La réservation de places en crèche par des entreprises : une pratique qui divise.

La réservation de places en crèche par des entreprises : une pratique qui divise.

Selon une enquête de la RTS, jusqu’à la moitié des places d’une crèche publique peuvent être réservées par des entreprises, ce qui soulève des questions, notamment à Genève où la pénurie de places est criante.

La recherche d’une place en crèche peut être un véritable calvaire pour les parents genevois, comme Simon*, qui est furieux. Son enfant est sur la liste d’attente de Lancy, tout comme 450 autres enfants. En remplissant le formulaire, il a découvert une case qui lui demandait s’il était employé de Procter & Gamble, une multinationale américaine.

Dans plusieurs communes de Genève, certaines crèches publiques disposent d’une liste d’attente parallèle avec des places réservées aux employés de ces entreprises, même si les parents ne vivent pas dans la commune.

“Nous nous demandons pourquoi nous ne pouvons pas avoir la priorité en tant que résidents et contribuables de la commune”, réagit Simon. “Cela suscite de l’incompréhension et de l’énervement, forcément.”

À Lancy, 56 places sont réservées pour Procter & Gamble, ce qui représente environ 10% de l’offre de la commune. Cet accord rapporte à la ville près de 400 000 francs par an.

Une pratique répandue

La RTS a analysé sept communes genevoises comprenant une importante population et de grandes entreprises. Elle a découvert que le cas de Lancy n’est pas isolé. Parfois, les entreprises monopolisent près de la moitié des places d’une crèche publique. C’est le cas des Services Industriels de Genève (SIG) dans la crèche des Libellules à Vernier, la deuxième plus grande ville du canton. Ce chiffre représente environ 15% de l’ensemble des places en crèche de la commune. À Meyrin, 6% des places sont réservées.

Dans la ville de Genève, cette pratique reste marginale. Moins d’un pour cent des places sont attribuées à des entités telles que les Hôpitaux Universitaires Genevois, l’EPFL ou encore la RTS.

Qui paie quoi?

Ces entreprises financent une partie du coût normalement pris en charge par la commune. Le montant varie selon les cas. Les SIG paient 38 000 francs par an et par place à Vernier. À Lancy, Procter & Gamble verse 7 000 francs par place et le CERN 6 000 francs à Meyrin. Les parents continuent de payer une part et le reste est financé par l’argent public.

Certaines communes n’ont cependant pas ce type de partenariat, comme Carouge. “L’écart entre les besoins et l’offre continue de se creuser”, explique François Berthoud, responsable du Service des affaires sociales. “Il serait incompréhensible pour la population que l’on retire des places pour favoriser telle ou telle entreprise.”

Accord remis en question

Pourquoi certaines communes ont-elles accepté ces partenariats ? À Lancy, la convention signée avec Procter & Gamble est un accord historique remontant à 2003. Comme ailleurs, l’entreprise a financé une partie de la construction des crèches en échange de places réservées.

Salima Moyard, magistrate en charge des affaires sociales, souligne que cette multinationale est une source importante de recettes fiscales, qui permet notamment de construire de nouvelles crèches. Bien qu’elle ait été surprise par cet accord lors de son entrée en fonction, elle en a vérifié la légalité.

Ces conventions sont conclues au cas par cas. Celle de Lancy court jusqu’en 2030. Salima Moyard assure que si elle est encore en poste à ce moment-là, ce partenariat sera renégocié, voire supprimé.

Un tel changement rassurerait certains parents, comme Simon. Face à la pénurie de places, il estime que les entreprises privées devraient conclure ces accords uniquement avec des crèches privées.

Camille Rivollet et Anouk Pernet

*prénom d’emprunt

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