2024-11-18 11:41:00
Le sport ne fait que causer des ennuis et ses nombreux détracteurs l’ont immédiatement compris. Les nouvelles pratiques sportives se sont répandues en Italie avant même la Grande Guerre ; Les Italiens se sont d’abord passionnés pour le cyclisme, sport d’effort et de souffrance adapté à l’époque, puis ils se sont passionnés pour le football. Mais même dans ces années-là, tout le monde ne partageait pas cette passion et les voix adverses des éducateurs, des philosophes, des hommes politiques et des religieux se faisaient entendre avec force, comme le raconte l’historien Stefano Pivato dans son dernier livre, solide dans sa structure et en même temps agréable à lire. Pour commencer, les patriotes qui avaient forgé une Italie unie à travers le Risorgimento auraient de loin préféré la gymnastique et le tir, terreau de bons soldats, aux jeux anglais détestés, accusés d’affaiblir l’identité nationale et d’alimenter le cosmopolitisme. “Tout ce qu’on voit à gauche et à droite, ce sont des coups de pied”, se plaint un professeur de gymnastique.
Même l’Église n’aime pas beaucoup le sport, à tel point qu’elle a d’abord interdit puis déconseillé le cyclisme aux prêtres. Les dirigeants du clergé voient dans le sport trop d’individualisme et de désir de se dépasser sur les autres (plus les valeurs protestantes), trop d’attention au corps par rapport à l’esprit, une promiscuité excessive. Et même lorsque les oratoires deviennent de facto des centres sportifs, pour ne pas perdre le contact avec la jeunesse, des voix faisant autorité continuent d’exprimer des doutes, par exemple (qui l’aurait cru) Don Lorenzo Milani. Comme le témoigne un des élèves de l’école Barbiana : « Au début, il essayait de rapprocher les jeunes de l’Église avec le football, le ping-pong et le club récréatif comme le faisaient les autres prêtres. Mais bientôt il se rendit compte que non seulement il ne s’adressait qu’à une partie de la jeunesse, mais surtout qu’il était indigne et puéril de la part d’un prêtre du Christ de s’abaisser à ces moyens pour évangéliser, mais qu’au contraire, le même le manque de culture était un obstacle à l’évangélisation et à l’élévation sociale et civile de son peuple. Alors un jour, la balle et les outils de ping-pong se sont retrouvés au fond d’un puits qui se trouvait au milieu de la cour du presbytère et Don Lorenzo a organisé une école du soir pour les jeunes ouvriers et agriculteurs. L’école était le bien de la classe ouvrière, les loisirs étaient sa ruine ; Il fallait que les jeunes comprennent la différence par crochet ou par escroc et se jettent du bon côté. » Pouvons-nous être plus clairs ? Et visiblement, le raisonnement est sans faille.
Même les socialistes, à quelques exceptions près parmi les réformistes habituels, se méfiaient : « Sport et socialisme sont deux termes en parfaite contradiction » affirment les jeunes (!) du parti ; si on est passionné de sport, pratique bourgeoise, on oublie la révolution. Le sport est l’équivalent des jeux de gladiateurs dans les arènes de la Rome antique, un instrument de distraction de masse, à tel point que les socialistes n’hésitent pas à le condamner dans plus d’un congrès. Encore une fois, il est difficile de leur en vouloir.
Tout le monde, quel que soit le camp auquel ils appartenaient, était d’accord pour interdire le sport aux femmes. Leur porte-drapeau est le baron Pierre de Coubertin, le père des Jeux Olympiques modernes : « Nous pensons que les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes » affirme-t-il péremptoirement. En fait, les femmes ont été exclues de la première édition (Athènes 1896) et ne l’ont été que. 2 % des athlètes lors de l’édition parisienne de 1900. Et malgré des progrès continus, ce n’est qu’aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984 que les femmes ont concouru dans presque toutes les disciplines. Le sport, affirmaient les misogynes, conduirait tout droit à l’émancipation féminine déplorée, grâce aux vêtements étriqués (shorts !), et à une nouvelle familiarité avec son corps, lui aussi généreusement exposé aux regards masculins. Dans ce cas, nous pouvons (et même devons) discuter de leur point de vue, bien sûr, mais ces misonéistes voyaient certainement clairement vers l’avenir : le sport, avec les voyages et la vie à la plage, avait un rôle central dans le chemin de la libération des femmes.
Si ces considérations solides ne vous suffisent toujours pas, sachez que le premier moment de véritable popularité massive du sport en Italie s’est produit sous le fascisme. Si le jeune Mussolini, socialiste révolutionnaire, dispersait des clous dans les rues où passait le Giro d’Italia, le Duce était en revanche un grand partisan du sport. Dans l’Italie fasciste, c’était l’un des outils pour construire le nouvel Italien rêvé par le régime : énergique, tenace, combatif et en même temps discipliné par les sports d’équipe. Les triomphes arrivent dans diverses disciplines (cyclisme, boxe, course automobile, aviation) et le football s’impose définitivement sous la houlette de Vittorio Pozzo avec des victoires dans deux championnats du monde consécutifs (1934 et 1938), en plus de l’or olympique de Berlin 1936. Mais on sait aussi comment cela s’est terminé : un deuil, des tas de décombres, un pays à reconstruire.
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