« La Tondue de Chartres » : quand la fiction se heurte à la réalité

« La Tondue de Chartres » : quand la fiction se heurte à la réalité

La photo est devenue iconique, symbolisant à elle seule la période de l’épuration. Une femme, la tête rasée et le front marqué au fer rouge, marchant d’un pas vif avec un bébé dans les bras, au milieu d’une foule hostile. Dans le sillage de la libération de la France en 1944, des résistants de la première et de la dernière heure arrêtent ou exécutent sommairement des « collabos », et tondent environ 20 000 femmesaccusées de « collaboration horizontale ».

Le photographe Robert Capa prend le 16 août 1944 cette photo qui sera nommée « La Tondue de Chartres ». Elle s’appelait Simone Touseau et avait 23 ans. Le premier roman de Julie Héraclès, Vous ne connaissez rien de moi (JCLattès), part de l’histoire de cette femme pour en faire une œuvre de fiction. Fiction qui se heurte toutefois durement à la réalité historique, car Simone Touseau était une collaborationniste convaincue.

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Inspiré de faits réels

Le livre est sorti le 23 août dernier et a été sélectionné dans neuf prix littéraires, pour la plus grande fierté de sa maison d’édition JCLattès. Julie Héraclès a d’ailleurs remporté le prix Stanislas du meilleur premier roman. « Jamais je n’aurais imaginé obtenir ce prix. Pour moi, c’est une aventure extraordinaire qui dépasse tout ce que j’aurais pu penser, c’est incroyable, je n’ai plus de mots », a réagi auprès du Parisienl’autrice originaire de la commune d’Eure-et-Loir, qui a écrit à la Réunion. « Si j’étais restée à Chartres, j’aurais été trop imprégnée par la ville », explique-t-elle.

Le roman ne se veut pas historique, mais s’inspire librement de faits réels, tout en mettant en bandeau la célèbre photo de Robert Capa. Simone Touseau devient Simone Grivise et, à la première personne, Julie Héraclès imagine comment cette femme « libre » au « tempérament incandescent » devient une collaborationniste. Frappée par le déclassement social, elle est victime d’un viol suivi d’un avortement. L’homme en question entrera dans la Résistance. Simone Grivise a également, malgré son antisémitisme, une amie juive.

« Il nous faudrait un type comme Adolf Hitler »

Bien que roman de fiction, le décalage avec la réalité historique a de quoi surprendre. « Il nous faudrait un type comme Adolf Hitler », explique à ses camarades Simone Touseau, qui s’amuse en cours à dessiner des croix gammées dans ses cahiers dès 1935. Quand les troupes allemandes prennent leur quartier à Chartres, elle tombe amoureuse d’un soldat allemand, Erich Göz, avec qui elle aura une petite fille. C’est ce bébé que l’on voit sur la photo.

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Elle adhérera en 1943 au Parti populaire français de Jacques Doriot, un des plus importants partis collaborationnistes. Son parcours est retracé avec minutie dans le livre La Tondue des historiens Gérard Leray et Pierre Frétigné.

Délation

Le 16 août 1944, Simone Touseau et sa mère, Germaine, font partie d’un groupe d’une dizaine de femmes qui ont été arrêtées par des résistants pour être tondues dans la cour de la Préfecture. Trois jours plus tard, des voisins portent plainte contre les deux femmes, les accusant d’avoir dénoncé cinq hommes en février 1943 qui écoutaient la BBC. Ils seront déportés et ils seront trois à revenir des camps.

Durant sa détention à la prison de Chartes, Simone Touseau apprend qu’Erich est mort sur le front de l’Est. Au procès, son amitié avec une Suisse membre du Sipo-SD, la police de sécurité allemande, dont la participation a des séances de tortures est avérée, sera mise en avant. L’affaire sera finalement dépaysée et, en 1947, Simone Touseau sera condamnée à dix ans d’indignité nationale pour appartenance à un parti collaborationniste. En revanche, aucune preuve ne permet d’affirmer qu’elle a bien dénoncé ses voisins.

dmp

2023-09-17 10:00:00
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