2024-11-18 20:31:00
Loredana Di Adamo par le livre d’Elena Cerkvenič
« Mais pourquoi veux-tu écrire et rendre public tout cela ? L’histoire de ta vie, de ta maladie…” Et avec le sourire timide et doux avec lequel elle couvre toujours ses paroles, Elena m’a répondu : « Parce que je veux que les gens sachent que c’est possible. Qu’on peut vivre avec la maladie, qu’on peut vivre malgré tout, et moi je vis. Moi aussi, je vis une vie normale, et je veux le faire savoir, pour aider ceux qui pensent peut-être qu’ils n’y arriveront pas…” – d’après la préface de Francesca De Carolis, p. 7
Dans « Je suis schizophrène et j’aime ma folie » le récit de Elena Cerkvenič c’est touchantet pour moi c’est encore plus vrai parce que je connais Elena. Ses paroles émouvent et amènent à se sentir ensemble dans cette fragilité que l’on aimerait embrasser et garder en sécurité pour toujours. Dans sa description détaillée les émotions déchirantes et brûlantes d’une souffrance indescriptible résonnentmais aussi le désir de vivre qui ne sommeille jamais.
Quelque chose qu’Elena a en commun avec les nombreuses personnes qui vivent l’expérience de la détresse mentaleet à nous tous qui traversons cette vie non sans difficultés. Les histoires de vie, comme celle d’Elena, sont un acte d’une grande générosité pour le lecteur parce que vous avez l’opportunité de rencontrer idéalement l’écrivain, de vous rapprocher de son mal-être et d’en savoir plus sur le vôtre.
Tout au long de l’histoire d’Elena, « Savoir être avec l’autre » prend une valeur énorme. Dans les rues de l’âme, on peut se perdre dans un profond malaise, mais on peut retrouver le chemin : tel est le message de son œuvre, pour peu qu’il y ait quelqu’un capable d’être à nos côtés.
De l’autre, cela dépend, en fait, la possibilité de reprendre le voyage après une chuteet reprendre des forces ‒ et enfin se retrouver. L’importance d’avoir les membres de sa famille proches et de se sentir accepté et aimé dans les contextes de vie, représente un élément central de la vie d’Elena, tout comme le fait d’être accueilli par les opérateurs des services de santé mentale, dans un Trieste où ces derniers sont toujours ouverts.
« J’aimerais que tout le monde sache l’importance vitale que revêt le système public de santé mentale communautaire pour les personnes souffrant d’un trouble mental grave. Écoute active, soutien et soins qui vont au-delà de l’usage de drogues et qui garantissent aux personnes souffrant de troubles mentaux la possibilité d’entretenir des relations, mais aussi d’inclusion sociale et professionnelle, et un rôle actif en tant que sujets actifs, engagés à différents niveaux du réalité et dans le contexte social et culturel du territoire et de la ville. – « Je suis schizophrène et j’aime ma folie », p. 108
Elena revient à plusieurs reprises sur l’importance du travail de Franco Basagliaet de son groupe, qui précisément dans son Trieste a réalisé une révolution nécessaire. Il me vient immédiatement à l’esprit que cette possibilité devrait exister partout dans le monde, pour toute personne qui ne peut y arriver seule. Pour ceux en difficulté il devrait toujours y avoir une place où tu peux aller avec la certitude que “tu peux faire ressentir ta douleur”, savoir que quelqu’un vous contactera et vous impliquera dans quelque chose de beau.
Elena décrit ponctuellement l’expérience atroce des crises, du retour de pensées intrusives ; quelque chose qui semble ne laisser aucune place à la vie, et le découragement que chaque expérience racontée entraîne s’arrête à une question essentielle : est-il possible de guérir ?
L’écho d’une question aussi importante résonne à travers les mots qui jalonnent le chemin d’une vie souvent déchirée par la douleur, mais aussi marquée par un désir de vie qui ne s’est jamais apaisé. La recherche de la réponse conduit à la nécessaire ouverture à la contradiction qui est inhérente à la vie, une contradiction qui doit être accueillie et prise en charge. Ici alors, les expériences douloureuses peuvent se combiner avec le bien que la vie offre et qui peut aussi être vécue lorsque l’on traverse l’expérience de l’inconfort : il est possible d’avoir une bonne vie, et de renaître à chaque fois si l’on est avec quelqu’un qui vous donne un coup de main et ne vous laisse pas tomber.
« Mes remerciements vont à Franco Basaglia, pour avoir créé le CSM. Merci, Franco Basaglia, de nous avoir libérés de l’hôpital psychiatrique, et merci de toujours croire en nous “fous”, en nos capacités, en nos attitudes, merci de nous donner la dignité. Merci à tous ceux qui nous considèrent comme des « fous » dignes des droits dont jouissent toutes les personnes « normales ». – « Je suis schizophrène et j’aime ma folie », p. 111
Et c’est comme ça le vide peut être le décor d’une existence pleine de choses belles et précieusesun vide parfois plein et qui prend toute la place, mais où il peut y avoir du salut.
« Il fut un temps où les gens, hommes et femmes, jeunes et vieux, ont commencé à trouver des mots conscients et un besoin impérieux de dire ces mots. Les croiser avec les nombreuses autres émotions et passions qui émergeaient au cours des réunions convoquées plusieurs fois par semaine. Des gens qui ont eu l’aventure de traverser des routes imperméables pour maintenir leur cap avec beaucoup de difficulté. – d’après la postface de Peppe Dell’Acqua, p. 125
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