Ils découvrent que les lois de la physique suivent un mystérieux modèle mathématique.

“Bien que la réalité physique se manifeste dans un large éventail de phénomènes avec différents niveaux de complexité – écrivent les scientifiques dans un article désormais consultable sur le serveur de pré-publications arXiv-, les équations qui les décrivent montrent certaines régularités et modèles statistiques.«

Pour parvenir à cette conclusion, Constantin et ses collègues se sont inspirés de la linguistique, « où la loi de Zipf stipule que la fréquence d’un mot dans un grand corpus de texte est approximativement inversement proportionnelle à son rang dans le tableau des fréquences ». En d’autres termes, la loi de Zipf stipule que le mot le plus courant dans une langue apparaît deux fois plus souvent que le deuxième mot le plus courant, trois fois plus souvent que le troisième, et ainsi de suite. En anglais, par exemple, le mot « the » a tendance à représenter environ 7 % de tout texte long, suivi en fréquence par « of », qui apparaît environ 3,5 % du temps. Et qui plus est, la même loi semble également s’appliquer à d’autres situations, comme par exemple la répartition de la population dans les grandes villes.

Dans les lois de la physique, également

Les auteurs ont donc décidé de rechercher si de tels modèles apparaissent également dans la distribution des symboles utilisés pour construire les différentes lois de la physique. Pour lesquels ils ont utilisé trois corpus de formules totalement différentes les unes des autres : celles utilisées dans les fameuses « Feynman Physics Lectures » ; celles d’une liste d’équations avec le nom de l’auteur obtenue sur Wikipédia ; et un ensemble d’équations qui décrivent l’inflation pendant les premiers instants de l’existence de l’Univers.

Constantin et son équipe ont traité chaque symbole et chaque opérateur mathématique comme s’il s’agissait d’un mot, puis ont analysé leur distribution et la fréquence avec laquelle ils apparaissent en appliquant la loi de Zipf.

“On pourrait s’attendre”, explique Deaglan Bartlett, de Sorbonne Université et co-auteur de l’étude, “à ce que cette distribution diffère considérablement entre les trois ensembles d’équations différents, car ils proviennent d’endroits différents”. Mais à sa grande surprise, ce n’était pas le cas, et les trois tenues semblaient correspondre à un seul modèle.

Les chercheurs ne comprennent pas exactement ce que signifie le fait que les équations de la physique, qui décrivent la réalité dans laquelle nous vivons, suivent ce modèle. D’une part, il se pourrait que cela nous révèle quelque chose d’important sur le fonctionnement de la réalité. Après tout, chaque équation prise séparément est extraordinairement précise pour prédire des événements réels dans l’Univers, de sorte qu’un « modèle général » suivi par toutes les équations ensemble pourrait très bien contenir des informations précieuses sur la façon dont le monde dans lequel nous vivons est organisé.

Constantin, partisan de cette idée, explique que le motif trouvé est très cohérent, et qu’il se retrouve même dans les symboles qui apparaissent plus rarement : « Les opérateurs qui apparaissent moins fréquemment (les fonctions exponentielles, logarithmiques, hyperboliques et trigonométriques) suivent la même loi. Ce qui est surprenant.

Bartlett, pour sa part, souligne que le résultat pourrait simplement être un sous-produit statistique qui ne ferait que refléter les tentatives des physiciens d’exprimer succinctement leurs idées. “Nous créons des opérateurs dont nous savons qu’ils sont utiles”, explique le chercheur. Avec le langage, ce que nous voulons, c’est communiquer le plus grand nombre d’informations possible avec le moins de symboles ou dans les plus brefs délais, et la même chose se produit avec les équations en physique.

“Comprendre les raisons sous-jacentes à ce modèle statistique”, écrivent les auteurs, “peut faire la lumière sur le modus operandi de la nature, mais aussi révéler des modèles récurrents dans les tentatives des physiciens pour formaliser les lois de la nature”.

Une autre possibilité intéressante est que les deux scénarios sont également réels et se produisent en même temps. “En étant pionniers dans l’étude des régularités statistiques dans les équations de la physique”, conclut l’article, “nos résultats ouvrent la porte à une ‘méta-loi’ de la Nature, une loi à laquelle obéissent toutes les lois physiques.”