La résistance s’organise dans le monde de l’humour : Témoignages d’agression et de harcèlement sexuel

L’humoriste belge assure que le “tremblement de terre MeToo qui a touché le monde du cinéma se fait sentir dans le milieu de l’humour également. Il y a beaucoup de peurs : peur d’être attaqué.e en diffamation ou d’être black-listé.e et ne plus pouvoir travailler si l’on parle. Voire peur pour sa vie!” Elle va encore plus loin sur ses réseaux sociaux: “Je voudrais dire aux violeurs et aux harceleurs de ce milieu qui pensent s’en être sortis ou pouvoir faire d’autres victimes en toute impunité: nous savons qui vous êtes. Nous savons ce que vous avez fait. Vos noms tournent. La résistance s’organise. Bientôt, nous serons assez fortes pour vous exposer. Ce sera alors à votre tour d’avoir peur. Ce sera alors à votre tour d’avoir honte. La fête est finie les gars.”

“L’affaire Ary Abittan est vraiment emblématique de l’injustice de la justice”

En promotion pour son premier roman intitulé Accident de personne publié chez Massot Éditions (interview complète à lire dans votreWeek-end DHde ce samedi), Florence Mendez nous a confié mener ce véritable combat en ce début d’année 2024: stopper les violeurs et harceleurs du milieu de l’humour. L’humoriste belge, qui tourne avec son spectacle Délicateavait déjà pris une décision radicale en refusant de jouer dans les théâtres où Ary Abittan était programmé. Pour rappel, ce dernier est de retour sur scène, deux ans après avoir été mis en examen pour viol puis être passé au statut de témoin assisté, avec peut-être un non-lieu à la clé.“C’est un scandale!” s’insurge Florence Mendez. “L’affaire Ary Abittan est incroyable parce qu’ici, on est judiciairement sur des cas où le bénéfice du doute est ridicule. On est sur une nana qui est allée faire constater le soir même ses blessures physiques, dont du sang sur les serviettes de chez Ary Abittan. Elle a eu des lésions anales qui ont entraîné une interruption de travail et les juges ont reconnu l’existence d’un choc post-traumatique. Malgré ça, le mec (Ary Abittan, NdlR) on le rétrograde au rang de témoin assisté. On est donc sur quelqu’un qui a le courage d’aller le soir même faire constater des lésions anales… et bon courage, quand tu es victime de viol pour aller faire ça. On reconnaît l’existence d’un choc post-traumatique et, malgré tout, on dit :’ah, on ne peut pas prouver que cela fait suite à un rapport forcé’. Mais quel rapport sexuel consenti aboutit sur des lésions anales et un choc post-traumatique ? Non!”

Et de poursuivre: “Et en plus, le mec a laissé la nana aller toute seule à l’hosto. Si t’as un jeu un peu violent, un peu sauvage – les gens, ils se mettent ce qu’ils veulent dans le cul, ça ne me regarde pas- et que tu blesses quelqu’un, tu l’accompagnes à l’hosto. Tu ne la laisses pas aller comme ça. Tu dis :’bon, on a un peu déconné, on a joué un peu comme on n’aurait pas dû’. Mais là, même pas. L’affaire Ary Abittan est vraiment emblématique de l’injustice de la justice. On ne pourra jamais estimer à 100 % qu’un mec est responsable de viol puisqu’il n’y a pas quelqu’un à ce moment-là dans la pièce pour dire ‘ah si, j’ai vu un truc’. Et donc quoi ? Donc, oui, ça m’a révoltée et en tant qu’artiste, je ne peux pas faire changer les choses toute seule. Il n’y a pas d’artistes qui m’ont suivi dans le mouvement. Mais si les artistes l’avaient fait, si quatre ou cinq artistes disent à une salle ‘très bien, tu programmes Ary Abittan, on ne vient pas’, ça change la donne quand même ! Moi je ne vais pas attendre que les autres se comportent bien pour bien me comporter.”

Cette prise de position lui amène des menaces et insultes. Elle reconnaît que ça “me fait perdre des sous. Il y a une salle qui a essayé de me réclamer de l’argent pour l’annulation de mon spectacle. Je les ai envoyés se faire foutre parce que c’est non. Pour moi, c’est un cas de force majeure. Et ici, il est hors de question que je cède à ce chantage-là. Il est temps de se responsabiliser.”

Affaire Depardieu : “Les signataires de sa tribune, sans s’en rendre compte, ont réveillé un truc”

Signataire de la contre-tribune dénonçant les propos et agissements de Gérard Depardieu, Florence Mendez assume son choix malgré la personnalité de l’instigateur de la démarche. ” Oui, je sais, Les cerveaux non disponibles est une page de gauche mélenchoniste. J’en étais consciente. Moi, je n’ai pas de souci avec l’ultragauche. Je ne partage pas leur projet. Je n’aime pas du tout Mélenchon. Je le déteste. Après, le projet de l’ultragauche ne vise pas, par exemple, à exclure des gens des soins de santé parce qu’ils sont étrangers. Le projet de l’ultragauche n’est pas fasciste ni raciste, au contraire de l’ultradroite. Et moi, ça me rend dingue parce que quand on voit le programme de l’extrême droite, les gens oublient que dans l’extrême droite, il y a droite.”

Elle rebondit sur cette affaire Depardieu qui a “dégoupillé le MeToo francophone” selon Florence Mendez: “Je ne comprends pas qu’on crie encore la présomption d’innocence quand on sait que rien que pour la vidéo de Complément d’enquêteil est condamnable. Juste pour cette vidéo-là, pour des propos sexistes, de la misogynie, du racisme… Et il parle d’une gamine de huit, neuf ans ! Combien de personnes faut-il pour qu’on nous prenne au sérieux ? PPDA, elles étaient combien à se plaindre ?”

Même son de cloche en Belgique selon elle. “Des têtes vont tomber,” dit-elle. “J’ai vraiment hâte que ça sorte. Car dans l’humour, on en a plein de Depardieu aussi. Ça va finir par sortir. Les signataires de la tribune en faveur de Depardieu ne se rendent pas compte qu’ils ont réveillé un truc. Ça arrive, ça a mis du temps. Mais le MeToo aux États-Unis, il a fini sur Harvey Weinstein, qui a pris perpète niveau prison. La Belgique attend toujours que la France débraye pour suivre. Mais là, c’est une catastrophe la France. À l’étranger, l’image de la France est celle d’un pays de pédophiles et de violeurs et personne ne dit rien. Mais quand Macron, quand le président de la France, d’une des puissances mondiales, prend la défense d’un mec qui est accusé… pas un mec qui a été acquitté ou controversé. Non, il prend la défense d’un mec qui n’a pas encore été jugé… Mais ça ne va pas ou quoi ? Quel malade celui-là !”