2022-04-27 16:24:25
Pasolini n’était pas un prophète, mais un penseur. Il faut le traiter comme tel.
La figure de Pier Paolo Pasolini est sans aucun doute l’une des personnalités les plus controversées du XXe siècle italien. Provocateur, corrosif, hérétique, anticonformiste, pour ne citer que quelques-unes des qualités qui lui ont été attribuées.
Il y a principalement deux réactions à son égard : l’une de rejet et de dévalorisation de son œuvre, qui en souligne les contradictions et les limites mais en écarte les mérites, l’autre d’exaltation dans laquelle on lui attribue souvent, sur des tons semi-apocalyptiques, des titres et des qualités d’un “prophète”.
Je crois que le moment est venu de se concentrer sur Pasolini penseur. Le fait qu’elle n’ait pas été systématique ne signifie pas qu’elle a manqué de rigueur. Il a analysé et décrit efficacement le changement anthropologique qui s’opérait en Italie avec l’arrivée de la société de consommation. Il a mené des réflexions aiguës sur les effets de la télévision sur le langage et sur la massification des individus (il serait intéressant de savoir s’il a eu l’occasion de lire les thèses de McLuhan ou s’il était parvenu seul à ses propres conclusions), sur la sécularisation de la société et le déclin de l’Église dans la vie des Italiens et, surtout, sur le changement de pouvoir.
De nombreux aspects du monde qui nous entoure ressemblent à ce que préfigurait Pasolini, mais n’en faisons pas un « voyant », qui est souvent l’alibi pour justifier l’absence d’esprit critique, voyons plutôt en lui un auteur aux intuitions et aux pensées qui ont fait leurs preuves. à droite, reconnaissant également leurs erreurs.
Il faudrait revisiter les thèmes les plus actuels de la pensée de Pasolini, pour en faire des idées de réflexions nouvelles.
Premièrement, nous devons repenser la différence entre « développement » et « progrès ». Cette nouvelle ère mondialisée a encore exacerbé ce problème, au point que richesse financière, inégalités sociales et surabondance de biens de consommation vont souvent de pair. Sans compter qu’il faut se demander pour quel type de progrès il faut lutter socialement et politiquement.
Dans le monde d’aujourd’hui, il est difficile de ne pas constater un écart énorme entre le « progrès » entendu comme la diffusion d’un esprit critique, d’une conscience intellectuelle, d’un sens des responsabilités envers le monde social dont on fait partie, et le « développement », ou plutôt une plus grande efficacité industrielle et de production des biens de consommation. Le « développement » consumériste domine le monde entier mais le « progrès » repose sur des équilibres encore résolument précaires.
Deuxièmement, nous devons re-problématiser la question des médias de masse qui sont aujourd’hui nettement plus complexes et omniprésents que la télévision et les journaux.
Le Web a créé une surabondance d’informations dans laquelle il est difficile de s’orienter, sans compter qu’une culture consciente qui l’entoure est décidément absente. Les masses se sont tout simplement retrouvées dans ce nouveau média sans aucune préparation et sans modèles à suivre. Le seul élément d’ordre semble être présent dans les algorithmes qui, dans la majorité des cas, obéissent à des lois simples du profit.
Troisièmement, il est nécessaire d’analyser quel type de pouvoir (ou de pouvoirs) est en train d’hégémoniser dans les sociétés actuelles et quels modèles culturels sont véhiculés.
Nous vivons dans un monde global de plus en plus interconnecté et, pour l’instant, le seul ciment qui semble unir des cultures et des sociétés très différentes est précisément le consumérisme débridé et l’adhésion aux modes qui y sont associées.
Dans « Ainsi parlait Zarathoustra », Nietzsche écrit : « On paie mal le maître si l’on reste toujours élève. » Nous faisons la même chose avec Pasolini.
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