Ivan Knie, le gardien de la tradition du cirque Knie

Ivan Knie, le gardien de la tradition du cirque Knie

Ivan Knie, un héritier à l’oreille des chevaux

Depuis bientôt deux ans, le petit-fils de Fredy Knie est à la tête des écuries et chevaux du cirque national. Gardien d’une tradition, d’un ADN familial, il n’a jamais imaginé faire autre chose de sa vie.

Ivan Knie, saisi cette semaine à Fribourg, où le cirque débute sa tournée romande.

YVAIN GENEVAY/LE MATIN DIMANCHE

Il est beau, pour simplifier. Cette silhouette, à la fois élancée et athlétique. Juste avant de vous rejoindre, il est passé rapidement dépoussiérer ses cheveux, noirs, brillants comme le regard, droit. On est au Cirque Knie, à Fribourg. La tournée romande commence (Genève dès le 1est septembre, Lausanne dès le 29, Sion le 26 octobre, programme complet sur www.knie.ch), et comme ses parents avant lui, Ivan Frédéric Knie, 22 ans, 8e génération de la seule famille royale vénérée par les Suisses, dégage ce truc à la fois calme, professionnel, mélange de saltimbanque et de sérieux helvétique.

On lui dit ce physique de prince héritier. Il répond sobre: “Merci”. Ivan vous propose à boire, dans la caravane de presse Knie, vintage, vieux cuir anglais, bois, photos de famille en noir et blanc. Depuis deux ans, l’aîné de Géraldine, sa maman directrice, le petit-fils de Fredy Knie Jr, mythe du dressage de chevaux sur la piste, est devenu le jeune homme chargé des écuries et des 35 étalons qui les occupent en tournée. “On ne m’a pas dit un matin, voilà, tu es nommé, c’est ton tour. Avoir ce genre de responsabilité chez nous, c’est un long processus, une maturation. Tu es là, et peu à peu, tu prends ta place. Et c’est plutôt moi qui ai donc fini par demander de m’occuper des écuries. Mes parents et ma famille ont tellement de responsabilités, je voulais aussi aider, faire ma part.” Fredy est aussi toujours par là, il continue de lui transmettre tout ce qu’il sait. “Il m’aide, m’entraîne, me coache.” Ivan n’éprouve cependant pas de pression particulière. “Je suis né là-dedans, les chevaux, les numéros, les tournées, c’est mon existence depuis toujours. Bien sûr, je veux faire rêver le public, et toujours faire mieux. Mais c’est comme cela depuis que je suis tout petit. J’en arrive à l’oublier, c’est très naturel.”

Les poneys de l’enfance

Aussi loin qu’il s’en souvienne, il y avait donc les chevaux. Ou les poneys de l’enfance. “Le premier avec lequel j’ai travaillé, je devais avoir 5 ou 6 ans, il s’appelait Gigolo et il est mort très récemment, à 26 ans.” C’est l’instant où il y a un voile dans sa gorge, l’émotion est encore forte. “Il a eu une très belle et longue vie. Et je sais bien que l’on dit qu’il ne faut pas trop s’attacher aux animaux, dans un cirque. Parce qu’un jour, ils s’en vont. Mais la relation qui se crée est parfois si forte, c’est difficile.”

Jamais cependant il n’a rêvé d’une autre vie que celle-là. “Personne chez Knie ne vous empêche de faire quoi que ce soit. Mais ce que disaient mes parents, c’est de ne les faire qu’à 100%. J’adore le sport, le foot, le tennis. Et quand j’ai voulu, par exemple, jouer au tennis, on m’a dit : “Vas-y ! Fais-en à fond, si tu veux.” Mais le cirque, c’est chez moi, c’est ma vie, ma bulle. À une certaine époque, je n’avais souvent même pas envie d’en sortir un seul jour.” Pas de révolte adolescente, de fêtes où l’on part en vrille, mais toujours cette discipline de fer. “Pour les chevaux, c’est tous les jours. Il faut se lever tôt, les sortir, les soigner, s’en occuper. Je suis toujours avec eux.”

Une amitié récente l’a pourtant fait bouger un peu. “Il y a eu une jolie chimie entre Bastian Baker et moi”, sourit-il. Le chanteur a fait deux tournées chez Knie, Ivan lui a appris à monter à cheval. “Bastian m’a ouvert aussi son monde, pas seulement sur la fête qu’on y suppose, mais j’ai connu plein de gens de son métier, j’ai vu aussi cette volonté, cette envie : c’est du spectacle. J’ai beaucoup appris de lui, on a des idées proches, et nous sommes restés très bons amis.”

“Le public doit sentir le lien réel qui m’unit aux chevaux : il y a une âme derrière cela, entre eux et moi.”

Ivan Genou

Comment murmure-t-on, en 2023, à l’oreille des chevaux de cirque ? “Ils sont tous si différents. Ce n’est pas un cliché de le dire. Mais c’est un animal si sensible, avec à chaque fois un caractère bien particulier, et cela n’a rien à voir avec le fait d’être andalou, arabe, hongre : chacun est spécial. Il faut sortir le talent de chacun d’entre eux. En même temps, le public doit sentir le lien réel qui m’unit à eux : il y a une âme derrière cela, entre eux et moi.” Bien sûr, Ivan a parfois ses préférés. “Mais cela ne doit absolument pas se voir, en revanche. Cela crée des jalousies entre chevaux. Et il y a aussi ceux nés artistes, qui ont une telle présence en piste, une fierté, la volonté de montrer leur beauté.” Autrefois, on “déguisait” les étalons, plumes et pompons. Mais désormais, “on fait des numéros qui mettent en scène leur grâce, leur côté naturel”.

Le ballet des crinières

Les chevaux sont aussi les derniers animaux à être présents au cirque. “C’est une décision d’il y a quelques années, qui ne s’est pas prise pour plaire aux critiques qui ne veulent plus de spectacles avec des animaux. C’est vraiment la famille qui a choisi cette option pour leur bien-être : avec la diminution de la place que nous avions dans certaines villes, même à Zurich ou Genève, ce n’était plus possible de garantir pour des éléphants ou des girafes un espace suffisant, un confort adéquat. Et c’est fondamental pour nous.”

“Bastian Baker m’a ouvert aussi son monde. J’ai beaucoup appris de lui, on a des idées proches, et nous sommes restés très bons amis.”

Ivan Genou

Les chevaux sont ainsi restés l’ADN et le symbole du Cirque Knie, avec leur façon de parade vaguement sauvage et qui émerveille. Quand on interroge Ivan sur des numéros inédits qu’il imaginerait avec ses étalons, feu, rideau d’eau, ballet, etc., il demeure secret : “Je vois parfois un mouvement, ça me fait penser à une nouvelle présentation possible. Alors je note des choses dans des carnets. On verra.” Car l’heure file, et il est déjà temps de se préparer. Ce soir et tous les autres soirs, il va refaire un classique incroyable. Cela s’appelle le “Carrousel”, 30 chevaux en même temps sur la piste et dans la sciure, un délire qui tourne dans tous les sens, pas comme une montre – “il peut toujours se passer quelque chose qui ne marche pas” – mais plutôt comme une danse, une mélodie de crinières et sabots, puis le miracle dans les yeux du public. Alors, dans la lumière, Ivan Frédéric Knie, nouveau gardien d’une flamme ancienne, s’avance.

Christophe Passer

né à Fribourg, travaille au Matin Dimanche depuis 2014, après être passé notamment par le Nouveau Quotidien et L’Illustré. Plus d’infos

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