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La dénervation rénale : une avancée majeure dans le traitement de l’hypertension artérielle

La dénervation rénale : une avancée majeure dans le traitement de l’hypertension artérielle

Paris, France – Dans la dénervation rénale, les essais thérapeutiques avec les cathéters de 2e génération ont établi la preuve d’une baisse tensionnelle durable, quelle que soit la sévérité de l’hypertension artérielle, indépendamment de la prise d’anti-hypertenseurs.

La technique, qui a bien failli être abandonnée il y a une dizaine d’années, vient même d’être intégrée dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge de patients avec HTA non contrôlée, comme consigné dans les recommandations européennes.

Le Pr Atul Pathakchef de service de cardiologie du Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco, retrace le chemin long, difficile mais réussi de la dénervation rénale.

La prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) est estimée à 31 % de la population adulte française, soit environ 17 millions de personnes. Malgré la diversité des classes d’antihypertenseurs, le contrôle de l’HTA est insuffisant en raison de plusieurs facteurs, notamment la non-adhérence thérapeutique des patients et l’inertie thérapeutique. C’est dans ce contexte que s’est développée la dénervation rénale par voie endovasculaire (voir encadré sur le principe du procédé en fin de texte).

Les premiers essais randomisés contrôlés utilisant des cathéters de 1ère génération ont donné des résultats hétérogènes en termes d’efficacité tensionnelle (SYMPLICITY HTN2 et 3, etc.). Quelle est la situation en 2024, suite aux essais avec les cathéters de 2e génération ?


Actuellement, la radiofréquence et les ultrasons sont les deux techniques disponibles en France avec, depuis quelques mois, le remboursement du cathéter RF. Depuis 2017, des essais thérapeutiques ont été conduits avec des cathéters de 2e génération utilisant les ultrasons focalisés (programme RADIANCE) ou la radiofréquence (programme SPYRAL). De 2017 à 2023, 6 essais contrôlés randomisés menés chez des patients ayant une HTA modérée ou une HTA résistante au traitement ont montré de façon consistante une baisse cliniquement pertinente de la pression artérielle à court, moyen et long terme après une DR avec un cathéter de 2e génération optimisé utilisant les UF ou la RF par rapport à une intervention simulée (sham).

Deux types d’essais ont été conduits, certains évaluant l’effet de la DR chez des sujets indemnes de tout traitement (essais RADIANCE SOLO et SPYRAL OFF MED), d’autres évaluant l’effet de la DR sur la PA chez des sujets traités (SPIRAL ON MED (DR RF) “, ou “RADIANCE TRIO (DR UF) “).

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On observe systématiquement, dans ces deux types d’essais, une réduction de la pression systolique et diastolique, et ce dès les trois premiers mois, avec des effets persistants jusqu’à six mois voire plus longtemps.

Ces résultats consécutifs démontrent que tant chez les hypertendus modérés que sévères, qu’ils soient traités ou non par anti-hypertenseurs, ces cathéters UF et RF ont la capacité de réduire la pression artérielle, ce qui a soutenu leur demande de remboursement en Europe et aux États-Unis.

Quelle est l’ampleur de la baisse tensionnelle grâce à la DR ?

Avec la DR isolée ou conjointement aux anti-hypertenseurs, la baisse tensionnelle se situe autour de 8 à 10 mmHg pour la pression systolique et de 4 à 5 mmHg pour la pression diastolique de consultation. Cette diminution est cohérente entre les différentes études, confirmée par les mesures en MAPA, et équivalant approximativement à l’effet d’un à deux médicaments anti-hypertenseurs.

Quelle est la persistance de ces effets dans le temps ?

Le recul que nous avons actuellement est de trois ans voire plus. On aurait pu penser qu’une réinnervation se produirait avec le temps, atténuant les effets de la DR avec une réascension des chiffres tensionnels. Toutefois, si la connexion nerveuse peut se produire, la fonction du nerf, en tant que structure neuro-humorale, électrique et chimique, est plus complexe, avec une libération non adéquate de neurotransmetteurs, ou mal ciblée. Les résultats que nous observons du suivi à 6 et 12 mois, puis 2 ans, et maintenant 3 ans montrent que la PA non seulement ne s’élève pas, mais qu’il y a même une amplification de cet effet, avec une tendance à la baisse de la PA au fil du temps.

N’est-ce pas parce que les patients ont recommencé à prendre des traitements ?

Des analyses ont été menées pour évaluer le nombre de médicaments pris par les patients comparativement au début du suivi. Elles ont constaté que la persistance de l’effet de la dénervation n’était pas liée à une prise accrue de nouveaux traitements pharmacologiques. Des publications de suivi sur des périodes allant jusqu’à 8, 9 et 10 ans, avec des cathéters de 1ère génération, ont confirmé la persistance de l’effet sans modification du nombre de médicaments prescrits.

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Quid des études de morbi-mortalité aujourd’hui impliquant la dénervation rénale ?

Il n’existe pas d’étude de morbi-mortalité car cela nécessiterait, au vu du faible taux d’évènements chez les hypertendus traités, de recruter plus de 80-90 000 patients pour espérer détecter un effet cliniquement significatif dans cette cohorte. On considère que la baisse de la PA constitue un critère clinique pertinent. Les études montrent également que la baisse de la PA par DR entraîne une réduction de l’atteinte des organes cibles ; ces deux effets suggérant un bénéfice potentiel sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire.

Que disent les recommandations européennes en 2024 ?

En 2024, la DR peut être proposée comme option thérapeutique chez des patients adultes ayant une HTA non contrôlée malgré un traitement bien conduit ou si les médicaments entraînent des effets indésirables ou une altération de la qualité de vie (IIB). La DR est un traitement qui peut être proposé à des HTA résistants c’est-à-dire des patients ayant une PA non contrôlée malgré un traitement par au moins trois médicaments antihypertenseurs à dose maximale tolérée (associant bloqueur du système rénine-angiotensine, DHP/ dihydropyridine et diurétique thiazidique). Dans tous les cas, le débit de filtration glomérulaire estimé doit être supérieur ou égal à 40 ml/min/1,73 m2. La DR peut être discutée pour des patients ne pouvant pas tolérer les médicaments antihypertenseurs à long terme et exprimant leur préférence à avoir une DR dans un processus de prise de décision partagée. Le processus de prise de décision doit également inclure une communication avec le patient. Celui-ci doit être évalué dans un centre expert pour exclure les causes d’hypertension secondaire.

Pourquoi limiter cette intervention aux seuls patients non contrôlés, à ceux qui refusent les médicaments ou qui présentent des problèmes d’observance ?

A ce jour les indications de DR sont assez larges lorsque l’on regarde les documents des sociétés savantes européennes (ESH [1] EAPCI [2]). En France, le remboursement est limité aux cathéters RF chez des hypertendus résistants non contrôlés malgré une quadrithérapie. Cette proposition paraît sage. En effet, ceci correspond déjà une population cible de 50 000 patients et la logistique doit pourvoir suivre ! Lorsque la technique sera installée, on pourra envisager une extension des indications avec, comme prérequis, l’intégration de cette offre dans le cadre d’un parcours qui doit s’adosser à des spécialistes de l’HTA et des structures d’excellence dédiées afin de proposer « la bonne technique au bon patient ».

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Il est en effet envisageable que la technique se développe davantage avec le temps. La DR est un outil supplémentaire dans l’optimisation du traitement tensionnel aux côté des médicaments, un domaine où de nouvelles molécules sont également attendues dans un futur relativement proche.

Dans les prochaines semaines, un consensus français sera publié pour organiser le parcours de soins lié à la dénervation rénale.

Le principe de la dénervation rénale (DR)

« L’hypertension artérielle résultant, entre autres, d’une hyperactivité sympathique, l’objectif consiste à réduire cette dernière, avec pour corollaire la diminution de la pression artérielle. Jusqu’à présent, plusieurs médicaments tels que les alphabloquants ou les bêtabloquants ont été introduits pour réduire l’activité sympathique de manière directe. D’autres agissent sur ce même système mais de manière indirecte, comme les bloqueurs du système rénine angiotensine. L’idée de bloquer le système sympathique par une option non médicamenteuse remonte aux années 1950 où des chirurgies visaient à sectionner certaines fibres sympathiques lombaires, certes avec une efficacité sur la réduction de la PA mais avec à la clé de nombreuses complications (difficultés d’érections, hypotension et instabilité vésicale, etc.) ce qui a mis un terme au développement de cette approche. La dénervation rénale s’inscrit dans cette continuité, à savoir bloquer le système sympathique de façon non pharmacologique et plus sélective que la chirurgie.

Concrètement, sous sédation, le cardiologue interventionnel procède à l’introduction par voie fémorale rétrograde du cathéter de DR dans chaque artère rénale afin de procéder à l’ablation des fibres nerveuses sympathiques afférentes et efférentes, lesquelles cheminent dans l’adventice des artères rénales. Cela s’accomplit en délivrant des ultrasons focalisés (UF) ou un courant de radiofréquence (RF) de faible intensité. Un autre cathéter, en cours de développement, réalise une neurolyse chimique suite à la micro-injection d’éthanol dans l’adventice artérielle rénale ».

Liens d’intérêts des experts : Atul PATHAK a bénéficié de soutien pour la recherche, pour la participation à des congrès de la part de MEDTRONIC, RECOR et ABLATIVE SOLUTION

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#lâge #maturité #pour #dénervation #rénale
2024-03-04 10:15:10

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