Le récent rabotage des forfaits MaPrimeRénov’ destinés au chauffage au bois a pris de court les professionnels du secteur, qui déplorent le manque d’anticipation dans les annonces officielles. Une décision qui pourrait impacter directement le choix des particuliers en matière de chauffage, et qui pourrait peser sur le marché du chauffage biomasse en 2024.
Le rabotage des forfaits MaPrimeRénov’ critiqué par la profession
Le rabotage des forfaits MaPrimeRénov’ pour l’installation d’appareils de chauffage bois « a surpris la filière », nous explique Thomas Perrissin, vice-président du Syndicat Français des Chaudières Biomasse (SFCB). « Cette baisse des aides n’était pas anticipée et n’a pas été précédée d’annonces officielles claires », regrette-t-il.
À compter du 1er avril, une diminution de 30 % du forfait MaPrimeRénov’ pour le chauffage au bois sera instaurée, principalement pour « réaliser des économies “, précise M. Perrissin. ” Si certains [spécialistes du chauffage bois, NDLR] ont constaté une augmentation temporaire des demandes d’installation avant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, ils anticipent déjà une baisse de la demande à moyen terme », estime de son côté, Sylvain Le Falher, co-fondateur du spécialiste de l’énergie Hello Watt.
Un rabotage au profit des pompes à chaleur (PAC) qui peut être problématique dans la mesure où il ne prend pas en compte les spécificités et les avantages des autres solutions de chauffage. De plus, « le rabotage des aides sur les équipements de chauffage au bois va à l’encontre des objectifs de décarbonation et de transition énergétique, en décourageant l’adoption de solutions moins émettrices de gaz à effet de serre », souligne Thomas Perrissin, alors que le chauffage biomasse est une alternative plus écologique que le fioul et le gaz, notamment.
Une décision qui oriente les particuliers dans leur choix de chauffage
« Cette décision a des implications sur le choix des particuliers en matière de chauffage. La communication gouvernementale qui met en avant les pompes à chaleur comme solution de chauffage privilégiée oriente les consommateurs dans cette direction, alors que d’autres solutions comme le chauffage au bois pourraient être plus adaptées à leur situation et à leurs besoins », déplore Thomas Perrissin. En effet, la réduction des aides sur les équipements de chauffage au bois rend cette option moins attractive sur le plan financier, incitant ainsi les Français à se tourner vers des alternatives telles que les PAC, largement soutenues par le gouvernement, puisque ces dernières ont vu leur aide grimper de 1 000 €.
« Une étude réalisée en fin d’année dernière avait déjà mis en lumière l’intérêt économique croissant des particuliers pour les pompes à chaleur, les positionnant en tête des solutions de chauffage les plus attractives », rappelle Sylvain Le Falher. « Si on devait reproduire la même enquête aujourd’hui, cette tendance se confirmerait certainement », poursuit-il.
Mais le choix des particuliers en matière de chauffage biomasse varie en fonction de plusieurs critères. « Certains sont attirés par la possibilité d’utiliser une ressource en bois à prix maîtrisé, tandis que d’autres préfèrent le confort esthétique d’un poêle à bois en chauffage d’appoint. Le parcours vers un mode de chauffage au bois n’est pas homogène », explique le spécialiste de l’énergie.
Face à cette évolution du marché, les professionnels du secteur, tel qu’Hello Watt, doivent adapter leur approche pour accompagner au mieux les particuliers dans leurs projets de construction, ou de rénovation énergétique. « Si les aides publiques se réduisent, d’autres solutions de financement, telles que les crédits ou les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) peuvent être proposées pour pallier le reste à charge »indique toutefois Sylvain Le Falher. « L’objectif demeure de fournir des informations complètes aux clients afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées, en fonction de leurs besoins, de leurs contraintes budgétaires et de leurs préférences en matière de confort et d’esthétique », note-t-il.
Une ressource en bois insuffisante ?
De plus, les incertitudes qui entourent la ressource bois ont également été évoquées lors des annonces concernant la baisse des aides MaPrimeRénov’, alors que la filière bois estime que la ressource reste largement présente pour répondre à la demande.
« Les scénarios RTE anticpent que dans les 10 ou 15 prochaines années, vu l’augmentation de la consommation énergétique, on aura du mal à assurer la totalité des besoins générés. Ça montre que le bois-énergie a sa place à jouer là-dedans, et ce serait dommage de s’en priver », soutient M. Perrissin. « Nous sommes une filière à investissement, on investit pour faire de la R&D, pour concevoir de nouveaux équipements, pour être plus performants, et à l’inverse de l’hydrogène ou du gaz, on n’a pas besoin de sortir un milliard d’euros pour produire de l’hydrogène vert, car le bois est décentralisé sur tout le territoire », poursuit-il.
Alors que le marché des chaudières à granulés a déjà enregistré une baisse en 2023, la mise en place du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) obligatoire dans le cadre des travaux de rénovation est également perçue comme un obstacle. Certains spécialistes estiment que cela ajoute des coûts et des complexités au processus de rénovation, influençant potentiellement le choix des équipements de chauffage. Des freins qui, s’ils ne sont pas lever à temps, pourrait bien pénaliser le marché du chauffage au bois en 2024.
Pour le vice-président du SFCB, « il est nécessaire de reconsidérer les aides financières disponibles » afin de soutenir leur développement et de permettre aux consommateurs de « faire un choix en fonction de leurs besoins et de leur contexte ». Cela pourrait passer par le maintien ou l’augmentation des aides existantes, ou par la mise en place de nouvelles mesures de soutien spécifiquement dédiées au chauffage au bois.
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de une : Adobe Stock
2024-01-26 11:00:00
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