La réalité du deuil : Réactions et émotions complexes après la perte d’un enfant

La réalité du deuil : Réactions et émotions complexes après la perte d’un enfant

Les sympathisants blâment son comportement lors de la marche blanche en hommage à son fils, qui a eu lieu le jeudi 29 juin. Selon eux, une mère qui vient de perdre son enfant ne devrait pas agir de cette manière. Bien qu’elle soit très émue et touchée, elle a également souri, salué et remercié la foule venue la soutenir, tout en demandant justice pour Nahel.

Cependant, cette réaction n’est pas du tout surprenante, explique Marie-Frédérique Bacqué, psychologue clinicienne, professeure en psychopathologie clinique à l’Université de Strasbourg et spécialiste du deuil. “C’est une réaction que l’on peut observer après une perte brutale. Le deuil d’un enfant est toujours extrêmement difficile. Il peut y avoir un sentiment d’incrédulité qui dure de plusieurs heures à plusieurs jours.”

“Généralement, lorsque l’on apprend ce genre de nouvelle, on a du mal à y croire au début. Il faut un certain temps pour assimiler l’information qui remet en question les 18 ans d’existence de la mère de Nahel. Le problème est d’accepter la réalité de la mort. Et dans la majorité des cas, on l’accepte lorsqu’on voit le corps du défunt”, ajoute-t-elle.

Alain Sauteraud, psychiatre spécialiste du sujet et auteur du livre “Vivre après ta mort : Psychologie du deuil” (ed. Odile Jacob), rappelle qu’il existe une multitude de deuils différents. “Il y a une mort par minute en France et pourtant, il n’y a pas deux deuils identiques. Il n’existe pas de programme fixe. Lors des mêmes funérailles (celles de Nahel auront lieu ce samedi 1er juillet), on peut constater des émotions très différentes chez les personnes présentes.

La réaction face à la perte d’un proche dépend de nombreux facteurs : la relation et l’histoire entretenue avec le défunt, l’âge de celui-ci, les circonstances de sa mort… Même si certains sentiments peuvent prendre le dessus sur d’autres.

Dans le cas d’un décès attendu, le soulagement est généralement prédominant, “en raison du fait que la personne ne souffre plus”. En revanche, lorsque la mort est brutale, la personne endeuillée est confrontée à un choc. Et dans le cas de la perte d’un enfant, “c’est un état de sidération qui prédomine”.

Il y a un mélange de sentiments très divers qui se succèdent et se chevauchent dès l’annonce du décès. La tristesse, bien sûr, mais aussi l’angoisse, la colère… La colère peut prendre le dessus dans les cas de décès qui semblent particulièrement injustes.

Ne pas montrer sa tristesse ne signifie pas qu’on ne la ressent pas. Plusieurs émotions sont présentes simultanément, mais celles qui dominent sont celles qui occupent l’esprit. “Le symptôme spécifique du deuil n’est ni la tristesse, ni l’effondrement”, explique le psychiatre. “C’est l’état de manque. Suite à un décès traumatique, il n’est pas forcément immédiatement perceptible. Il est caché.”

D’après Marie-Frédérique Bacqué, la situation dans laquelle se trouve la mère de Nahel, qui est au centre de l’attention, ne facilite pas son processus de deuil. “Elle est portée par une foule qui la soutient et qui lui fait comprendre que la mort de son fils est révoltante. Lorsqu’on n’a pas la possibilité de se recueillir avec ses proches, il peut prendre beaucoup de temps pour accéder aux sentiments de tristesse”, estime-t-elle.

La même attitude est parfois observée chez les mères de soldats, selon la chercheuse. Elles mettent de côté leur douleur et leur chagrin pour exprimer leur colère ou leur sentiment d’injustice lorsque la guerre a emporté leur enfant.

Quant au rire, il n’est pas nécessairement associé à la joie. Il peut être un mécanisme de défense inconscient, comme on peut l’observer lors de certains enterrements, mais il peut aussi signifier l’excitation d’un groupe, une certaine tension… “Inconsciemment, la mère de Nahel peut sembler joyeuse et portée par le mouvement”, analyse la chercheuse avant d’estimer : “Mais elle doit vivre quelque chose d’extrêmement stressant.”

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