Le 6 janvier 2025, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé son intention de démissionner de son poste de chef du Parti libéral dès que le parti sera en mesure de choisir un nouveau chef. Dans le système parlementaire canadien, le chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des communes devient premier ministre.
Trudeau a également demandé et obtenu une prorogation du Parlement jusqu’au 24 mars. La décision de proroger est prise par la gouverneure générale Mary Simon, qui est la représentante du roi Charles III, qui est roi du Canada ainsi que du Royaume-Uni. La prorogation met fin à une session parlementaire et, pendant la prorogation, aucun comité parlementaire ne se réunit et toutes les lois en cours devront être réintroduites. Mais aucun vote de confiance ne peut être introduit avant la reprise des sessions du Parlement. Durant cette période, Trudeau reste le premier ministre doté de vastes pouvoirs, y compris la capacité de mettre en œuvre tout pouvoir statutaire précédemment accordé par le Parlement, de sorte que les services gouvernementaux et la capacité d’agir continueront. Les ministres et fonctionnaires actuels continuent d’exercer leur travail normalement.
Le Parti libéral pourrait remplacer Trudeau avant le 24 mars. Le processus est régi par les règles du parti. Le prochain chef libéral occupera le poste de premier ministre jusqu’au 20 octobre 2025, date fixée pour les prochaines élections générales fédérales.
Au retour du Parlement, le nouveau gouvernement présentera un discours du Trône (fixant le programme du gouvernement, requis au début d’une nouvelle session parlementaire) et suivra avec un budget fédéral en avril. Les libéraux contrôlent 153 des 338 sièges de la Chambre des communes, soit une pluralité mais pas une majorité. Trudeau démissionne de son siège, ce qui pourrait réduire les libéraux à 152 sièges. Cela signifie que les partis d’opposition pourraient utiliser les votes sur le discours du Trône et le budget comme motions de confiance et forcer la tenue d’élections.
Dans le passé, Trudeau s’est débrouillé avec une minorité de sièges à la Chambre des communes parce que les partis d’opposition n’étaient pas prêts pour les élections. Cependant, le gouvernement actuel, élu en 2021, est le gouvernement minoritaire le plus durable de l’histoire du Canada, ce qui signifie que l’opposition, particulièrement les conservateurs dirigés par Pierre Poilievre, bien financés et prêts à se présenter aux élections. Cela rend la situation politique au Canada particulièrement instable, et le moment choisi pour la démission de Trudeau créera un élan pour que son Parti libéral le remplace rapidement et pour que l’opposition force la tenue d’élections si elle le peut avant octobre.
Pour récapituler, au cours des 12 prochains mois, Trudeau sera remplacé à la tête du Parti libéral et au poste de premier ministre ; une élection déterminera la position des partis à la Chambre des communes ; et le chef du parti ayant remporté le plus de sièges après les élections de 2025 deviendra Premier ministre. Avec potentiellement trois premiers ministres en un an, 2025 sera une année de volatilité politique inhabituelle au Canada.
Pour les États-Unis, la démission de Trudeau pose plusieurs questions, parmi les plus importantes :
- Sécurité nationale : Justin Trudeau a rendu visite au président élu Trump à Mar-a-Lago le 30 novembre et s’est engagé à accroître la sécurité aux frontières et les efforts pour mettre fin au fentanyl et au trafic d’êtres humains à la frontière nord des États-Unis afin d’éviter un tarif de 25 pour cent sur les exportations canadiennes vers le États-Unis. Lors du sommet de l’OTAN en juillet 2024, Trudeau a promis d’augmenter les dépenses de défense du Canada à 2 % du PIB d’ici 2032, mais n’a pas annoncé de plan pour atteindre cet objectif. Le Canada honorera-t-il ces promesses sous la direction d’un futur dirigeant ?
- Relations internationales : Le Canada accueille le sommet des dirigeants du Groupe des Sept en Alberta en juin, pour lequel les réunions ministérielles attendent la confirmation par le Sénat américain de la composition du cabinet américain. Dans combien de temps saurons-nous qui représentera le Canada? Pendant ce temps, le Canada travaille avec les États-Unis pour soutenir l’Ukraine après l’invasion russe et mène des patrouilles de liberté de navigation avec la marine américaine dans la mer de Chine méridionale. Le prochain Premier ministre soutiendra-t-il ces missions ? Et le prochain gouvernement canadien sera-t-il capable de s’engager dans la crise en Haïti et dans d’autres crises latino-américaines, de Cuba au Venezuela ?
- Commerce : L’accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada qui a remplacé l’ALENA doit être révisé et peut-être même de nouvelles négociations d’ici 2026. Trudeau a suivi le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et le premier ministre de l’Alberta, Daniele Smith, en suggérant publiquement que, puisque les États-Unis et le Canada sont alignés sur le commerce chinois, Si le Mexique ne l’est pas, il vaudrait peut-être mieux négocier un nouvel accord commercial entre les États-Unis et le Canada et laisser le Mexique de côté. Et les trois pays organisent conjointement la Coupe du monde de football de la FIFA en 2026. Quelle sera la prochaine position du gouvernement canadien sur les arrangements nord-américains ?
- Énergie : Le Canada est le plus grand fournisseur d’énergie étranger des États-Unis, fournissant de l’hydroélectricité et des combustibles tels que le pétrole, le gaz, l’hydrogène et l’uranium. Ces derniers ne seront pas affectés par l’incertitude politique canadienne. Cette incertitude pourrait ralentir encore les efforts prévus pour extraire les minéraux critiques et les terres rares et planifier des investissements majeurs dans la capacité de traitement intermédiaire. De plus, un différend concernant le pipeline Enbridge Line 5 n’est toujours pas résolu en 2025.
- Commerce numérique : La taxe sur les services numériques du gouvernement Trudeau de 3 % des revenus générés par les utilisateurs canadiens de plateformes technologiques étrangères est entrée en vigueur le 28 juin 2024 et s’applique rétroactivement à 2022. Les entreprises technologiques américaines sont unies contre cette taxe et feront pression sur le L’administration Trump devrait riposter, mais un retrait négocié du Canada pourrait être conclu avec le successeur de Trudeau.
Alors que les Canadiens traversent cette période de transition politique, les États-Unis joueront un rôle important, car les principales questions auxquelles le Canada est confronté sont liées de diverses manières aux États-Unis. Le risque est que la nouvelle administration évalue mal les défis et les opportunités liés à un dialogue avec le gouvernement Trudeau.
Si Washington aborde le Canada avec négligence pendant cette transition, les libéraux choisiront leur prochain chef et les Canadiens, lorsqu’ils se rendront aux urnes plus tard cette année, chercheront un premier ministre et un gouvernement capables de riposter pour défendre les intérêts canadiens : un nationaliste, voire un anti- -Le leader américain. Une approche réfléchie de la part de Washington pourrait désormais améliorer les chances d’un engagement constructif de la part d’Ottawa sur les questions bilatérales et mondiales. Parce que la plupart des Canadiens aiment et valorisent les États-Unis en tant que partenaire, leurs gouvernements font de même. Ce moment politique canadien devrait connaître une fin heureuse pour les intérêts américains. Dans le cas contraire, Washington sera lui-même responsable.