La Cassandre de Bernard Foccroulle : un opéra entre mythe antique et réalité climatique

La Cassandre de Bernard Foccroulle : un opéra entre mythe antique et réalité climatique

Plus de détails Bruxelles. La Monnaie. 10-IX-2023. Bernard Foccroule (né en 1953) : Cassandra, opéra en un prologue et treize scènes, sur un livret original de Matthew Jocelyn. Mise en scène et vidéos : Marie-Ève Signeyrole. Décors : Fabien Teigné. Costumes : Yashi. Eclairages : Philippe Berthomé. Avec : Katarina Baradic, Cassandra ; Jessica Niles, Sandra ; Susan Bickley, Hecuba/Victoria ; Sarah Defrise, Naomi ; Paul Appleby, Blake ; Joshua Hopkins, Appolo et un membre en colère de l’assistance ; Gidon Saks, Priam/Alexander ; Sandrine Mairesse, Stage Manager/ Marjorie ; Lisa Willems, la présentatrice de la conférence. Chœur de l’Opéra de la Monnaie (direction : Emmanuel Trenque). Orchestre symphonique de la Monnaie, direction : Kasushi Ono

C’est devenu une tradition : La Monnaie de Bruxelles ouvre sa saison par la création d’un nouvel opéra. En cet automne, c’est la Cassandre de Bernard Foccroulle, sur un livret de Matthew Jocelyn, dans la mise en scène épurée de Marie-Ève Signeyrole et les décors spartiates de Fabien Teigné, qui ouvre le bal. Rares sont les intendants d’opéra qui passent commande à leur prédécesseur ! Peter de Caluwe a, au début de la crise de la Covid, sollicité les talents de Bernard Foccroulle, par ailleurs l’organiste et pédagogue et ex-directeur d’institutions que l’on sait, pour l’écriture d’un opéra, le premier à son catalogue créé ainsi quelques semaines avant son soixante-dixième anniversaire. Le livret du Canadien Matthew Jocelyn, tresse habilement, mais non sans quelques longueurs évitables, mythe antique et réalité climatique.

L’opéra (un court prologue et treize brèves scènes enchaînées pour une heure cinquante de spectacle) imbrique donc une double trame narrative par ces récits historiquement distanciés mais habilement enchâssés grâce à leur éclairage mutuel. Un chœur à l’Antique, parfois dispersé dans la salle (du parterre aux cintres, ou éclaté au balcon) commente et unifie une action galbée par la sphéricité d’un temps universel où passé accompli, présent angoissé et futur potentiel ne font plus qu’un, au-delà de la discontinuité dramatique voulue par le librettiste.

Au lever de rideau, Cassandre (incarnée par la mezzo soprano serbe Katarina Bradic suffocante de véracité dramatique, de beauté vocale et d’implication théâtrale), hurle de désespoir devant le sac de Troie qu’elle l’avait annoncé sans avoir été entendue. En effet, Apollon (le baryton canadien Joshua Hopkins d’une belle vigueur vocale en total rapport avec le côté noir et prédateur du personnage), pour la séduire l’avait dotée du don de devineresse, mais repoussé, lui a aussitôt craché dans la bouche en la maudissant : personne ne croira jamais ses prophéties. La climatologue Sandra Seymour, campée par la jeune soprano américaine Jessica Niels (idéale de versatilité, entre ironie et déréliction, malgré une projection vocale un rien réduite) incarne une Cassandre des Temps modernes : elle met sa science à portée de tous par son spectacle de stand-up humoristique et avertit des dangers du changement climatique. Blake, un étudiant en philologie classique militant écologiste engagé (rôle dévolu à l’Américain Paul Appleby, très racé et stylé, défendant la partition nouvelle dans la filiation des grands rôles de ténor mozartien), s’en étonne puis s’éprend de la jeune universitaire. Sandra est immédiatement séduite et le couple s’installe dans la durée. Un improbable dîner d’anniversaire sert de présentation familiale : las ! il tourne au fiasco devant l’incompréhension d’une gens d’industriels et de financiers aussi climato-sceptiques que voracement arrivistes, si l’on excepte peut-être la sœur de Sandra, Naomi, mi hystérique, mi doucereuse, enceinte jusqu’aux dents – on ne sait trop de qui…- (joliment incarnée par la pétillante et acidulée soprano légère Sarah Defrise).

Répond immédiatement enchainée à ce pugilat verbal domestique l’étonnante rencontre mythologique dans l’intemporelle bibliothèque des Morts : Priam y feuillette les ouvrages qu’il a inspirés et reproche à sa fille Cassandre d’avoir lancé contre lui et sa cité, la malédiction décrite par maints auteurs. Guidé dans sa réflexion par son épouse Hécube, il comprend mais trop tard, qu’il s’agissait avant tout d’avertir plutôt que de condamner. Ce sont d’ailleurs les mêmes chanteurs-acteurs qui symboliquement incarnent le couple mythologique et les parents quinquagénaires de Sandra : une Susan Bickley à la présence à dessein éteinte mais timbriquement émouvante reste tapie dans l’ombre d’un Gidon Saks un rien fatigué et plus probant en père hautain et courroucé qu’en hiératique roi défunt et dépossédé.

Le jeune couple contemporain se résout à un activisme de plus en plus déterminé (et de plus en plus incompris, vu le ton soudainement plus « sérieux » du dernier stand-up), ce au détriment de toutes les velléités procréatrices de Blake face aux hésitations de sa compagne et jusqu’à la catastrophe finale : Sandra apprend, au moment
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