Cette vaste fraude a été mise au jour dans les montagnes des Abruzzes, une région d’Italie située entre Rome et la mer Adriatique. Lina Calandra, maître de conférences en sciences naturelles à l’université de L’Aquila, a mené l’enquête et a révélé la supercherie. Selon les documents de l’AGEA, organisme chargé de la gestion des fonds européens destinés aux agriculteurs italiens, les montagnes de cette région abritent de nombreuses fermes, bergeries et animaux. Cependant, Lina Calandra a découvert que cette activité agricole florissante n’était que virtuelle. En réalité, la plupart des alpages étaient vides. “D’après les subventions et les terrains mis à disposition par la municipalité, l’activité économique aurait dû être bien plus importante”, a-t-elle expliqué au journal La République.
Lina Calandra et son équipe ont alors enquêté et ont rencontré les agriculteurs locaux. Beaucoup d’entre eux ont exprimé leurs difficultés à maintenir leurs exploitations. Dans les Abruzzes, la plupart des terrains agricoles appartiennent aux autorités locales, qui les louent aux agriculteurs et aux bergers. Le système est simple : le terrain revient à celui qui fait la meilleure offre.
Les agriculteurs locaux sont devenus les victimes de ce système. Des entreprises extérieures, principalement du nord de l’Italie, remportent un grand nombre de ces terres en proposant des prix bien plus élevés. “Pour une prairie normalement louée à 1 000 euros, ils proposent 10 000 euros, je ne peux pas rivaliser avec ça”, a confié un agriculteur à Mme Calandra.
En réalité, c’est la mafia du sud qui se charge d’obtenir les autorisations pour créer de nouveaux fermes et bergeries. Ces permis sont souvent délivrés facilement et sans vérifications approfondies. La mafia reçoit ensuite les subventions européennes associées à ces permis, puis revend les licences à des entreprises du nord. Le montant de ces subventions dépend de la surface des terres. “Il s’agit souvent de fermes fictives qui n’existent que sur le papier, mises en place par des banquiers, des comptables, des notaires et des complices locaux qui cherchent à faire rapidement de l’argent”, a expliqué Lina Calandra.
Cette manœuvre nuit gravement aux exploitants locaux qui se retrouvent dépassés. Ceux qui ont essayé de surenchérir ont été menacés. “Plusieurs vols de bétail ont eu lieu dans le village. Trente de mes vaches ont disparu en une nuit, et plus tard mes outils agricoles ont été volés”, raconte un agriculteur. Une enquête a été ouverte. À ce jour, le montant de la fraude serait d’au moins 5 millions d’euros, 24 entreprises ont été confisquées et 40 personnes ont été arrêtées.