Pep Guardiola n’a pas eu besoin d’attendre des vacances bien méritées pour tout comprendre. Pourquoi son Manchester City version 2022-2023 a-t-il réussi un triplé exceptionnel là où toutes ses précédentes versions s’étaient cassé les dents face à cette périlleuse mission ? Erling Haaland, bien sûr, est une partie de la réponse. Mais le technicien catalan avait préféré insister sur autre chose, juste après la victoire face à l’Inter en finale de C1.
“Je dirais qu’avec quatre défenseurs centraux sur la pelouse, on défend bien mieux dans notre surface, avait-il détaillé quant à son choix d’aligner Manuel Akanji, Ruben Dias, Nathan Aké et l’hybride John Stones dans cette finale. C’est la plus grande évolution, selon moi. Maintenant, on aime bien défendre et même si on fait parfois des erreurs, je sens qu’on est désormais une équipe qui sait défendre”.
Ce n’est pas parti pour s’arrêter : cet été, c’est le colosse Josko Gvardiol (21 ans) qui est la priorité du club mancunien. Le Croate a officialisé auprès du RB Leipzig ses envies de départ pour Manchester City et les deux clubs négocient officiellement pour un transfert qui dépassera la barre des 100 millions d’euros. Le gaucher deviendra au passage le deuxième transfert le plus élevé du club mancunien, derrière Jack Grealish (117 millions d’euros). Surprenant ? Absolument pas.
Depuis son arrivée à Manchester City, Pep Guardiola dépense sans compter pour les défenseurs. 7 défenseurs dans les 10 plus gros achats de Guardiola à City. Depuis son arrivée à City, en intégrant Gvardiol, Pep Guardiola a recruté 45 joueurs pour 1,36 milliards d’euros. Dans le lot, les défenseurs ou profils défensifs représentent presque la moitié de l’investissement global (630 millions). Plus parlant encore, 7 des 10 joueurs les plus chers de l’ère Guardiola chez les Citizens sont défenseurs ou milieux défensifs (Ruben Dias, Rodri, Aymeric Laporte, Joao Cancelo, Benjamin Mendy, John Stones et Kyle Walker).
Cette tendance s’explique d’abord par l’évolution du marché d’un poste de plus en plus complexe et où les qualités rares se monnayent très chères, surtout en Premier League. L’été dernier, ce fut d’ailleurs le mercato des défenseurs qui avait été au cœur de la reconstruction de certains clubs. Mais elle se conjugue aussi avec les besoins tactiques de Pep Guardiola.
Tous les noms de la liste n’ont pas connu le même succès avec les Citizens mais ils dessinent un changement de cap dans l’esprit du Catalan. A son arrivée, il avait décidé de tout miser sur des latéraux offensifs capables de faire mal dans la moitié de terrain adverse (Kyle Walker, Benjamin Mendy, Joao Cancelo). Deux d’entre eux furent au cœur d’une première révolution tactique de Guardiola : le latéral qui rentre dans le cœur du jeu.
Joao Cancelo, notamment, a su tenir un rôle hybride, officiant presque parfois comme meneur de jeu venu de l’arrière. Le cas Walker, lui, est paradoxal : si l’Anglais est devenu une pierre angulaire de l’édifice mancunien, c’est davantage pour sa capacité à cadrer les ailiers les plus rapides au monde que pour son apport offensif. Preuve que Guardiola s’est adapté à l’époque, c’est la chasse aux axiaux qui l’obsède.
Ces derniers mois, sa surutilisation des défenseurs centraux a interpellé, notamment avec les apports de Manuel Akanji ou Nathan Aké comme faux latéraux. Quant à John Stones, c’est encore une autre affaire.
Au micro de CBS Sports, interrogé par Thierry Henry, Guardiola avait expliqué ce changement de perspective qui s’était imposé à lui. “Vous ne pouvez pas passer 80 ou 90 minutes dans le camp adverse où, à l’inverse, ne jouer que des transitions. Ce serait stupide comme plan de jeu, expliquait-il. La différence aujourd’hui, c’est qu’Akanji est un magnifique défenseur, qui comprend le jeu et est toujours concentré. Kyle a la possibilité de contrôler les ailiers les plus dangereux au monde, Nathan Aké qui en un-contre-un est… pff. Quant à Ruben… Les gens disent souvent ‘wow, quelle passe magnifique etc.’ Mais soyez déjà un bon défenseur. Pour moi, c’est le plus grand talent possible en football”.
Le cas du Portugais est peut-être le plus symptomatique : en investissant 72 millions à l’été 2020 sur lui, Guardiola a trouvé son Virgil van Dijk à lui, le socle d’une défense qui a parfois pris l’eau lorsque le niveau montait d’un cran. Là encore, sa fascination pour les défenseurs transpirait de son hommage pour le joueur un an plus tard.
“C’est un défenseur central qui contrôle la ligne défensive et mène les autres, décryptait-il. Il joue juste, dans toutes ses décisions, mais il aide surtout les autres à prendre ces bonnes décisions. C’est là que vous devenez un défenseur central incroyable à mes yeux. […] Il y a des joueurs incroyables qui ne pensent qu’à leur propre travail, qui font leur job mais lui fait attention au fait que les autres avec lui le fassent aussi bien”. En ajoutant Josko Gvardiol à ses côtés, Guardiola s’offre une charnière effrayante sur le papier, au potentiel encore immense à exploiter, mélange de science tactique, de puissance physique brutale et de technicité réelle. D’ailleurs, c’est sans doute parce qu’il est gaucher et qu’il a parfois dépanné comme latéral que City est prêt à miser autant sur lui. Un peu de flexibilité tactique n’a jamais fait de mal au moment de croiser la route de Pep Guardiola. Tous ses défenseurs actuels peuvent en témoigner…
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