Jean-Pierre Strugo, le doyen du Dakar : « Pour moi, le Dakar, c’est vraiment une notion de partage »

Jean-Pierre Strugo, le doyen du Dakar : « Pour moi, le Dakar, c’est vraiment une notion de partage »

Par Philippe Roudeillat
Publié le 16 23 novembre à 14h16
Domicilié à Chatou (Yvelines), Jean-Pierre Strugo sera au départ de la 46e édition du Dakar qui se déroulera en Arabie saoudite du 5 au 19 janvier 2024. À 77 ans, il sera même le doyen de l’épreuve à laquelle il participe pour la 32e fois au volant d’un buggy deux roues motrices de la team familial MD Rallye.

À 77 ans, vous allez participer à votre 32e Dakar. Qu’est-ce qui vous motive encore ? C’est la passion, le dépassement, mais c’est aussi tout ce que cela représente comme souvenirs pour moi, les bons, les mauvais ont les oublis. C’est également la convivialité. C’est vraiment quelque chose qui me motive et qui me pousse aussi à avoir une forme suffisante pour ne pas souffrir pendant l’épreuve. Il y a également la complicité qui existe avec le team familial MD Rallye de la famille Morel. Nous partons avec un buggy très sympa à conduire dans un pays qui se prête parfaitement à la course avec du sable, des cailloux, des dunes et de la montagne. C’est très varié et cela promet une belle course.

Qui sera votre copilote ? C’est le même depuis 3/4 ans, Christophe Crespo. C’est à la fois une force et un plaisir. Cela joue dans mon envie de repartir.

Son principal atout : l’expérience Combien de temps à l’avance préparez-vous cette course ? Un Dakar, cela se prépare toute l’année, à la fois dans la tête et physiquement. Il faut avoir un minimum de forme, mais il n’y a pas besoin d’être un athlète. L’expérience permet de compenser l’âge qui avance. Elle compte beaucoup sur le terrain, mais aussi dans la gestion de la course, la discipline pendant l’épreuve, les horaires, la préparation de l’étape du lendemain.

Quel est votre objectif pour ce Dakar 2024 ? Pendant vingt ans, mon challenge a été d’amener une voiture de série à l’arrivée. Aujourd’hui, c’est d’amener une deux roues motrices à l’arrivée dans les trente premiers.

Quand êtes-vous passé à un buggy deux roues motrices ? Après avoir définitivement arrêté avec les voitures de série, il y a une dizaine d’années, on m’a entraîné pour conduire un buggy deux roues motrices. Cela n’a rien à voir. C’est beaucoup plus plaisant, plus performant. J’ai fait mes 5/6 derniers Dakar sur cet Optimus de la Team MD Rallye de la famille Morel qui les prépare. C’est un peu plus pointu qu’une quatre roues motrices, mais avec d’autres avantages. Nous avons, par exemple, droit au gonflage et dégonflage depuis l’habitacle sans s’arrêter, et ça, cela compense en bonne partie le fait de n’avoir que deux roues motrices.

Le dernier à avoir connu l’ère Thierry Sabine Quel est votre meilleur classement ? J’ai terminé 7e au général avec une voiture de série dont j’étais un inconditionnel. J’ai gagné plusieurs fois la catégorie. Avec cette voiture je tournais en moyenne autour de la 10e place. Avec une voiture de série, c’était possible à l’époque, mais cela ne l’est plus. Aujourd’hui, les vingt premières places sont réservées aux voitures d’usines et aux pilotes professionnels. Derrière, pour un amateur qui roule raisonnablement, on peut espérer être autour de la 30e place. L’année dernière, nous avons terminé 26e. Parmi les titres que l’on ne peut pas m’enlever, je suis le plus ancien, l’un des deux ou trois qui en a fait le plus, mais je suis aussi le seul à avoir couru sous l’égide de Thierry Sabine.

Vidéos : en ce moment sur Actu Avez-vous fini tous vos Dakar ? Non, ce n’est pas possible. Au total, j’ai dû en terminer autour de 24 sur 32. Depuis une dizaine d’années j’ai terminé la plupart des Dakar grâce notamment à des voitures très bien préparées et l’expérience. Je n’ai pas rallié l’arrivée des quatre premiers. Les deux premières années, j’étais parti avec une Visa 1000 pistes qui était une voiture très sympa, mais pas adaptée au Dakar. Après, je suis passé sur Toyota, là c’était mieux. Mais, au début, nous avions des voitures relativement fragiles qui nécessitaient beaucoup de mécanique.

Il a fait ses débuts en 1985 sur le rallye Comment êtes-vous arrivé à prendre le départ de votre premier Dakar ? J’avais fait quelques courses en rallye en France à l’époque de la Gordini. Cela m’a donné l’envie de la compétition automobile. J’ai arrêté tout cela, mais je regardais le Dakar à la télévision les 5/6 premières années, puis, la 7e, j’ai plongé. C’était en 1985.

Quels souvenirs gardez-vous de votre première participation ? Des souvenirs très très forts. Les premiers Dakar, c’était l’aventure à 100 %. Ce n’était pas la course, le seul objectif c’était de terminer l’étape et, par pari un peu fou, d’aller à l’arrivée. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même chose. Ce n’est pas moins bien, mais ce n’est plus du tout l’aventure, c’est la compétition à 100 %. Mais cela reste toujours la convivialité.

Son meilleur souvenir : la passe de Nega Quel est votre plus beau moment vécu au fil de ces années ? J’en ai forcément plusieurs, mais je crois que mon plus beau souvenir, c’est la fameuse passe de Nega en Mauritanie. À l’époque, j’étais un pur amateur avec un Nissan, pas très puissant. Le seul objectif était de terminer, on ne se préoccupait pas du classement. Il y avait cette fameuse passe qui était connue pour sa difficulté et toutes les voitures de tête se sont fourvoyées dans un cirque infranchissable. Nous, nous avons cherché un autre passage, que nous avons trouvé et à l’arrivée nous sommes arrivés 3e de l’étape, ce qui était totalement inattendu.

Est-ce que le côté plus « amateur » de la course ne vous manque pas ? Non, cela ne manque pas, c’est différent. Je suis content d’avoir connu cette époque où, sur les 300 voitures, il n’y avait que 20 professionnels. Aujourd’hui, il y a une petite centaine de voitures d’usines ou d’anciennes usines mises entre les mains de champions de différents pays. C’est pour cela que les 20 premières places sont inaccessibles.

Le Dakar mérite-t-il toujours d’être vécu ? Bien sûr. Cela a été une lente évolution. Il faut avoir l’esprit de compétition, par rapport à soi, à ses propres performances et par rapport aux autres, au classement. Mais cela reste une très belle aventure, une très belle compétition et c’est ce qui me pousse à repartir tous les ans.

Est-ce que vous pensez parfois à votre dernière participation ? Chaque année, je pense que cela sera mon dernier. Je me dis ça au départ, pour bien en profiter, et à l’arrivée quand cela marche moyennement ou pas bien, je me dis, là ça y est, il faut que je sois raisonnable et que j’arrête. Le problème, c’est qu’au bout de 2 ou 3 mois, je me dis que je ne peux pas rester sur une mauvaise impression. Et puis, début 2023, cela a très bien marché et j’ai eu beaucoup de plaisir, alors pourquoi ne pas repartir. Temps que physiquement je peux le faire, je pense que j’y serai. Depuis 30 ans, le Dakar a toujours tenu une place importante dans mon équilibre de vie. C’est un grand plaisir de partager avec ma famille, mes amis, mes relations professionnelles. Pour moi, le Dakar c’est vraiment une notion de partage.

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