La vie après la mort : le rôle surprenant des microbes dans le recyclage des corps

La vie après la mort : le rôle surprenant des microbes dans le recyclage des corps

Et si c’était cela, la “vie après la mort” ? Jennifer DeBruyn, Professeur de microbiologie environnementale à l’Université du Tennessee, a une spécialité tout à fait à part : elle étudie le nécrobiome, c’est-à-dire les microbes qui vivent à l’intérieur, à la surface et autour d’un corps en décomposition. “Chaque corps humain contient une communauté complexe de billions de micro-organismes [bactéries et champignons microscopiques] qui sont importants pour votre santé tant que vous êtes en vie”, rappelle la chercheuse dans La conversation (28 septembre 2023). “Ces symbiotes microbiens vous aident à digérer les aliments, produisent des vitamines essentielles, vous protègent contre les infections et remplissent de nombreuses autres fonctions vitales. En retour, les microbes, qui sont principalement concentrés dans votre intestin, peuvent vivre dans un environnement relativement stable et chaud, avec un approvisionnement régulier en nourriture.”

Recyclage du corps
C’est donc une relation gagnant-gagnant, on l’aura compris. Mais que se passe-t-il lorsque l’on meurt ? C’est ce qu’ont voulu déterminer Jennifer DeBruyn et ses collègues, auteurs d’un article dans la revue Processus écologiques (11 septembre 2023). “On pourrait penser que nos microbes meurent avec nous : une fois que notre corps se décompose et que nos microbes sont rejetés dans l’environnement, ils ne survivent pas dans le monde réel”, note-t-elle. “Dans notre étude récemment publiée, mon équipe de recherche et moi-même partageons les preuves que non seulement vos microbes continuent à vivre après votre mort, mais qu’ils jouent en fait un rôle important dans le recyclage de votre corps afin qu’une nouvelle vie puisse s’épanouir.”

La chercheuse précise que lorsque l’on meurt, le cœur cesse de faire circuler le sang transportant l’oxygène dans l’organisme. Les cellules privées d’oxygène commencent à se digérer elles-mêmes dans le cadre d’un processus appelé “autolyse”, l’action de leurs enzymes se redirigeant vers les membranes, les protéines, l’ADN et les autres composants de la cellule. “Ou, les produits de cette dégradation cellulaire constituent une excellente nourriture pour les bactéries symbiotiques et, en l’absence de système immunitaire pour les contrôler et d’un apport régulier de nourriture par le système digestif, elles se tournent vers cette nouvelle source d’alimentation”, résume-t-elle.

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Putréfaction
À l’étape suivante, âmes sensibles s’abstenir ! Les bactéries intestinales, en particulier une classe de microbes appelée Clostridiesse répandent dans vos organes et vous digèrent de l’intérieur par un processus appelé “putréfaction”. En l’absence d’oxygène à l’intérieur du corps, les bactéries “anaérobies” s’appuient sur des processus de production d’énergie qui ne nécessitent pas d’oxygène, comme la fermentation – ce qui émet des gaz odorants caractéristiques de la décomposition. “Si vous êtes enterré, vos microbes sont rejetés dans le sol avec une soupe de fluides de décomposition au fur et à mesure que votre corps se décompose. Ils pénètrent dans un environnement entièrement nouveau et rencontrent une toute nouvelle communauté microbienne dans le sol”, explique Jennifer DeBruyn.

J’étais là avant…
Lorsque deux communautés microbiennes distinctes se rencontrent, on parle de “coalescence” – un processus qui intervient, par exemple, quand les racines de deux plantes poussent ensemble, quand les eaux usées sont déversées dans une rivière, ou, sur un air plus romantique, quand deux personnes s’embrassent. “Le résultat du mélange – quelle communauté domine et quels microbes sont actifs – dépend de plusieurs facteurs, tels que l’ampleur des changements environnementaux subis par les microbes, et qui était là en premier”, souligne la chercheuse. “Les microbes sont adaptés à l’environnement stable et chaud à l’intérieur du corps (…). En revanche, le sol est un lieu de vie particulièrement difficile : il s’agit d’un environnement très variable” en termes “de température, d’humidité et d’éléments nutritifs.”

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En outre, le sol héberge déjà une communauté microbienne exceptionnellement diversifiée, pleine de “décomposeurs” bien adaptés à cet environnement et qui, vraisemblablement, supplanteraient tout nouvel arrivant. Il est donc facile de supposer que les microbes meurent une fois qu’ils sont hors de l’organisme.

Cependant, les études antérieures de la microbiologiste et de son équipe ont montré que les “signature ADN” des microbes associés à l’hôte (humain ou autre animal) pouvaient être détectées dans le sol sous un corps en décomposition, à la surface du sol et dans les tombes pendant des mois ou des années après que les tissus mous du corps se sont décomposés.

Cycle de l’azote
Restait à savoir si ces microbes étaient toujours vivants et actifs, ou s’ils se trouvaient simplement dans un état de dormance en attendant le prochain hôte. “Notre dernière étude suggère que vos microbes ne vivent pas seulement dans le sol, mais qu’ils coopèrent également avec les microbes indigènes du sol pour aider à la décomposition de votre corps”, assure Jennifer DeBruyn. “En laboratoire, nous avons montré que le mélange de terre et de liquides de décomposition remplis de microbes associés à l’hôte augmentait les taux de décomposition au-delà de ceux des communautés de terre seules”, détaille-t-elle.

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De plus, les chercheurs ont également constaté que nos microbes contribuaient au cycle de l’azote, un nutriment essentiel à la vie et dont la plus grande partie sur Terre est bloquée sous forme de gaz atmosphérique, non-utilisable par les êtres vivants. Les décomposeurs du sol, eux, jouent un rôle essentiel dans le recyclage des formes organiques de l’azote (protéines) en formes inorganiques (ammonium et nitrate), que les microbes et les plantes peuvent utiliser. “Nos nouvelles découvertes suggèrent que nos microbes jouent probablement un rôle dans ce processus de recyclage, en convertissant en ammonium les grosses molécules contenant de l’azote, comme les protéines et les acides nucléiques. Les microbes nitrifiants présents dans le sol peuvent ensuite convertir l’ammonium en nitrate”, complète-t-elle.

Une nouvelle génération de vie
Le recyclage des nutriments contenus dans les détritus, ou matières organiques non vivantes, est un processus essentiel dans tous les écosystèmes, y compris au sein des écosystèmes terrestres où la décomposition des animaux morts, ou charognes, alimente la biodiversité et constitue un lien important dans les réseaux alimentaires. “Il n’est pas rare de voir des plantes prospérer à proximité d’un animal en décomposition, preuve visible que les nutriments présents dans les corps sont recyclés dans l’écosystème”, conclut la chercheuse. Et d’ajouter : Le fait que nos propres microbes jouent un rôle important dans ce cycle est l’une des façons microscopiques dont nous continuons à vivre après la mort.
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2023-10-04 21:17:00

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