Nous avons une île dans l’archipel finlandais appelée Härligö et, pendant mon enfance, mon père Olof a réalisé que nous devions être autosuffisants. Il cultivait des betteraves et des pommes de terre et, chaque nuit, il étendait des filets. Souvent je ramais et presque toujours nous attrapions du brochet.
Ma mère Martina préparait le poisson avec des œufs et du beurre clarifié, parfois aussi bien pour le dîner que pour le déjeuner, et je ne pouvais pas le supporter. Le poisson avait trop d’arêtes et avait un goût amer, et j’ai juré de ne plus jamais en manger. Mais ensuite les années ont passé et je suis parti pour l’Europe. Un jour, je suis entré dans un restaurant exclusif à Saint-Jean-de-Luz, sur la côte sud de la France. Comme je ne comprenais pas bien le français du menu et que j’étais coincé à la caisse, j’ai pris le pari sûr et j’ai commandé le plat de poisson le plus cher, un brochet. Le serveur a certifié que c’était un choix délicieux et est sorti avec la nourriture élégamment disposée sur un plateau bleu ciel. J’ai pris la première bouchée, puis quelque chose de merveilleux s’est produit. J’ai voyagé comme si je remontais le temps et j’ai entendu les rames battre et les filets cliqueter et fouetter les ailerons du bateau à rames.