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Insécurité à la Gare du Midi de Bruxelles : Bilan de l’année 2023 et perspectives

Insécurité à la Gare du Midi de Bruxelles : Bilan de l’année 2023 et perspectives

«Oh non, ce n’est pas vrai ! Je me disais bien qu’il était louche, ce monsieur.» Marie-Hélène laisse tomber les mains sur ses cuisses. Cette pharmacienne installée dans la Gare du Midi vient de se faire dérober un coffret cadeau de produits esthétiques en présentation dans sa vitrine. Cela se produit au moment où nous venons à sa rencontre pour faire le point sur l’année 2023, année où la gare bruxelloise s’est retrouvée au centre de toutes les attentions. Après un été qui a déchaîné les passions sur les questions sécuritaires, il est temps, au soir de l’année 2023, de faire le point sur une politique jugée d’abord laxiste, puis effarante.

Alentours Gare du Midi ©Jean Luc FLEMAL

En revenant chez Marie-Hélène, la pharmacienne assure se faire voler en moyenne trois fois par semaine. «J’ai dû vider certaines boîtes de médicaments, et je les remplis quand le client me les amène au comptoir. En général, on vole ce qui s’échange contre de la drogue, mais il y a aussi des fausses ordonnances…»

Selon elle, l’action de «nettoyage» de la fin août est «un pétard mouillé». «On a vu une amélioration pendant deux semaines».

”Notre job, c’est d’être présent”

Pourtant, en termes de présence policière, on peut dire que le message a été entendu. Deux combis de la police fédérale stationnent toute la journée devant la gare. «C’est généralement très calme, notre job c’est d’assurer une présence», glisse un policier qui scrollait derrière le volant. «Si ça chauffe, on intervient mais surtout pour figer la situation le temps que la police des chemins de fer arrive

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Alentours Gare du Midi ©Jean Luc FLEMAL

De l’autre côté, Nourou. Comme une rescapée du grand coup de propre (ou de com’) de cet été, elle vit sur un trottoir désertique, une image impensable il y a encore six mois. Sa vie est ici, sous un monticule de parapluies ouverts. “Ça fait quatre ans. Comme je ne pose pas de problème, je ne me bats pas, je ne vole pas, la police ne dit rien.” DoucheFlux, l’association venant en aide aux sans-abri et basée juste à côté, lui apporte parfois de la nourriture ou de quoi rester au chaud.

“Viré en deux minutes”

De l’autre côté de la gare, une DH à la main, Jean-Michel est un habitué des lieux. «J’ai vécu à la rue de 2010 à 2016, à l’époque, il n’y avait pas autant de problèmes qu’aujourd’hui. Le crack a tout changé». Il était là quand la police a viré tout le monde à la fin de l’été. «Mais tous ces gens, ils ne se sont pas envolés dans la nature. Ils sont dans les stations de métro à côté, dans les parkings. Ces gens-là n’ont toujours pas de logement. Il faut voir quand Bulles (la wasserette mobile, NdlR) vient ici. Il y a quarante personnes qui sortent de nulle part». En fait, selon Jean-Michel, «ils ont caché tout le monde pour ne pas effrayer les touristes. Si quelqu’un s’installe sous le tunnel avec son matelas, il est viré en deux minutes

Jean-Michel, un habitué des lieux. ©Jean Luc FLEMAL

Une politique de la main de fer qui n’est pas sans conséquence pour les travailleurs de terrain qui viennent à la rencontre des personnes en rue. «Pour les travailleurs sociaux, on perd un contact visuel avec les usagers, et on n’a pas le temps de jouer au chat et à la souris. Certaines personnes ont probablement perdu des aides», résume Charlotte Bonbled, de l’ASBL Dune, qui vient en aide aux personnes ayant des problèmes d’assuétudes.

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Le 9 novembre, Dune avait vu passer 6.715 personnes dans ses locaux, porte de Hal, pas si loin de la gare. Sans pouvoir établir un lien causal avéré, c’est tout de même plus que les 5.500 personnes cumulées sur les 12 mois de 2022. C’est aussi peut-être lié, nous dit-on, à la paupérisation grimpante de Bruxelles, qui connaît une augmentation de 20 % de personnes sans-abri tous les deux ans.

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Côté propreté, “ça va mieux”

Pour un autre, en revanche, son quotidien a changé, c’est Gallo. Il balaye le quartier depuis des années. «Avant, 30 minutes après mon passage, je pouvais recommencer car c’était déjà sale. Aujourd’hui, ça va mieux.” En ce vendredi pluvieux, il prend une pause au café de Rosalia, juste en face de la sortie de la gare. «Ce n’est pas encore parfait, on m’a volé des chaises en octobre. Cela faisait des années que des gens dormaient devant la porte du café, maintenant ce n’est plus le cas. Mais je sais qu’ils sont ailleurs, on est en Europe, il y a des aides sociales, le CPAS, je ne comprends pas comment des gens peuvent encore dormir dehors…»

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En clair, le gros changement de cette année 2023 : le politique s’est emparé de la question de la gare du Midi. Coordination fédéral-régional, taskforce, médiateur… Et avec effets. Mais jusqu’où ? Jusqu’à quand ? Fin octobre, la Stib annonçait recruter 60 agents pour renforcer la sécurité dans les stations. Dune aura bientôt de nouveaux subsides régionaux et communaux, mais en attendant, «on a instauré un système de jauges tournantes et fermé nos douches pour avoir plus de travailleurs, car quand on a 100 personnes devant la porte, on ne sait pas suivre

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