« La différenciation peut améliorer le découpage administratif actuel », David Valence, président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale

Le droit à la différenciation trouve-t-il une traduction prometteuse dans les laboratoires territoriaux développés par la Corse, la Collectivité européenne d’Alsace et la Bretagne ?

Désormais inscrite dans la constitution, la différenciation vise à imaginer les solutions les plus efficaces, en fonction de la diversité des territoires.

Cette idée justifie les expériences menées par les trois collectivités que vous citez : mitoyenne de deux Etats, l’Alsace a vocation à maîtriser sa coopération avec ses voisins européens. Il en va de même pour la gestion de l’eau en Bretagne, compte tenu à la fois de la pression hydrique qui s’exerce sur cette région, mais aussi d’une forte tradition de coopération entre ses acteurs.

La mission sur la décentralisation, conduite par Eric Woerth à la demande du président de la République, peut-elle faciliter le passage de l’expérimentation à la généralisation ?

Nous en sommes au début. Demain, on peut imaginer que des départements ou des régions pilotent leur politique du logement, même si ailleurs, les grandes intercommunalités exercent cette compétence. De même, des consensus locaux pourraient désigner une seule collectivité pour le tourisme, plutôt que d’entériner l’éparpillement qui prévaut aujourd’hui dans ce domaine.

Demain, on peut imaginer que des départements ou des régions pilotent leur politique du logement.

David Valence

La seule limite qu’il faut éviter de franchir, c’est celle de l’intelligibilité aux yeux du citoyen. Je n’imagine pas la décentralisation comme un jardin à la française ou tout est bien taillé.

D’autres exemples de compétences à différencier vous viennent-ils à l’esprit, dans le domaine de l’aménagement ?

Je pense à la gestion des zones humides et à la prévention des inondations. Cette compétence Gemapi, certaines collectivités l’exerçaient longtemps avant que la loi NOTRe ne la confie aux intercommunalités. D’autres, au contraire, se sont trouvées démunies. Il n’y aurait rien d’absurde à imaginer la possibilité d’une prise de compétence départementale.

La limite à ne pas franchir, dites-vous, c’est l’intelligibilité pour le citoyen. Mais comment la définir ? Le redécoupage administratif sortirait-il du cadre ?

La mission Woerth ne parle pas de redécoupage administratif, et j’ai la faiblesse de penser que l’intelligibilité demande de la stabilité, après les 5 à 6 ans qui ont précédé la réorganisation actuelle.

Nous avons déjà passé trop de temps à nous poser la question du redécoupage. Quand l’Alsace y revient, elle rouvre le débat au Pays Basque. Ce n’est pas la solution. La différenciation offre au contraire l’occasion d’améliorer le découpage actuel.

Nous avons déjà passé trop de temps à nous poser la question du redécoupage. Quand l’Alsace y revient, elle rouvre le débat au Pays Basque. Ce n’est pas la solution.

David Valence

Comment le président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale contribue-t-il à enrichir la mission Woerth ?

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, m’a désigné parmi deux députés chargés de ce suivi. De même, Françoise Gatel, qui préside la délégation aux collectivités locales de la chambre haute, fait partie des deux sénateurs affectés à cette mission.

A deux ans des élections municipales et à quatre ans des échéances départementales et régionales, on sent, dans l’esprit des citoyens, une déperdition de la confiance dans les pouvoirs locaux.

De leurs côtés, les élus territoriaux veulent pouvoir décider de façon plus simple, tandis que les parlementaires cèdent à la tentation de taper sur l’Etat. Je pense que l’extension du pouvoir réglementaire local, qui s’exerce déjà dans les plans locaux d’urbanisme, permettrait de sortir de cet entre-deux.

Par rapport à l’Etat, je plaide pour le contrôle à posteriori plutôt qu’à priori, mais aussi pour que les services déconcentrés apprennent à mieux se coordonner.

La mission abordera-t-elle la question des finances locales ?

Sa plus forte ambition concerne la réponse à la question de l’autonomie fiscale et financière. Elle pourrait découler de deux systèmes : soit la perception nationale de l’impôt, redistribué ensuite dans les territoires, selon le modèle allemand, réputé décentralisateur ; soit la définition d’une contribution aux services publics locaux, à partir d’un critère plus universel que la taxe foncière.

Eric Woerth a conscience du problème politique posé par une fiscalité fondée sur la propriété.

Je suis favorable à l’idée de faire évoluer le plafond du versement mobilité, mais plus réservé sur l’hypothèse d’un prélèvement par les régions

David Valence

Ces réflexions pourront-elles aller jusqu’à des propositions sur la fiscalité du ZAN et sur les prélèvements adaptés à la décarbonation des mobilités par le rail ?

Le versement mobilité est une singularité française très précieuse. Je suis favorable à l’idée d’en faire évoluer le plafond, mais plus réservé sur l’hypothèse d’un prélèvement par les régions, d’autant plus qu’elles peuvent déjà jouer cette carte à travers des syndicats.

A propos du ZAN, il faut s’interroger : que valorise-t-on ? Alors que notre fiscalité actuelle prime l’artificialisation des sols, cette manière de poser la question ouvre la voie à des services publics assis sur des revenus, plus que sur la valeur du foncier.

L’augmentation de la dotation biodiversité, dans la loi de finances 2024, ouvre une brèche : pour une fois, on prime la non-artificialisation. Mais si la mission Woerth permettait d’ouvrir un chemin dans les deux directions que vous imaginez, ne nous berçons pas d’illusions : la mise en œuvre n’interviendrait au mieux qu’après 2026.

2024-01-09 11:00:00
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