose alors de savoir comment conjuguer usage quotidien et légitimité étatique.
L’exemple du Danemark
Une identification électronique qui ne peut être utilisée que pour les transactions gouvernementales ne sera pas établie. Les applications possibles sont trop limitées, car les citoyens n’ont (heureusement) qu’à gérer quelques interactions avec l’État. Dans des pays comme le Danemark, il peut également être utilisé par des entreprises privées telles que les banques, car il est considéré comme une option officielle d’identification numérique. Aujourd’hui, la grande majorité des utilisations de l’e-ID sont destinées aux entreprises. Le Danemark a reconnu qu’une carte d’identité électronique ne peut être efficace que pour autant d’utilisations quotidiennes que possible. Un livre blanc de l’initiative Digitalswitzerland va dans le même sens, qui souhaite développer tout un écosystème autour de l’e-ID.
Il est également essentiel que l’accessibilité de l’e-ID soit rendue aussi simple que possible. Les services administratifs proactifs ne sont pas nouveaux en Suisse. Dès l’âge de dix-huit ans, tous les hommes, sans aucun effort de leur part, sont invités à assister aux journées d’information sur le service militaire, et les jeunes femmes sont également sensibilisées à l’armée.
De plus, vous n’avez pas à vous soucier de commander vous-même les documents fiscaux, ils vous seront envoyés automatiquement. L’E-ID doit donc également être proposée de manière proactive. Qu’il s’agisse d’une naturalisation ou d’une prolongation de votre passeport ou de votre carte d’identité, la commande d’une carte d’identité électronique doit être incluse dans l’option standard.
Inclure le fédéralisme
Les gens se plaignent souvent du fédéralisme, notamment en matière de numérisation. Il est désormais temps de bénéficier de l’innovation décentralisée et d’apprendre des approches plus modestes et réussies. L’objectif de l’E-ID doit être d’être facile à intégrer dans les applications cantonales, par exemple dans les services mobiles.
Il faut également préciser comment le dossier électronique du patient (DEP) ou la carte de vaccination électronique peuvent être enregistrés. Même pour des applications aussi importantes, il faut les rassembler le plus rapidement possible et les combiner dans le portefeuille E-ID.
Dans le sens d’une plateforme de développement, le portefeuille et l’e-ID devraient servir de base aux développements ultérieurs cantonaux. Il est encourageant de constater que la Confédération, les cantons, les villes et les organisations liées à la Confédération travaillent déjà à élargir leur portefeuille. Cependant, les tests actuels ne disposent toujours pas du multiplicateur du secteur privé, en particulier du secteur des services. C’est la seule façon d’introduire une e-ID significative et utilisable au quotidien.
Focus sur la protection des données
Dans la proposition présentée pour la première fois en 2017, l’e-ID devrait être délivrée par des fournisseurs d’identité privés. Mais cette approche a été critiquée. Dès 2019, la question a été posée au Parlement de savoir si le gouvernement fédéral voulait renoncer à l’une des tâches essentielles que constitue l’identification des citoyens. La légitimité de la solution constituait le point faible et le peuple suisse avait alors rejeté la proposition à une nette majorité lors du vote de 2021.
Le problème de la légitimité a été largement résolu avec le nouveau lancement de la Swiss E-ID. Le gouvernement fédéral proposera lui-même la nouvelle solution. Il a également été décidé de ne pas clarifier tous les détails techniques, mais plutôt de se concentrer sur la protection des données (« Self-Sovereign Identity ») et de garantir le respect des normes internationales.
Aujourd’hui, la Suisse a la possibilité de tirer le meilleur parti des deux mondes. Les erreurs du passé ont été corrigées et l’économie semble également être de la partie. Il est désormais important d’envisager une introduction opportune et, si possible, d’inclure dès le départ des options d’utilisation quotidienne. C’est la seule façon pour l’E-ID d’avoir une chance d’obtenir l’effet souhaité.
Kuno Schedler est professeur de gestion publique à l’Université de Saint-Gall. Lucas Zumbrunn est chercheur et doctorant à l’Université de Saint-Gall.
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