La souffrance du secteur de l’aide à la jeunesse : manque de recrutement et de places d’hébergement

La souffrance du secteur de l’aide à la jeunesse : manque de recrutement et de places d’hébergement

« C’est un secteur qui souffre réellement », déclare Françoise Bertieaux, la nouvelle ministre chargée de l’aide à la jeunesse au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis des mois, le secteur se mobilise avec deux demandes principales : un renforcement significatif en termes de recrutement et surtout la création de places structurelles d’hébergement supplémentaires et en nombre pour les enfants qui doivent être séparés de leurs parents et placés.

Nous devons être continuellement créatifs.

Coraline Smaniotto est déléguée au SPJ (Service de protection de la jeunesse) de Charleroi. Et aujourd’hui, elle a visiblement beaucoup de choses à dire sur son travail quotidien, un travail qu’elle continue pourtant d’adorer. Elle l’exerce depuis 14 ans.

« La situation est de plus en plus complexe. Au début, je gérais près de 90 dossiers. Maintenant, environ soixante. Mais je ne vois pas la différence. Nous devons constamment faire preuve de créativité pour trouver des lieux d’accueil pour les jeunes et essayer de trouver des solutions qui ne sont pas toujours… adaptées. Ce n’est pas normal d’appeler des hôpitaux pour y placer des enfants qui ne sont pas malades, mais nous le faisons par peur qu’il leur arrive quelque chose en famille », déplore-t-elle.

Les enfants sont souvent déplacés d’un endroit à un autre.

Coraline Smaniotto poursuit son plaidoyer. « Lorsqu’il n’y a pas de place en institution pour les enfants, ils se retrouvent dans des centres d’accueil d’urgence. Ils sont alors souvent déplacés d’un endroit à un autre. Et lorsque ces enfants commencent à établir des liens avec certains intervenants, on leur dit du jour au lendemain : voilà, c’est fini, tu vas ailleurs. Dans ce cas, nous montrons de la négligence et cela crée chez certains jeunes des troubles de l’attachement. Je continue d’exercer ce métier avec envie et passion, mais parfois, j’ai des doutes sur ce que je fais ».

L’objectif est de tenter de ramener les enfants chez eux.

Samra Aggoud est la collègue de Coraline Smaniotto. Elle aussi a beaucoup de choses à dire. « L’hébergement, c’est la dernière solution. C’est ce qui se produit lorsque nous avons tout essayé. Cela peut permettre aux parents de faire une pause et de se remettre en question. Et grâce à l’aide apportée, il y a parfois des retours en famille. C’est toujours l’objectif lorsque cela est possible. Il faut savoir qu’à Charleroi, on estime qu’il manque entre 150 et 200 places d’accueil pour les enfants », explique-t-elle.

Notre travail devient de plus en plus complexe et souvent, nous bricolons.

Charline Carbonelle travaille au SPJ de Tournai et affronte la même réalité. « Nous bricolons pour trouver des solutions plus ou moins stables pour l’accueil des enfants. C’est problématique pour les enfants qui doivent souvent changer de lieu d’hébergement avec parfois des retours en famille entre-temps. Et pour nous, c’est une grande frustration », confie-t-elle.

Les problèmes sont nombreux mais connus.

Michaël Verhelst est le directeur du SPJ de Tournai, mais aussi le président de l’union des Conseillers Directeurs de l’Aide à la Jeunesse. « Il y a un évident manque de personnel dans certains services, les équipes sont incomplètes ou épuisées. Les remplacements tardent et il y a manifestement un problème de prise en charge. Il manque des solutions d’hébergement, mais il manque aussi des solutions d’accompagnement familial », constate-t-il.

Pour Michaël Verhelst, il serait également nécessaire de réorganiser le secteur. « Il y a un problème de collaboration entre différents acteurs et ceux de l’aide à la jeunesse. Il faudrait trouver ensemble des solutions mieux adaptées à des problématiques de plus en plus complexes et multifactorielles. Il faudrait, par exemple, pouvoir à nouveau recourir à des services de première ligne tels que les PMS, les psychologues, les CPAS, etc., pour avancer. Et lorsque cela n’est pas possible ou qu’il est impératif de protéger l’enfant, c’est alors à nous de prendre les choses en main. Mais la collaboration de tous est indispensable », conclut-il.

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