La santé et l’environnement en danger : les conséquences néfastes des reconstructions hâtives après le séisme en Turquie

La santé et l’environnement en danger : les conséquences néfastes des reconstructions hâtives après le séisme en Turquie

La famille qui est propriétaire de la maison en train d’être détruite regarde la scène, impuissante. “Normalement, je suis en bonne santé, mais aujourd’hui, j’ai du mal à respirer à cause de la poussière”, nous explique Nazli. Elle habite avec sa famille dans un préfabriqué installé juste à côté. Feray Incir, une élue locale arrivée sur les lieux un peu plus tard, assure avoir pris en charge la situation et reproche à Yusuf et Ümit leurs actions.

Cinq mois après le tremblement de terre dans le sud-est de la Turquie, les victimes vivent dans des conditions précaires : “Notre situation est pire.”

Des reconstructions à la va-vite

Près de six mois après le séisme de février, qui a fait plus de 50 000 morts selon les chiffres officiels, les travaux de destruction battent leur plein. Le séisme a détruit plus de 300 000 bâtiments et plusieurs villes sont presque entièrement effondrées. Selon l’organisation des Nations unies pour le développement (UNDP), il faut évacuer 116 à 210 millions de tonnes de gravats. Ces gravats, composés des débris des bâtiments détruits, d’électroménagers, de meubles… libèrent des poussières toxiques. Les associations et les habitants s’inquiètent des conséquences de ces poussières sur la santé et l’environnement.

Le gouvernement s’est engagé à reconstruire tout en un an. Mais les destructions rapides et le tri des gravats par des entreprises privées ne respectent pas toujours les règles. Selon plusieurs associations, il y a un risque sanitaire important lié à cette situation. “Nous avons organisé des manifestations”, raconte Umit Power, “les militaires nous ont attaqués, des amis ont été arrêtés”. Il insiste pour que de l’eau soit utilisée pendant les destructions, même si cela ne résout pas tous les problèmes. En effet, l’eau peut contaminer les sols en ruisselant, mais cela permet de limiter la poussière et donc l’inhalation de particules dangereuses. Sur les lieux des destructions, il essaie d’informer les habitants de leurs droits et alerte sur les dangers de cette poussière. Mais après avoir vécu un tel traumatisme, beaucoup sont épuisés. “Tout le monde a perdu des membres de sa famille”, se désole Ümit Power.

Une soupe de particules nuisibles

Ces gravats et la poussière qui s’en échappe peuvent causer de nombreux problèmes de santé à court et à long terme. Selon le Dr Ali Kanatli, représentant de l’Association des médecins de Turquie dans la province d’Hatay, l’amiante, le mercure, le nickel et les métaux lourds sont particulièrement dangereux et proviennent des bâtiments effondrés ainsi que des appareils électroménagers. “Tout se mélange dans l’air lorsque l’on rase les bâtiments endommagés”, explique-t-il. L’exposition à l’amiante peut causer des cancers plusieurs années plus tard, rappelle le médecin. L’amiante a été interdit tardivement en Turquie, en 2010, et la majorité des bâtiments sont anciens. Le Dr Kanatli constate déjà les effets de la poussière sur ses patients, car les autres matériaux peuvent provoquer des allergies et des maladies pulmonaires à court terme. L’utilisation de masques devrait être systématique, mais le médecin admet que cela serait impossible de les porter toute la journée en raison de la chaleur.

Après la destruction des bâtiments, les gravats sont transportés dans des camions, le plus souvent sans bâche pour retenir la poussière. Ils sont ensuite déposés dans des décharges à ciel ouvert. Dans la ville côtière de Samandag, les gravats sont empilés dans une décharge près de la mer, d’un camp de conteneurs et d’une réserve ornithologique. Certains se demandent si les entreprises choisissent de décharger leurs gravats si près des habitations pour économiser du carburant. Michel Atik, fondateur et président de l’Association de protection de l’environnement de Samandag, souligne que cette décharge est dangereuse pour les oiseaux qui se reposent et se nourrissent dans la région. Samandag est également un lieu de ponte pour les tortues vertes et les tortues Caretta caretta, en danger aujourd’hui. La poussière et les gravats contaminent les sols de cette région où l’agriculture est particulièrement importante. Hatay représente 20 % de la production alimentaire du pays, selon les Nations unies. Cette contamination des sols affecte la santé des habitants et crée des problèmes économiques durables.

Pour Ümit, dont l’association a accueilli plus de 700 enfants pour leur permettre de continuer à étudier, sa mobilisation citoyenne est une question de survie. Il se désole en disant : “Nous donnons des cours aux enfants ici. Mais quelle est la valeur de cette éducation s’ils meurent dans cinq ans à cause de l’amiante?”.

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