Interview sur le procès des violeurs de Gisèle Pélicot

2024-09-15 12:45:22

Monsieur Courbet, wann haben Sie zum ersten Mal von diesem Fall gehört?

Ende 2020, als Dominique Pelicot dabei erwischt wurde, wie er Kundinnen im Supermarkt unter den Rock filmte. Zunächst ahnte die Polizei nicht, welche Dimension der Fall annehmen würde. Das Ausmaß wurde schlagartig klar, als sie die Fotos und Videos von Gisèle Pelicot fand.

Wie waren die Reaktionen?

Bestürzend. Niemand konnte es zunächst glauben. Als Gisèle Pelicot zum ersten Mal mit den Vorwürfen auf dem Polizeirevier konfrontiert wurde, stritt sie alles ab. Das könne nicht ihr Mann sein, sagte sie, denn der sei ein „super Typ“, ein liebender Ehemann, Vater und Großvater.

Lassen sich die Taten vor Gericht beweisen?

Da Pelicot viele der Vergewaltigungen seiner Frau aufgezeichnet hat, ist die Beweislage erdrückend: Es gibt rund 4000 Fotos und Filmschnipsel, die zeigen, wie sie bewusstlos im Bett liegt, während die Männer sich an ihr vergehen. Pelicot ist somit sowohl der Hauptbeschuldigte als auch der Hauptbelastungszeuge der Ermittler. Es ist paradox, aber wahr: Er ist der Grund, warum der Prozess stattfinden kann.

Wie haben Sie sich als Journalist auf den Fall vorbereitet?

Vor zwei Monaten habe ich den 360 Seiten langen Untersuchungsbericht zugespielt bekommen. Nach der Lektüre war klar, um was es sich handelt, und wir beschlossen, umfangreich zu berichten.

Gisèle Pelicot consulte son avocat au tribunal d’AvignonAFP

Ils sont présents au tribunal chaque jour du procès. Comment imaginer la situation là-bas ?

En raison des circonstances particulières, 51 hommes sont jugés, le procès est exceptionnellement long, 69 jours au total. Contrairement à l’Allemagne, en France il n’y a pas de pause entre les jours de procès, mais le procès se déroule en continu tous les jours ouvrables, de 9 heures à 19 ou 20 heures généralement. Cela accroît la pression sur le pouvoir judiciaire et également sur nous, rapporteurs. D’autant que l’intérêt pour l’affaire est énorme à travers le monde.

Le dernier grand procès comparable en France est celui du Bataclan. La situation ici est presque une image miroir : à l’époque, il y avait quelques auteurs et de nombreuses victimes. Il y a ici de nombreux auteurs, mais une seule victime principale, Gisèle Pelicot, 72 ans. Quel genre de femme est-elle ? Comment les vivez-vous dans la salle d’audience ?

Durant les trois premiers jours, elle n’a pas dit un seul mot pendant le procès et n’a manifesté aucune réaction. C’était presque comme si ses enfants avaient plus de mal qu’elle à s’asseoir en face de leurs bourreaux dans la salle d’audience. Sa fille en particulier pleure sans cesse. La semaine dernière, elle a dû quitter la salle parce qu’elle n’en pouvait plus. Sa mère est restée. Elle a écouté avec attention les longs débats, parfois très techniques, mais aussi abordant des détails atroces de sa vie privée. Gisèle est restée calme malgré tout et rayonnait de dignité et de fierté.

Et quand elle a parlé pour la première fois…

… elle a impressionné toute la France. Elle a parlé pendant une heure et demie, sans interruption et sans scénario. Ses paroles étaient claires et sérieuses et elle ne traduisait aucune hostilité en racontant son histoire depuis la découverte du crime jusqu’à nos jours. Elle se demandait ce qui poussait l’homme avec qui elle était mariée depuis 50 ans à faire ce qu’il faisait. Elle a décrit ce que cela lui a fait de voir les images d’elle-même inconsciente au lit : « Les hommes m’ont traitée comme une poupée de chiffon. » Mais même lorsque les avocats adverses ont tenté de l’attaquer, elle est restée intrépide : Non, elle dormait et n’était pas éveillée – non, elle n’était pas actrice. Cela durait encore et encore, et on se demandait à quoi pouvaient bien ressembler les choses en elle. Elle a répondu elle-même à cette question lorsqu’elle a déclaré à un moment donné qu’elle avait l’air bien de l’extérieur, mais qu’à l’intérieur elle était « en ruines ».

Pourquoi le procès a-t-il lieu publiquement ?

Gisèle Pelicot a pris cette décision peu avant le début du procès. Elle aurait pu demander l’exclusion du public et cela lui aurait été accordé. Mais elle voulait parler au nom de toutes les femmes, qui, comme elle, “ont été droguées et ne le sauront peut-être jamais”.

Pourquoi a-t-elle décidé si tard ?

Au début, elle n’aimait pas ça du tout et en discutait avec sa fille. Caroline Darian, qui a témoigné à Avignon que son père l’avait également laissée inconsciente et avait pris des photos d’elle nue, a écrit un livre sur ce crime et fondé une association d’aide aux victimes. Elle souhaitait avant tout rendre le procès public pour montrer aux autres victimes qu’elles peuvent se défendre. Elle a convaincu sa mère.

La fille Caroline Darian a convaincu sa mère de rendre l'affaire publique : ici avec son frère Florian
La fille Caroline Darian a convaincu sa mère de rendre l’affaire publique : ici avec son frère FlorianAFP

Gisèle Pelicot a même approuvé la divulgation de son nom complet. C’est incroyable, car tous les membres de la famille seront désormais associés à jamais à ces crimes.

Elle a décidé ça aussi. Elle a dit qu’elle voulait que les gens se souviennent plus tard d’une Gisèle qui était forte et courageuse et qui ne se laissait pas intimider. Cependant, je doute que leur stratégie fonctionne. Il est très probable que le nom soit principalement associé à des actes monstrueux. Son nom n’est plus Pélicot. Leur divorce a été annoncé dès le premier jour du procès. Mais elle souhaite qu’on l’appelle au procès sous le nom qu’elle portait pendant ses cinquante ans de mariage.

Comment réagit le public français ? Un tel crime dans un village près d’Avignon…

Au début, il y avait peu d’intérêt. Cela a peut-être quelque chose à voir avec le fait que tout ce qui ne se passe pas à Paris n’est pas pris au sérieux en France. Puis il y a eu la fin des vacances d’été, la Rentrée. Tout le monde est occupé à retourner à l’école et au travail. Au début, nous étions les seuls médias nationaux présents dans la salle, mais cela n’est pas resté longtemps ainsi. L’intérêt s’est soudainement accru et nos rapports nous ont été arrachés des mains. Une vidéo de l’AFP au début du procès a été téléchargée onze millions de fois.

Comment vivez-vous l’auteur principal, Dominique Pelicot ?

Il a l’air très moyen, comme la plupart des grands criminels. La description du gentil voisin est donc exacte. Il devait témoigner la semaine dernière, mais il est tombé malade et son témoignage a été reporté.

Que disent les experts : est-il un psychopathe, est-il considéré comme schizophrène ?

Jusqu’à présent, les experts affirment qu’il n’a pas de problème psychologique, mais qu’il savait exactement ce qu’il faisait. C’est certainement l’un des criminels français les plus dangereux de ces dernières décennies, un pervers qui se faisait passer pour un gentil papy le jour et se transformait en monstre violeur la nuit.

Le reporter David Courbet de la rédaction de l'AFP à Marseille est désormais au tribunal pour la journée
Le reporter David Courbet de la rédaction de l’AFP à Marseille est désormais au tribunal pour la journéeLara Bommers

À quelles questions le processus doit-il répondre ?

Beaucoup. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment les crimes ont été commis, mais aussi de remettre en question la définition des relations sexuelles consensuelles. C’est socialement pertinent, surtout en France, où MeToo n’a pas été vraiment pris au sérieux pendant longtemps. Le processus pourrait établir de nouvelles normes politiques et juridiques.

« L’asservissement chimique » est l’une des principales accusations de l’accusation. Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

Le terme est relativement nouveau en droit français. Ce délit n’existe que depuis 2018. Il s’agit de l’administration secrète de substances telles que des gouttes knock-out afin de rendre la victime sans volonté. L’acte d’accusation ne peut faire référence à cela qu’à partir de 2018, mais les abus ont commencé en 2011. L’accusation pour la période précédente était donc le viol ainsi que la reproduction et la diffusion d’images intimes sans consentement.

Quelle est la situation dans la salle d’audience ?

Oppressif. La salle est petite et tout le monde est assis très près les uns des autres : le juge, les auteurs, la victime, les enfants, les spectateurs. Vous pouvez tout entendre, même si c’est murmuré. Les 32 hommes accusés mais non détenus parce qu’ils ne sont venus qu’une seule fois chez les Pélicots prennent également place dans l’audience. Il s’agit notamment d’experts en informatique, d’infirmières, de chauffeurs de camion, de journalistes. L’un d’entre eux souffre du SIDA et les hommes ont eu des relations sexuelles sans préservatif. Ils s’assoient autour de moi, à côté de moi, derrière moi, devant moi. Vous pourrez même les retrouver dans les restaurants de la ville lors de leurs pauses déjeuner. Cela me met extrêmement mal à l’aise. Je ne veux pas imaginer ce que vit la famille de la victime.

Et comment réagissent les prévenus ?

La majorité d’entre eux se défendent contre l’accusation. Seuls six d’entre eux reconnaissent être coupables des accusations portées contre eux. Les autres plaident innocents. Les 18 multiples auteurs plus Dominique Pelicot, assis dans une boîte vitrée sur le banc des accusés, auront bien du mal à prouver qu’ils ne savaient pas que Gisèle Pelicot était droguée. Ils sont venus à la maison jusqu’à six fois pour la maltraiter. Mais ils affirment qu’il ne s’agissait pas de viols ou, tout au plus, de « viols involontaires ». Ce sera la question principale du procès : à quel moment peut-on parler de viol ?

Des milliers de personnes se rassemblent place de la République à Paris.
Des milliers de personnes se rassemblent place de la République à Paris.Getty

Qu’entend-on par « viol involontaire » ?

Ce que les accusés veulent dire, c’est qu’ils n’en avaient aucune idée. Qu’ils pensaient qu’il s’agissait d’un jeu étrange pratiqué par le couple Pélicot : un « scénario permissif » dans lequel Madame fait semblant de dormir et consent à avoir des relations sexuelles pendant que le mari regarde et participe. Si bien que Gisèle Pelicot a seulement fait semblant d’être inconsciente. Ou qu’elle a volontairement pris ces substances pour s’endormir profondément. J’ai appris ces schémas d’argumentation auprès des avocats des accusés. En fait, cette procédure n’est pas un processus, mais 51 processus. Concernant Dominique Pelicot, les choses sont assez claires. Il sera probablement condamné à la peine maximale, soit 20 ans de prison. Même ceux qui commettent de multiples délits pourront difficilement éviter une peine de prison. Mais qu’arrive-t-il aux trois quarts des gars qui n’étaient là qu’une seule fois et qui disent : Bien sûr, c’était une situation étrange, mais c’est impossible à comprendre.

Avant d’approcher Gisèle, les hommes n’avaient pas le droit de se parfumer, de boire de l’alcool ou de fumer afin de ne pas la réveiller avec l’odeur. Comment peut-on encore parler d’ignorance ?

Divers avocats m’ont dit qu’ils invoqueraient le manque d’éducation et le manque d’intelligence. Que ces hommes étaient tout simplement trop stupides et trop ignorants pour se poser les questions évidentes : que se passe-t-il ici ? Est-ce que cette femme veut vraiment ce que je fais ici ?

Vous pouvez difficilement imaginer cela.

La semaine dernière, un policier a fait état des vidéos avec Gisèle Pelicot. Alors qu’elle est inconsciente dans son lit, immobile comme un sac mort. Les avocats de l’accusé ont rétorqué que 28 secondes n’avaient pas de sens car ils ne savaient pas ce qui s’était passé avant et après. Mais ce que le policier a décrit était radical : il y a même eu du sexe oral, puis on entend Dominique en arrière-plan crier « Stop » parce que sa femme, inconsciente, menaçait de s’étouffer. La défense a déjà réfléchi à une stratégie à cet égard : les hommes ne se seraient guère laissé filmer volontairement s’ils avaient soupçonné qu’il s’agissait d’un crime. L’intentionnalité jouera donc un rôle central dans l’évaluation, c’est-à-dire la question de savoir si les mêmes critères s’appliquent aux stupides et aux connards.



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