Une étude biochimique récente révèle que la sueur humaine contient une protéine qui neutralise la bactérie responsable de la maladie de Lyme. Cependant, un tiers de la population humaine produit une variante mutée moins active de cette protéine, les rendant ainsi plus susceptibles de développer la maladie.
La maladie de Lyme est une infection causée par la bactérie (Borrelia burgdorferi), transmise par la piqûre d’un insecte, la tique (Ixodes scapularis). Bien qu’elle ait initialement touché principalement les habitants du nord-est des États-Unis (la maladie ayant été décrite pour la première fois dans la ville de Lyme au Connecticut, d’où son nom), cette maladie est devenue de plus en plus fréquente dans le sud du Québec au cours des 20 dernières années.
Les hivers plus doux liés au réchauffement de la planète ont permis à la tique d’étendre son territoire vers le nord, où elle se reproduit en se nourrissant de divers animaux (notamment des cerfs et des souris).
L’interaction de la tique avec la souris à pattes blanches (Peromyscus leucopus) est particulièrement préoccupante, car cette souris constitue le réservoir naturel de la bactérie responsable de la maladie de Lyme. En parasitant ces animaux, la tique devient porteuse et vecteur de la bactérie, pouvant ainsi la transmettre lors d’un contact avec un être humain.
Maladie aux symptômes variables
La maladie de Lyme se manifeste généralement par l’apparition d’une rougeur (érythème) migratrice, en forme d’œil de taureau (rougeur centrale entourée d’un anneau pâle et d’un halo externe), suivie par l’apparition de symptômes grippaux (fièvre, maux de tête, fatigue, douleurs musculaires).
L’évolution clinique de la maladie est cependant très variable d’un individu à l’autre, certains ne présentant que peu ou pas de symptômes, tandis que d’autres développent des formes sévères de la maladie, pouvant persister pendant des mois, voire des années, malgré un traitement intensif aux antibiotiques.
Antibactérien naturel
Pour mieux comprendre ce phénomène, des chercheurs ont étudié s’il existait des variations génétiques qui pourraient rendre certaines personnes plus sensibles à la maladie de Lyme.
En utilisant une banque génomique comprenant 617 731 personnes, dont 25 355 avaient été touchées par la maladie, ils ont observé une corrélation très forte entre ce risque et la présence de variations dans le gène codant pour une protéine de la famille des sécrétoglobines, appelée SCGB1D2 (1).
Cette découverte est d’autant plus intéressante car les sécrétoglobines sont une famille de protéines qui agissent comme des sentinelles immunitaires à la surface de certains organes, tels que les poumons et la peau.
Dans ce cas précis, les chercheurs ont déterminé que cette sécrétoglobine est principalement produite par les cellules des glandes sudoripares et est donc présente à la surface de la peau, idéalement positionnée pour contrer l’infection par la bactérie responsable de la maladie de Lyme.
Il semble effectivement que ce soit le cas : lorsque les chercheurs ont exposé la bactérie à une version normale de la sécrétoglobine, ils ont observé une inhibition significative de sa prolifération.
En revanche, lorsque la version mutée de la protéine (associée à un risque accru de maladie) est utilisée, la prolifération de la bactérie est beaucoup moins affectée.
Ces différences ont un impact sur le risque de développer la maladie : des souris auxquelles ont été injectées les bactéries préexposées à la sécrétoglobine mutante ont contracté la maladie de Lyme, tandis que les animaux ayant reçu les bactéries préexposées à la version normale de la sécrétoglobine n’ont pas été infectés et sont restés en bonne santé pendant toute la durée de l’étude.
En résumé, la protéine identifiée par l’étude semble agir comme un agent antibactérien naturel, sécrété dans la sueur, capable de contrer l’infection par la bactérie responsable de la maladie de Lyme.
La prédisposition accrue de certaines personnes à développer des formes sévères de cette maladie pourrait donc être due à la production d’une forme moins active biochimiquement de cet agent antibactérien.
En plus de son importance scientifique pour la compréhension de l’évolution clinique de la maladie de Lyme, cette découverte pourrait avoir des applications concrètes, telles que la fabrication de crèmes contenant ces agents antibactériens naturels pour prévenir le développement de la maladie ou la traiter dès les premiers stades, après la piqûre de la tique.
♦ (1) Strausz S et al. SCGB1D2 inhibits Borrelia burgdorferi growth and affects susceptibility to Lyme disease. Nat. Commun. 2024; 15: 2041.
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2024-04-15 01:46:55