La stratégie prudente de la Chine face à l’instabilité en Afrique

La stratégie prudente de la Chine face à l’instabilité en Afrique

Face à l’augmentation de l’instabilité en Afrique, avec le coup d’État militaire au Gabon étant le dernier d’une série de renversements, la Chine observe avec prudence et s’inquiète. Bien que sa présence significative sur le continent africain aurait pu la pousser à réagir plus fermement, elle préfère jouer la carte de la prudence, malgré le danger pour ses intérêts. Cette stratégie mérite d’être examinée de plus près.

Il y a seulement cinq mois, la Chine accueillait avec grand honneur le président gabonais Ali Bongo au Palais du Peuple de Pékin. Fin août, il a été renversé par Brice Oligui Nguema, son cousin éloigné qui est devenu président par intérim à sa place. Ce coup d’État a surpris en Europe et en Chine, car le Gabon était considéré comme un îlot relativement stable en Afrique équatoriale. Les liens étroits tissés avec le président Bongo avaient permis d’obtenir des projets routiers et miniers dans le pays, mais ce coup d’État militaire a mis ces entreprises en péril.

Alors que le coup d’État a été accueilli par des scènes de joie à Libreville, la capitale, le 30 août, Pékin n’a pas condamné directement cet événement. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Wang Wenbin, a plutôt appelé à une résolution “pacifique” des différends par le dialogue. Parmi les premiers à réagir au coup d’État, la Chine a également appelé à “garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo”, qui a été placé en résidence surveillée. Cette réaction semble être motivée par l’intérêt de maintenir l’ordre politique du pays sans aliéner les militaires désormais au pouvoir. Les consignes semblent être d’attendre, d’établir rapidement un contact avec les nouvelles autorités et bien sûr de garantir ses investissements.

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Cette attitude est la même que celle adoptée au Niger, suite au coup d’État ayant renversé le président Mohamed Bazoum fin juillet. Dans une interview accordée au Monde le 1er septembre 2023, le spécialiste chinois du droit et des institutions, Jean-Pierre Cabestan, a déclaré : “La Chine n’aime pas l’imprévu et était assez proche du président Bazoum, mais elle n’a pas condamné le coup d’État. Sa priorité est toujours d’assurer la sécurité des Chinois sur place, puis de reprendre ses activités.” En d’autres termes, il n’y a pas de fidélité politique, mais une attention particulière à la stabilité de la région, qui est nécessaire pour le principal partenaire commercial de la plupart des États africains.

Cette approche prudente s’applique également au Mali, qui a connu un coup d’État il y a trois ans. La Chine a adopté une position prudente, en acceptant les sanctions des Nations Unies tout en coopérant avec la junte sur certains projets.

Alors que la Chine ressent les effets du ralentissement économique, Pékin investit moins qu’auparavant et fait preuve d’une vigilance accrue quant à la viabilité de ses projets en Afrique.

Après les derniers coups d’État, le ministre chinois de la défense, Li Shangfu, a tenu à rappeler que “la tradition de s’entraider mutuellement ne change pas” et a même évoqué un renforcement de la coopération avec le continent africain. Selon le ministère de la Défense, le ministre a des entretiens réguliers avec ses homologues sénégalais, congolais, camerounais et ougandais.

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La Chine est présente de manière significative dans tous les États ayant subi des coups d’État, que ce soit au Niger grâce à l’exploitation d’une raffinerie et la construction d’un oléoduc passant par le Bénin, à travers ses projets agricoles, ou au Gabon où la seule route reliant les deux principales villes du pays est chinoise et où une nouvelle exploitation minière est envisagée.

Il est important de noter que depuis 1991, les ministres des affaires étrangères chinois effectuent leur premier voyage de l’année en Afrique. Alors que la Russie utilise des acteurs déstabilisateurs, tels que Wagner, pour renforcer sa position en Afrique, la Chine privilégie les projets d’infrastructures, une coopération économique que certains jugent déséquilibrée, ainsi que l’action diplomatique et culturelle. La Chine cherche à développer en Afrique, une région rongée par des décennies d’instabilité politique et une croissance médiocre, un ordre politique, même sommaire, afin de faciliter son déploiement économique.

Les nombreux coups d’État ont mis fin à la présence hégémonique française dans certains États africains, également connue sous le nom de Françafrique. De plus en plus de personnalités politiques remettent également en question l’efficacité des Fonds européens de développement en Afrique. Par exemple, lors d’une interview sur la chaîne Public Sénat le 23 septembre, l’eurodéputée belge Assita Kanko a appelé à “cesser de signer des chèques en blanc” et à “fermer le carnet de chèques”, critiquant l’utilisation massive par les autocraties africaines de l’argent de la coopération pour se maintenir au pouvoir. Au cours des dernières années, l’Union européenne est devenue le principal donateur sur le continent africain, avec les 30 milliards d’euros de son Fonds de développement. Peu ciblé et mal investi, ce fonds a prouvé son inefficacité au cours des quarante dernières années, comme l’a récemment admis le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell.

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“Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà” ? Pas dans ce cas, car la Chine ne se réjouit pas du sort des Européens, mais partage plutôt les mêmes inquiétudes. La crise économique que traverse actuellement la Chine et le ralentissement de sa croissance incitent les dirigeants à réfléchir à deux fois avant de lancer de nouveaux projets, les poussant également à assurer la rentabilité des opérations sur place.

La Chine tient par exemple à son influence sur la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont elle a financé le siège pour plus de 30 millions de dollars. Cependant, la question qui se pose est de savoir si cette organisation est utile, efficace et capable de faire face aux troubles auxquels les États de la région sont confrontés. Au vu du nombre de coups d’État restés sans réponse militaire, la réponse semble être évidente.

La Chine souhaite rester un acteur majeur indispensable en Afrique et même renforcer sa présence. Cependant, les risques liés à la détérioration de la sécurité au Sahel et les préoccupations partagées avec les Européens pourraient inciter la Chine à orienter ses nouveaux investissements vers des zones plus sûres à l’avenir.

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