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«Je n’imaginais pas que j’allais revenir vivant» : Karim, séquestré pendant 47 jours, s’est échappé des griffes de trafiquants d’or

«Je n’imaginais pas que j’allais revenir vivant» : Karim, séquestré pendant 47 jours, s’est échappé des griffes de trafiquants d’or

« C’est comme si j’étais déjà mort ». Enlevé à Villepinte (Seine-Saint-Denis) en novembre dernier et séquestré aux Pays-Bas, Karim (le prénom a été changé)36 ans est parvenu à s’échapper des griffes de ses ravisseurs qui l’ont gardé prisonnier presque deux mois. Dans cette affaire encore très mystérieuse, trois suspects, âgés de 19 à 42 ans, ont été mis en examen à Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Les enquêteurs de la brigade criminelle estiment que le mobile le plus plausible de ce rapt serait un vol de trois millions d’euros portant sur du trafic d’or entre l’Afrique et Dubaï. Un neveu de la victime installé dans les Émirats se serait associé avec des Hollandais pour acheter du métal précieux. Mais l’affaire aurait mal tourné et les investisseurs auraient enlevé Karim sachant qu’il avait un lien de famille avec leur associé. Les ravisseurs comptaient ainsi faire pression pour être remboursés.

Frappé au point de perdre connaissance

Le père de famille, que nous avons rencontré, n’est toujours pas remis de cette traumatisante expérience. « J’ai perdu le sommeil, j’y pense toujours. Je prends des médicaments et je suis suivi par un psy. Mais aujourd’hui encore je ne peux pas sortir quand la nuit tombe et au restaurant, au bout de cinq minutes, j’ai l’impression qu’on m’étrangle ».

Cet employé de mairie tient à raconter sa version pour faire « taire les bruits et rumeurs qui entourent mon histoire » explique-t-il. « Je ne suis pas un trafiquant, ma vie c’est le travail, la maison et la mosquée », assure-t-il. À Villepinte, sa famille compte. Son frère travaille à l’hôtel de ville et il gère une association qui vient en aide aux plus démunis en distribuant des colis alimentaires. Les deux frères ont également monté un fast-food dans la commune.

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Le 14 novembre, vers 22h10, il quitte justement ce fast-food à bord de sa voiture. « J’arrive dans une petite rue. On me bloque la route. Un fourgon devant moi et une Mercedes à l’arrière », raconte-t-il. Les quatre agresseurs encagoulés et vêtus de noirs ouvrent les deux portes de sa voiture. Le trentenaire s’accroche au volant. L’un des malfrats découpe sa ceinture de sécurité et les coups de poing commencent à pleuvoir. « Ils criaient, ils m’ont massacré. Coups de poing et coups de pied par terre », se souvient-il. Karim perd connaissance et se réveille allongé à l’arrière d’une voiture. Ils roulent longtemps puis s’arrêtent dans un entrepôt. La victime est ensuite embarquée dans un fourgon, menottée et ses pieds sont attachés avec des liens.

Attaché les yeux bandés dans un grenier

Conduit dans une ferme aux Pays-Bas où il est détenu dans un grenier, Karim est « cagoulé, les yeux scotchés et cellophanés » pendant quarante-sept jours. Il est sous la garde de deux geôliers, un Néerlandais et peut-être un Français. L’un d’eux s’exprime en dialecte marocain. Leur victime est maintenue dans le noir. « Une seule fois, ils m’ont descendu prendre une douche », souffle-t-il.

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Karim compte les jours et pense à ses proches. « Honnêtement, je n’imaginais pas que j’allais revenir vivant. Et je me suis dit : Soit je me sauve, soit je meursexplique-t-il. À un moment, le mec monte et je lui dis que je n’arrive pas à dormir parce que les menottes sont trop serrées ». Le gardien soutient qu’il n’a pas le droit d’y toucher mais finalement il les desserre cran par cran. « Mon but, c’était de pouvoir glisser au moins une main dehors », relate l’otage.

Le 31 décembre, il parvient à libérer sa main, enlève sa cagoule. Il rampe et pousse accidentellement la trappe qui descend et fait un grand bruit. « Je me suis dit c’est terminé. Mais j’étais déterminé. J’ai sauté dans un couloir, je suis entré dans une chambre et je suis sorti par la fenêtre ». Une chute de plusieurs mètres. « Mais avec l’adrénaline je n’ai rien senti ». Karim se met à courir sans oser se retourner. Il traverse un champ, surgit sur une route et fait des grands signes aux automobilistes. « J’étais en sang, j’avais une barbe, les cheveux hirsutes. Je comprends que personne ne se soit arrêté », remarque-t-il.

Cinquante jours d’ITT

Finalement, le père de famille rejoint un lotissement et un couple le recueille avant d’appeler la police. Karim est entendu et hébergé par la police locale avant que son frère ne vienne le chercher pour le ramener en Seine-Saint-Denis. L’examen médical relève des cicatrices au visage, dans le dos, aux poignets et aux chevilles. Le médecin estime son incapacité totale de travail à cinquante jours.

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Pourquoi cet homme qui se dit sans histoire a-t-il été enlevé et séquestré si longtemps ? « Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que certains m’en voulaient ou me jalousaient dans la ville, je ne saurais pas le dire », confie-t-il encore.

Les suspects nient toute participation à l’enlèvement

Dubaï est le paradis des trafiquants de métal jaune car les acheteurs ne demandent aucun certificat à leurs fournisseurs. « Il y a beaucoup de vols d’or. Des équipes de malfaiteurs surveillent les trafiquants lorsqu’ils vont voir les courts devant les boutiques. Puis ils les prennent en filature et attendent qu’ils sortent avec leur sac contenant parfois jusqu’à 5 kg de métal et cela se termine en vol à l’arraché », confirme un spécialiste.

« Dans cette affaire rien n’a été payé par ma famille qui n’en aurait d’ailleurs pas eu les moyens », assure Karim. Le trentenaire refuse d’entrer en contact avec ce neveu trafiquant d’or de Dubaï à qui il reproche a minima de n’avoir pas prévenu ses proches qu’ils couraient un danger. « Je ne sais pas ce qu’il fait de sa vie et je ne veux plus entendre parler de lui ».

Dans ce dossier à l’instruction, les trois suspects nient avoir participé à cet enlèvement qui garde pour l’instant tout son mystère.

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