Nouvelles Du Monde

Jean-Luc Godard : disciple du cinéma

Jean-Luc Godard : disciple du cinéma

« Si un homme traversait le paradis dans ses rêves et recevait une fleur comme preuve de passage et, au réveil, trouvait cette fleur dans sa main… Que dire ? J’étais cet homme.

C’est particulièrement pervers d’écrire ces mots. Notamment parce que Godard parlait souvent de son aversion pour les éloges, mais parce que je dois dire au revoir à un homme qui, d’aussi loin que je me souvienne, s’est senti si obstinément présent. Jusqu’à tout récemment, je parlais de lui au présent : un artiste encore capable de s’affirmer dans l’instant présent ; un homme qui, dans sa 10e décennie, a encore trouvé des moyens de me choquer par la vitalité et la puissance de sa vision, et son emprise inébranlable sur l’éthique, le politique, le formel et l’esthétique. Un homme qui considérait sa position au sein du cinéma comme un terrain d’innovation constante plutôt que de simple réflexion ou d’introspection isolée, et qui, au moment de sa mort, travaillait encore à l’achèvement de deux longs métrages que j’étais certain de voir sortir. Une partie de moi s’attend toujours à ce qu’ils le soient.

Godard était un critique, un historien et un artiste, mais il était avant tout un adepte du cinéma. Son travail est aussi crucial et formateur pour le médium que celui de DW Griffith, Orson Welles ou John Ford, et pourtant, le cinéma a toujours été plus grand que lui. En regardant ses films, on sent ce poids. Je me souviens d’une déclaration typiquement audacieuse et impétueuse d’un jeune Godard, encore critique en herbe : « Au cinéma on ne pense pas, on est pensé. Regarder un film est, dans un certain sens, un acte d’abandon, mais plus que cela, c’est une acceptation du pouvoir transformateur et alchimique du médium. Pour Godard, aborder le cinéma dans un sens significatif signifiait s’engager dans une histoire de l’art, de la culture, de la politique et de la philosophie bien au-delà de la portée de ce qui est à l’écran. Cela ne veut pas dire que son travail n’est pas aussi extrêmement émotionnel, reflétant ses expériences et ses spécificités. idée fixesmais comme tout travail personnel, ils touchent à l’universel.

Lire aussi  La Chine crée des propriétaires de palmiers à huile vertigineux, les prix des CPO chutent en Malaisie

Cette transformation va dans les deux sens. « Ce double mouvement, écrira-t-il plus tard, qui nous projette vers les autres en même temps qu’il nous ramène réellement à nous-mêmes, définit physiquement le cinéma. Lorsque nous regardons un film, nous ne regardons pas seulement les autres, nous nous regardons nous-mêmes. En écrivant sur Godard, je révèle et revis inévitablement beaucoup de mes propres espoirs et rêves sur ce que pourrait être le cinéma. La même chose pourrait être dite pour quiconque a eu le plaisir de voir l’un de ses films. Les voir et comprendre que le cinéma peut être quelque chose de vigoureux, de scandaleux, d’idiosyncratique et souvent plus qu’un peu frustrant.

Transmettant les leçons de ses propres influences critiques intimes, James Agee et André Bazin, Godard force spectateurs et critiques à forger de nouvelles voies synaptiques dans l’approche de son travail. Chacun de nous peut dire qu’il a changé notre perception du cinéma. Les frustrations du cinéma de Godard se cristallisent dans les plaisirs joyciens de son couronnement, Histoire(s) du Cinéma: un projet qui dictera le cours de sa carrière à partir des années 1980, et un film d’une telle ampleur intellectuelle que j’en démêle encore la myriade de tons, les fils thématiques et les implications plus larges qu’il a pour l’avenir du cinéma.

Lire aussi  Le rappeur Ice Ice Baby Vanilla Ice ne se produira pas pendant un certain temps après la mort du rappeur Coolio Musique

Même dans une œuvre exceptionnellement sombre comme Histoire(s)compte tenu de l’échec de 20eculture du siècle pour faire face aux séquelles de l’Holocauste, on peut trouver des moments d’une clarté, d’une beauté et d’un terrain fertile pour de nouvelles idées et orientations. Aussi pessimiste et intensément autocritique qu’il puisse l’être, Godard n’a jamais reconnu sa défaite : «Histoire(s) du cinéma était historique, ce n’était pas désespéré du tout. Il montre des choses qui induisent le désespoir. Il y a pas mal de raisons de désespérer, mais l’existence ne peut pas désespérer.

La lutte souvent sisyphéenne présente à l’intérieur, entre attente et réalité, tradition et modernité, Histoire et histoire, n’était finalement pas une cause de résignation, mais (comme son ami proche, et confrère titan du cinéma, Jacques Rivette, en serait sûrement d’accord) un espace pour une rédemption et un renouvellement constants. « On pourrait dire qu’un certain cinéma est maintenant terminé. Comme disait Hegel, une époque est révolue. Après, les choses sont différentes. On se sent triste parce que l’enfance a été perdue. Mais c’est normal aussi. Maintenant, il y a un nouveau cinéma, et un art différent, dont l’histoire se fera dans cinquante ou cent ans. Maintenant, l’humanité est dans un nouveau chapitre, et peut-être même que l’idée de l’Histoire va changer.

Lire aussi  Il y a de nouveaux duos dans la deuxième semaine de «Big Brother». Apprenez à les connaître - Big Brother

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT