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La grande crise du NHS (1)

La grande crise du NHS (1)

2024-01-15 02:41:28

Marco Geddes de Filicaia

Depuis plus d’une décennie, notre service national de santé est épuisé par l’attrition, ce qui a provoqué une crise sans précédent dans le secteur du personnel de santé. Cet article (et le suivant) décrit les mécanismes qui sont entrés en jeu pour provoquer la « grande crise » : du gel des embauches à l’incapacité de planifier la formation des médecins, de la baisse des salaires des médecins et infirmiers à la fuite à l’étranger pour les professionnels.

Le long siège du NHS, une métaphore qui illustre bien la situation qui dure depuis plus d’une décennie[i]est mis en œuvre depuis un certain temps avec une stratégie spécifique. Un siège vise à conquérir la ville, avec faim et soif, en interrompant l’approvisionnement en eau et en nourriture. Dans le cas concret, il ne s’agissait pas seulement d’interrompre le financement du NHS, puisqu’on ne peut pas y remédier avec du papier-monnaie, mais d’interrompre concrètement l’approvisionnement de ce qui est indispensable et peut être acquis grâce au financement. Les achats de matériel de santé n’ont été ni interrompus ni réduits, qui sont également pertinents pour le fonctionnement des activités. Notre pays regorge de technologies (TDM, IRM, TEP, salles hybrides, robots chirurgicaux, etc.), comme le souligne la comparaison avec les autres pays européens ; une ressource qui est souvent mal distribuée et pas pleinement utilisée[ii]. Il ne s’agissait pas d’une pénurie de médicaments ; nous ne pouvons certainement pas dire que nous manquons de cette ressource au niveau national. En Italie, le calendrier vaccinal offre une large couverture et certaines zones territoriales ou types de vaccination se caractérisent par une adhésion réduite, certainement pas due à un manque de vaccins ; La libre disponibilité de médicaments très coûteux est garantie et la large disponibilité des antibiotiques est plutôt associée à une utilisation inappropriée et excessive, et certainement pas à une pénurie de cette ressource.

Le siège a donc progressivement réduit, et souvent interrompu, l’approvisionnement en nourriture et en eau, c’est-à-dire le capital humain : médecins et infirmières.

La crise des personnels de santé est un problème courant dans de nombreux pays européens. Hans Kluge, directeur de l’OMS Europe, à l’occasion de la 73e session du Comité régional a défini la pénurie de personnel de santé et de soins comme une « crise énorme », une véritable « bombe à retardement »[iii]. Une bombe dont l’intensité est, pour l’Italie, bien plus importante et le moment de l’explosion est désormais imminent ; un engin pour lequel aucune équipe anti-bombes ne s’approche pour le désamorcer.

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La crise des personnels de santé s’inscrit en effet dans un scénario national complexe à bien des égards.

  • Le premier facteur est représenté par les tendances démographiques ce qui ne paraît pas rose, puisque le pourcentage de la population âgée de 0 à 14 ans est parmi les plus faibles (12,9%) et donc la population en âge de travailler, nette de migration, diminuera encore jusqu’à atteindre, en 2030, le taux de dépendance des personnes âgées le plus élevé parmi Pays européens.
  • Le deuxième facteur réside dans la réduction de la présence de l’État dans de nombreux secteurs de production et de services, avec un ratio agents publics/population égal à 5,5 x 100 habitants (Allemagne 6,1, Espagne 7,3, Royaume-Uni 8,1, France 8,3). Une saignée menée au fil des années qui a touché les écoles, les universités, les autorités locales, les centres publics de recherche, les musées d’État, les bibliothèques, les surintendances et les services sociaux et, dans une large mesure, le service national de santé.
  • Le troisième facteur concerne la baisse des salaires. Le salaire annuel moyen, au cours des trente dernières années (1990 – 2020), a diminué en Italie de 2,9 %. Seul pays européen avec un signe négatif, alors qu’il y a une croissance généralisée en Europe : Espagne + 6,2, Portugal + 13,7, Autriche + 24,9, Grèce + 30,5, France : + 31,1, Allemagne : + 33,7, Danemark : + 38,7, Suède +. 63,0.

Cet ensemble de problèmes aurait dû suggérer une planification du capital humain (ou main-d’œuvre, pour utiliser un terme plus brutal) de soins de santé particulièrement précis, clairvoyants et sur une longue période, compte tenu de la haute qualification de la main-d’œuvre employée dans ce secteur, de la charge de formation correspondante, estimée, pour un médecin pour pouvoir prétendre à un emploi, environ 200 000 €, ainsi que la pertinence constitutionnelle du droit à la santé qui, à travers le service de santé, se concrétise.

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Enfin, l’expérience de la pandémie aurait dû révéler, même à ceux qui ne l’avaient pas compris auparavant, la pertinence d’un service de santé publique adéquat, et donc imposer des réformes appropriées. et le financement nécessaire, en tenant compte, comme l’a écrit la Commission créée par l’OMS Europe et présidée par le sénateur Mario Monti, que “… la pandémie a révélé que des investissements insuffisants en matière de santé, notamment dans les systèmes de santé publique, peuvent constituer en eux-mêmes une source de risque macrocritique, non seulement pour le pays en question, mais pour le monde entier. »[iv].

Les deux plus grands secteurs du personnel du NHS sont représentés par 102 491 médecins, d’un âge moyen de 50,9 ans, représentant 22,9% du personnel (51,2% de femmes) et par 264 768 unités de personnel infirmier, représentant 59,2% de l’effectif, avec un âgé de 46,9 ans (77,8% de femmes).

Les médecins en Italie ne sont pas rares par rapport à la population (4,0 x 1 000 habitants) en ligne avec la moyenne européenne (UE 27). Une comparaison avec la moyenne de quatre pays pour les aspects plus «proximaux» met en évidence un nombre de médecins pour 1.000 habitants de 4,06 en Italie, contre une moyenne de 3,58 en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Espagne ; en chiffres absolus en Italie + 28 981 médecins. Cependant, le résultat change si le ratio est effectué par rapport à la population de plus de 75 ans ; dans ce cas, il manque 17 189 médecins en Italie[v].

La situation est en réalité bien plus critique pour les infirmières. La moyenne européenne du nombre d’infirmières par rapport à la population est de 8,3 x 1.000 habitants, alors qu’en Italie elle est de 6,3 ! Cela signifie que le ratio infirmière/médecin est très faible : Italie 1,6 ; UE 2.2. Si l’on reprend la comparaison faite avec les quatre pays identifiés ci-dessus (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne), il manque 237 282 infirmiers en Italie ; si la comparaison est faite par rapport à la population de plus de 75 ans (un critère très pertinent notamment pour le personnel soignant), il manque à l’Italie 350 074 unités de personnel !

La décimation des médecins et des infirmières a, consciemment ou inconsciemment (en termes juridiques on dirait : par malveillance ou culpabilité), utilisé de multiples outils.

Le gel des embauches

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Le gel des embauches a été mis en œuvre par le biais de plafonds de dépenses pour le personnel du NHS introduits en 2005 par la loi 266/2005 (gouvernement Berlusconi III, ministre de la Santé Storace) ; seulement partiellement révisé en 2019 et toujours soumis à des plafonds de dépenses, voir tableau 1.

Tableau 1. Plafonds de dépenses pour le personnel. La législation.

Le prochain article sera publié mercredi 17 janvier.

Les références

[i] https://www.saluteinternazionale.info/2023/10/il-lungo-assedio-al-ssn/

[ii] En Italie, nous disposons de 31,24 IRM par million d’habitants (année 2022) avec 65 tests pour 1 000 habitants, avec un taux d’utilisation de 2,1 contre un taux d’utilisation de 4,4 aux Pays-Bas ; en Espagne 4,7 ; en Autriche 5,6 ; en France 7,5 et en Belgique il est 7,6.

[iii] Hans Kluge : « Ce sont les trois piliers d’une région européenne résiliente ». 73e session du Comité régional de l’OMS pour l’Europe. Quotidiano Sanità, 25 octobre 2023.

[iv] OMS, Tirer la lumière de la pandémie. Une nouvelle stratégie pour la santé et le développement durable, Rapport de la Commission paneuropéenne sur la santé et le développement durable, édité par le professeur Martin McKee, 2021

[v] Crea Sanità, extrait des données de l’OCDE Health at a Glace 2019.



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