L’armée israélienne a déclaré vendredi qu’elle visait un “homme armé du Hamas” tirant depuis le toit d’un des camions d’aide lorsqu’elle a tué sept travailleurs humanitaires à Gaza, reconnaissant avoir commis une série d'”erreurs graves”.
• À lire également: Gaza: Biden avertit Netanyahu que son soutien dépendra de mesures pour protéger les civils
• À lire également: Sept humanitaires tués à Gaza: Israël admet une frappe “non intentionnelle”
Ces travailleurs humanitaires ont été tués lundi soir par trois frappes israéliennes lancées en l’espace de quatre minutes sur leur convoi dans la bande de Gaza, où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas.
L’équipe aux commandes des drones à l’origine des frappes a commis une “erreur d’appréciation opérationnelle de la situation” après avoir repéré un “homme armé du Hamas” tirant depuis le toit d’un des camions d’aide que les collaborateurs de l’ONG américaine World Central Kitchen (WCK) escortaient, selon une enquête interne de l’armée.
L’armée, qui mentionne des “violations des procédures opérationnelles normales”, a également reconnu que WCK avait communiqué son plan de route, mais que les militaires chargés des frappes ne l’avaient pas en leur possession.
Lors d’une conférence de presse au quartier général de l’armée à Tel-Aviv, des hauts gradés israéliens ont présenté aux journalistes des séquences vidéo de drone montrant l'”agent du Hamas” se joignant au convoi de WCK circulant à Gaza dans la nuit de lundi à mardi peu après 22 h (heure locale).
Deux limogeages
De grands logos WCK décoraient le toit des véhicules, mais la caméra du drone ne pouvait pas les voir dans l’obscurité, a déclaré le général à la retraite Yoav Har-Even, qui dirige l’enquête. “Cela a été un facteur clé dans la chaîne des événements”, a-t-il ajouté.
La mort des humanitaires a suscité une vague d’indignation, le président américain Joe Biden demandant jeudi au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’ordonner un “cessez-le-feu immédiat” lors d’un appel téléphonique tendu.
Le général Har-Even a admis que “les trois frappes aériennes ont été effectuées en violation des procédures opérationnelles normales”.
Ceux qui les ont approuvées “étaient convaincus qu’ils visaient des agents armés du Hamas, et non des employés de WCK”, indique un communiqué de l’armée, le général Har-Even évoquant une confusion ayant conduit le commandement à penser que les véhicules du convoi “avaient été saisis par le Hamas”.
Deux officiers impliqués dans cette erreur, un colonel de réserve et un commandant d’active, seront limogés selon le rapport du général Har-Even.
Les travailleurs humanitaires – trois Britanniques, un Canadien avec double nationalité, un Polonais, un Australien et un Palestinien – ont été tués après avoir supervisé le déchargement d’un navire transportant 300 tonnes d’aide alimentaire de Chypre vers un entrepôt à l’intérieur des terres.
Mais alors qu’ils roulaient vers le sud, à 23 h 09 (heure d’Israël, 22 h 09 à Gaza, 20 h 09 GMT) le 1er avril, le drone “a frappé une voiture et identifié des personnes sortant de la voiture et montant dans une autre voiture”, a déclaré le général Har-Even.
“Ils ont décidé de frapper, ce qui allait à l’encontre des procédures opérationnelles normales. Puis ils ont frappé la troisième voiture”, a poursuivi l’officier. “Ils ont cru que les véhicules appartenaient au Hamas en raison d’une erreur d’analyse opérationnelle et de catégorisation erronée”, a-t-il ajouté.
Rupture de communication
“C’est une tragédie. C’est une grave erreur pour laquelle nous sommes responsables”, a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, parlant d’un “méga-événement (…) qui n’aurait pas dû se produire”.
“Nous veillerons à ce que cela ne se reproduise plus”, a-t-il ajouté.
Ce convoi circulait de nuit notamment pour éviter les rassemblements autour des transports d’aide alimentaire, qui ont dégénéré à plusieurs reprises en affrontements meurtriers à Gaza.
L’armée israélienne a “coordonné avec succès des milliers de convois d’aide humanitaire à Gaza”, a encore déclaré l’amiral Hagari, accusant également le Hamas d’avoir détourné des camions d’aide.
Cependant, selon le général Har-Even, il y a eu une rupture de communication concernant le convoi au sein de la chaîne de commandement militaire, ce qui aurait pu entraîner les frappes.
WCK avait fourni toutes les informations nécessaires, mais elles n’ont pas été transmises, a-t-il ajouté : “la plus grande erreur est que l’équipe des drones n’avait pas de plan de coordination” entre WCK et l’armée.
Le général a informé tôt vendredi le fondateur de WCK, le célèbre chef cuisinier américain d’origine espagnole José Andrés, des premiers résultats de son enquête, avant que ces informations sur les circonstances des frappes ne soient divulguées plus largement.
M. Andrés avait qualifié l’attaque de “frappe israélienne ciblée” contre son personnel. Selon l’ONU, environ 200 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza en six mois de guerre, près de trois fois plus que dans tout autre conflit en un an.
Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères a déclaré vendredi avoir demandé à Israël “une enquête” pour “meurtre”.
Jeudi, des ONG internationales ont alerté sur leur quasi impossibilité de travailler à Gaza, que ce soit en termes de sécurité ou d’approvisionnement bloqué à la frontière.
