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Joe Biden se désiste. Et maintenant ?

La question n’est maintenant plus de déterminer si Joe Biden doit se retirer, mais plutôt qui va le remplacer, et comment ? Le désistement du président sortant ouvre la porte à un « scénario complètement inédit », selon les experts consultés par La Presse. Et ce, jusqu’à la convention du Parti démocrate, prévue du 19 au 22 août à Chicago, où sera scellé le sort de son remplaçant.



Que se passera-t-il à cette convention ?

Jusqu’ici, c’était plutôt prévisible. Après avoir remporté un nombre plus que suffisant de délégués lors des primaires tenues dans chaque État, la candidature de Joe Biden allait simplement être officialisée. Mais plus rien ne tient. En vertu du retrait de sa candidature, ses délégués sont libres de voter pour qui ils veulent. Ils ne sont pas tenus de voter pour Kamala Harris, même si cette dernière était la colistière du président sortant et qu’il lui a offert son soutien. « Elle n’a gagné aucune primaire, elle n’a jamais été candidate en 2024 », rappelle Rafael Jacob, chercheur à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

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Peut-on alors parler d’une « convention ouverte » ?

En théorie, oui. Mais en pratique, c’est loin d’être le cas, estime Rafael Jacob, puisque Kamala Harris part avec une longueur d’avance. « Si elle arrive à la convention avec les appuis quasi universels des grands bonzes du parti, ça va être une sorte de couronnement », estime-t-il, prédisant que les délégués de Joe Biden se rangeront alors derrière elle. « Beaucoup de choses dépendront de ce que Biden dira exactement et de ce que les autres candidats potentiels diront ou feront », renchérit le professeur de politique américaine à l’Université Concordia Graham Dodds. Ce dernier souligne que le Comité national démocrate, responsable des règles de la course, doit tenir un vote crucial dans les prochaines semaines.

Et si un candidat crédible se présente contre Kamala Harris ?

C’est là où les choses se compliquent. Plusieurs pourraient ne pas se lancer dans l’espoir de présenter un front uni, selon Graham Dodds. « Les démocrates sont impatients de choisir un candidat capable de battre Trump, et ce, le plus rapidement et le plus amicalement possible, juge-t-il. Mais, bien entendu, les idées sur le meilleur candidat diffèrent d’une personne à l’autre, et il y aura donc forcément de vrais désaccords. » Une forme de débats télévisés et de votes locaux pourrait avoir lieu pour mousser les différentes candidatures et permettre aux partisans de voter, selon lui, mais rien n’est moins sûr, compte tenu de la date de la convention qui approche à grands pas.

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Y a-t-il des précédents ?

De facto, toutes les courses à la tête des deux grands partis étaient des conventions ouvertes avant l’élection présidentielle de 1972, rappelle Rafael Jacob. C’est alors, dans la foulée des tumultes de la convention démocrate de 1968, qu’ont été introduites les réformes qui ont mené au système modernisé de primaires et de caucus que l’on connaît aujourd’hui. Depuis, la convention républicaine de 1976 et celle du Parti démocrate de 1980 sont les deux seuls cas « où ce n’était pas sûr qui allait émerger avec l’investiture », explique-t-il. « Mais dans les 40 dernières années, non, ce n’est jamais arrivé », dit-il.

Qu’arrive-t-il de l’argent de la campagne de Biden ?

Tout dépend de qui possède cet argent. Selon le New York Times, en date du 30 juin, pas moins de 240 millions amassé par Joe Biden et Kamala Harris depuis deux ans avaient été alloués à la campagne du président sortant, au Comité national démocrate (DNC) et à diverses organisations démocrates. Cet argent pourrait simplement être mis au profit du prochain candidat. Seule exception : les 91 millions de dollars que l’équipe Biden-Harris détenait elle-même en date du 30 mai. Selon le quotidien new-yorkais, si Kamala Harris souhaite utiliser ces fonds, elle peut le faire sans problème. Elle a d’ailleurs déjà informé la Commission fédérale des élections du changement de garde au comité de campagne qui ne se nomme plus « Biden for President », mais « Harris for President ». Or, si un autre candidat en vient à représenter le parti, ces 91 millions de dollars devraient être retournés aux donateurs ou transférés à un comité d’action politique (PAC) qui les dépenserait dans le cadre de la campagne.

IMAGE TIRÉE DU SITE DE LA COMMISSION ÉLECTORALE FÉDÉRALE

Le nom du comité de campagne a changé de « Biden for President » à « Harris for President », dimanche.

Le prochain candidat pourrait-il être désigné avant la convention ?

Le DNC avait prévu organiser un appel nominal virtuel pour désigner Joe Biden avant la convention, afin de respecter les règles d’éligibilité de l’Ohio. Dans cet État, la date limite de dépôt des bulletins de vote, où le nom des candidats apparaît, était fixée au 7 août, soit avant la tenue de la convention. L’Assemblée législative de l’Ohio a approuvé depuis une loi annulant cette date, mais celle-ci n’entrera pas en vigueur avant le 1est septembre, ce qui fait craindre d’éventuelles poursuites contre le Parti démocrate si aucun candidat n’est désigné à temps. Le DNC a toutefois déclaré qu’il ne fixerait pas de date pour un éventuel vote virtuel – qui pourrait se dérouler sur plusieurs jours – avant le 1est août.

Est-il trop tard pour les démocrates pour sauver leur campagne ?

Non, croit Rafael Jacob, dans la mesure où le candidat adversaire, Donald Trump, est déjà « hautement problématique ». Mais advenant le cas où Kamala Harris est bel et bien la candidate du Parti démocrate, l’expert rappelle qu’elle est à peine plus populaire que le président sortant. Selon plusieurs sondages récents, son taux d’approbation oscillerait aux alentours de 40 %, tandis que le pourcentage d’Américains qui la désapprouvent se maintient aux environs de 55 %. « Elle est essentiellement plus impopulaire que Donald Trump l’est. […] Peut-elle gagner contre Trump ? Oui, mais elle arrive aussi comme candidate très vulnérable », dit-il en rappelant qu’elle sera toujours « intrinsèquement liée à Biden ».

Avec des informations de l’Associated Press et du New York Times

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