La campagne de vaccination des bébés contre le virus respiratoire syncytial dépasse les attentes, mais les effets du médicament restent incertains.

La campagne de vaccination des bébés contre le virus respiratoire syncytial dépasse les attentes, mais les effets du médicament restent incertains.

La campagne de vaccination des bébés contre les infections par le virus respiratoire syncytial (VRS), qui provoque des bronchiolites, surpasse les attentes du gouvernement et des pédiatres. Les livraisons du traitement préventif Beyfortus aux pharmacies ont même été suspendues et les 200 000 doses commandées initialement jusqu’à la fin de l’hiver risquent de ne pas suffire. Une autre question émerge : quel sera vraiment l’impact de ce médicament ? Alors que 26 000 nourrissons et jeunes enfants ont été hospitalisés pour bronchiolite l’an dernier, combien de formes graves pourra-t-on en éviter cette année ?

Dans son avis rendu public samedi 30 septembre, le conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a estimé que l’efficacité n’était « pas démontrée (à ce jour) sur la réduction des hospitalisations dans la population générale des nourrissons à bas risque ». Deux semaines plus tôt, le site spécialisé du Vidal estimait que « la réduction des formes graves nécessitant une hospitalisation n’était pas clairement établie ». Pourtant, le gouvernement et les instances de pédiatres recommandent le traitement, « y compris chez les nourrissons sans facteur de risque ». Alors, faisons le point.

« Résultats hétérogènes » et « incertitudes »

Comme pour tout nouveau médicament, des essais cliniques ont été réalisés pour mesurer à la fois la protection apportée par le Beyfortus et ses éventuels effets indésirables. Tout le monde s’accorde sur deux choses : l’efficacité contre les infections au VRS nécessitant une consultation médicale est clairement établie, y compris chez les bébés en bonne santé, ainsi que celle contre les hospitalisations chez les nourrissons à risque.

En revanche, la réponse serait donc moins évidente s’agissant des formes graves chez les tout-petits qui se portent bien. Dans son avis rendu début août, la Haute Autorité de santé parle d’ailleurs de « résultats hétérogènes (significatifs ou non) qui reflètent des incertitudes sur ce critère d’intérêt clinique majeur ».

L’un des essais, appelé Melodya été mené en 2019 et 2020 sur environ 1 500 bébés. L’efficacité du Beyfortus contre les infections nécessitant une hospitalisation liées au VRS est de 62,1 %, mais avec un intervalle de confiance qui englobe la valeur 0 %. Ainsi, sur un plan statistique, cette efficacité n’est pas significative. Peut-être en raison d’un nombre trop faible de nourrissons, le recrutement des bébés pour l’étude ayant été interrompu par la pandémie de Covid-19. Du coup, « l’essai clinique disposait de moins de puissance que prévu initialement pour évaluer l’efficacité en termes de prévention des hospitalisations », indiquent les chercheurs.

Cette première cohorte d’environ 1 500 bébés a ensuite été complétée par une autre, comportant davantage de nourrissons prématurés. L’efficacité contre les hospitalisations paraît alors forte et significative. Mais le fait de mélanger deux groupes d’enfants au profil différent à deux périodes distinctes « n’est pas habituel », remarque Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique. Par conséquent, « il y a une forte présomption d’efficacité, mais pas de certitude sur la base de ces données », ajoute le directeur du groupement Epi-Phare.

Absence de « double aveugle »

Il n’empêche. Pourrait-on vraiment imaginer un traitement qui réduit les infections nécessitant d’aller consulter un médecin mais pas celles conduisant à l’hôpital ? « C’est très peu probable, mais à ne pas totalement exclure, d’où l’importance d’avoir d’autres données », répond Mahmoud Zureik. « Le gouvernement a fait le pari d’une forte efficacité contre les hospitalisations, d’où le fait de recommander largement ce traitement », avance pour sa part Olivier Saint-Lary, président du CNGE.

Un autre essai clinique, baptisé Harmonie, paraît beaucoup plus « puissant ». Les résultats ne sont pas encore parus dans une revue scientifique (c’est prévu d’ici à quelques semaines ou mois), mais l’alliance Sanofi – AstraZeneca les a résumés en mai dernier et la Haute Autorité de santé les détaille dans son avis. Cette étude a été réalisée sur plus de 8 000 bébés, durant la saison hivernale 2022-2023. L’efficacité contre les hospitalisations atteint 83 %, avec un intervalle de confiance assez réduit.

Seule limite : l’étude n’a pas été menée en « double aveugle » mais en « ouvert » : parents et médecins pouvaient savoir quels bébés avaient reçu le traitement. « Cette absence de double aveugle incite à la prudence », estime Olivier Saint-Lary, également professeur à l’université Paris-Saclay. Le risque serait, par exemple, qu’un bébé infecté par le VRS et dont on sait qu’il n’a pas reçu le traitement protecteur soit plus facilement envoyé à l’hôpital. « Il ne faut pas réduire la portée de l’étude, même si 10 ou 20 % de l’efficacité peut s’expliquer par ce genre de biais », relativise pour sa part Mahmoud Zureik

« Le monde entier nous regarde »

Tout porte donc à penser que le Beyfortus réduit bien le risque de forme grave. Pour en avoir le cœur net, il faudra attendre d’avoir des données « en vie réelle ». Mais la France s’en donne-t-elle vraiment les moyens ? Pourra-t-on savoir, à la fin de l’hiver, quel aura été le taux d’hospitalisation liée au VRS parmi les bébés immunisés pour le comparer à celui des autres nourrissons ? Ce n’est pas sûr, juge Mahmoud Zureik : « On est le premier pays à se lancer dans une campagne d’immunisation pour tous les bébés, le monde entier nous regarde avec beaucoup d’intérêt. L’attente est grande, mais il faudrait éviter un échec qui serait préjudiciable ! »

En théorie, la consigne a été transmise aux hôpitaux de « coder », dans la base de données, l’information « immunisé » ou « pas immunisé » pour chaque bébé. Dans les faits, l’expert craint que cette mission ne soit pas bien assurée partout. « C’est un enjeu majeur, mais on a de gros doutes concernant la qualité des données. Un groupe de travail s’est monté pour la surveillance du Beyfortus, mais les épidémiologistes craignent de se retrouver en difficulté pour tirer des conclusions », abonde Olivier Saint-Lary.

Contactée, la Direction générale de la santé nous répond que des « études spécifiques » vont avoir lieu, sans plus de précisions. L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes est chargée de les coordonner. Son directeur, Yazdan Yazdanpanah, partage les même craintes concernant le « codage » dans toutes les maternité. Mais il nous indique que « quelques hôpitaux » vont être suivis dans une étude à part et que le virus, confronté pour la première fois au Beyfortus, « sera aussi analysé de très près, pour voir comment il évolue ».
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2023-10-07 18:03:00

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