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La dette des pays pauvres, une question de justice

by Nouvelles

2025-01-02 13:00:00

Vingt-cinq ans après la campagne de 2000, le pape François relance l’appel du Jubilé pour annuler les prêts accordés à ceux qui ne peuvent pas les rembourser. La plainte de l’ONU : «Le Sud du monde a payé la plus lourde facture des crises»

«Je souhaite adresser une invitation sincère aux nations les plus riches, afin qu’elles reconnaissent la gravité de nombreuses décisions prises et décident d’annuler les dettes des pays qui ne pourraient jamais les rembourser. Plus que de magnanimité, c’est une question de justice.” Dans l’appel à l’espérance que le pape François lance au monde alors que l’année sainte 2025 vient de commencer, ces paroles de la bulle d’indiction J’espère que ça ne décevra pas ils reviennent poser avec force la question de la dette publique des pays les plus pauvres. Et le message du pontife de cette année à l’occasion de la Journée mondiale de la paix, intitulé « Pardonnez-nous nos dettes : accordez-nous votre paix », le reprend également. Ce n’est pas un thème nouveau pour un Jubilé : déjà en l’an 2000, Jean-Paul II avait demandé de faire sienne cette idée issue de ses racines bibliques au moment du passage d’un millénaire à l’autre. Ainsi, il y a 25 ans, l’annulation de la dette est devenue une question importante également pour la société civile. Dans notre pays, cela a pris la forme d’une campagne (soutenue par la Conférence épiscopale italienne) qui a abouti à l’annulation de la dette bilatérale que deux pays africains, la Zambie et la Guinée Conakry, avaient contractée avec l’Italie et n’étaient plus en mesure de rembourser. D’autres gestes – eux aussi très significatifs financièrement – ont eu lieu simultanément dans différents pays. Pourquoi François ressent-il aujourd’hui le besoin de relancer ce thème ? Parce que – surtout ces dernières années, en raison de la crise mondiale déclenchée par la pandémie et aggravée par les répercussions du conflit en Ukraine – dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, la question de la dette publique a de nouveau explosé de manière très manière dure. «Nous sommes confrontés à une crise qui génère misère et angoisse, privant des millions de personnes de la possibilité d’un avenir digne – dit le Pape François en leur donnant la parole -. Aucun gouvernement ne peut moralement exiger que son peuple subisse des privations incompatibles avec la dignité humaine. » Certains pourraient se demander : mais si ce sont des pays pauvres, pourquoi s’endettent-ils ? Toute économie repose sur le crédit pour financer ses investissements. Ce n’est pas un hasard si le pays avec la plus grande part de dette publique est les États-Unis, la plus grande économie du monde, suivis (mais de loin) par la Chine. Juste pour donner les proportions : selon certaines données retravaillées par la Cnuced – l’agence des Nations Unies pour le commerce et le développement – ​​fin 2023, la dette publique mondiale atteignait le chiffre (record) d’environ 97 000 milliards de dollars. Toutefois, sur ce total, plus de 33 000 milliards de dollars représentent la dette américaine. La dette publique italienne totale dépasse les 3 000 milliards de dollars. Celui de l’ensemble des pays africains s’élève à un peu plus de 2 000 milliards de dollars. Mais si en termes absolus elle est relativement faible, pourquoi la dette des pays les plus pauvres crée-t-elle tant de problèmes ? Car les conditions pour le contracter ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Tout comme ceux qui demandent un prêt bancaire, les pays ne sont pas traités de la même manière par les autres États, par les organismes multilatéraux (comme le Fonds monétaire international, FMI) ou par les particuliers, les trois grandes entités qui accordent du crédit. Plus une économie est fragile, plus les taux d’intérêt à rembourser sont élevés. Le même montant demandé aujourd’hui en prêt coûte à un État africain 10 à 12 fois plus que ce que paient l’Allemagne ou les États-Unis. Et c’est précisément sur cet écart que la situation est devenue ces dernières années de plus en plus intenable : les pays africains, pour les intérêts de leur dette, paient actuellement 163 milliards de dollars par an, contre 61 en 2010. C’est un lest pour le développement. possibilités. La Cnuced l’explique bien dans un intéressant rapport intitulé « Un monde de dette », publié il y a quelques mois. En analysant les événements de ces dernières années, il apparaît clairement que le tribut des crises répétées que nous avons tous vécues depuis la pandémie a été payé bien plus cher par les pays pauvres. «La crise de la dette est une crise cachée – explique Giovanni Valensisi, un économiste italien de la CNUCED qui figure parmi les rédacteurs du rapport -. Dans l’ensemble, le nombre de pays en développement semble faible. Mais si l’on regarde ce qu’ils provoquent dans leurs sociétés, l’impact est énorme. » Plus de 3,3 milliards de personnes en Afrique, en Amérique latine et en Asie, par exemple, vivent désormais dans des pays qui sont obligés de dépenser plus d’argent pour rembourser les intérêts de leurs dettes que pour financer les soins de santé ou l’éducation. Dans la moitié des pays en développement, plus de 6,3 % de toutes les recettes d’exportation sont consacrées au remboursement des créanciers. Une « taxe » injuste sur les pays pauvres : la Cnuced rappelle que lorsque l’accord de Londres sur la dette de guerre de l’Allemagne fut stipulé en 1953, il était établi que les intérêts payés par les Allemands ne devaient pas dépasser 5 % des revenus générés par les exportations, afin de ne pas pour compromettre sa reprise. Mais aujourd’hui, pour des dizaines de pays du Sud du monde, ce principe élémentaire d’une économie tournée vers l’avenir n’est pas appliqué. Mais les pays pauvres n’ont-ils pas bénéficié d’un allégement de la dette pendant la pandémie ? «En 2020 – répond Valensisi – les pays du G20 avaient gelé pendant deux ans le paiement des intérêts de la dette des pays en développement. Mais cette pause a pris fin juste au moment où la situation était devenue encore pire avec la guerre en Ukraine, car les politiques monétaires adoptées par les pays économiquement plus forts eux-mêmes pour contenir l’inflation avaient fait monter en flèche tous les taux d’intérêt. À ce stade, aucune nouvelle intervention n’est arrivée. Et dans un contexte où 61% de la dette des pays en développement n’est plus prêtée par des États ou des créanciers multilatéraux, mais par des particuliers (banques ou investisseurs qui achètent certains instruments financiers), on a même eu l’effet inverse : « Le problème C’est la volatilité de ces sources de financement – ​​commente l’économiste de la Cnuced -. Dès que les rendements des titres publics ont augmenté dans les pays les plus développés, les choix des épargnants ont changé, abandonnant les autres marchés. Ainsi, en 2022 – précisément au moment où ils auraient eu le plus besoin de ressources – les pays économiquement les plus fragiles se sont retrouvés à devoir payer plus d’argent en intérêts aux banques et aux investisseurs privés qu’ils n’en ont reçu en nouveaux prêts”. Il y a donc le constat de ces mécanismes pervers derrière l’appel du pape François à remettre sur le devant de la scène la question de la dette à l’occasion de ce jubilé. Avec toutefois la conscience qu’aujourd’hui pardonner des portions importantes est une opération plus complexe qu’il y a 25 ans. Car l’implication plus large des investisseurs privés multiplie les interlocuteurs avec lesquels il faudra négocier cet acte de justice. C’est pourquoi le Pontife nous a également exhorté à franchir une étape supplémentaire : imaginer « une nouvelle architecture financière internationale, audacieuse et créative ». Pour éviter que le poids des crises de demain ne repose à nouveau sur les épaules des pauvres. Quelques idées existent sur la table : « Une première étape – explique Valensisi – serait d’aborder la question de la représentativité : impliquer véritablement et de manière significative les pays en développement aux tables où se prennent les décisions. Mais nous réfléchissons également à des mécanismes pour résoudre le problème du coût excessif de la dette : une hypothèse est de renforcer les banques multilatérales et régionales de développement, à la fois en termes de capitalisation et de capacité de prêt conséquente, et en veillant à ce que ce soient elles qui amortissent une partie des les risques en émettant une partie des prêts en monnaie locale. Mais avant tout, nous devons accroître la sensibilité financière en accordant des crédits qui favorisent les projets dans les pays pauvres qui créent un développement à long terme. » Exemples de cheminement possible. Pour que, comme dans l’idée biblique du Jubilé, nous puissions vraiment recommencer tous ensemble.



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