Parmi les personnages historiques canadiens qui marquent l’imaginaire, difficile de ne pas songer à Édouard Beaupré, mieux connu sous le nom du géant Beaupré.
Il appartient en effet au palmarès très exclusif des hommes les plus grands de l’Histoire, figurant en 5e ou 6e position selon les listes. Il a marqué les mémoires de son vivant en raison de sa taille impressionnante, soit 8 pi 3 po ou 2,52 m, mais aussi en raison de sa physionomie particulière et la saga entourant son corps, tristement devenu un objet de curiosité, ici même à Montréal. Sa notoriété a été telle qu’il est entré dans notre folklore avec la chanson que lui a dédiée le groupe Beau Dommage en 1975.
Une famille pionnière de la Saskatchewan
Édouard Beaupré est né en 1881 en Saskatchewan, au sein d’une des familles fondatrices du village de Willow Bunch, fondé par une communauté métisse vers 1880. Son père était originaire de l’Assomption et sa mère, Florestine Piché, était métisse. Il est l’aîné d’une fratrie de 20 enfants et est le tout premier bébé né et baptisé dans ce qui est l’un des premiers sites habités de cette province canadienne.
Ses héritages familiaux font en sorte qu’il parle rapidement plusieurs langues de sa région natale, dont le français, l’anglais, le cri, le sioux et le métchifun mélange de cri et de français. Dès l’enfance, il travaille sur les ranchs et aime s’occuper des chevaux. Malheureusement pour lui, il se met à grandir démesurément à partir de l’âge de 6 ans… pour mesurer plus de 1m80 avant même d’entrer dans l’adolescence! Il a été cowboy un certain temps, mais a dû arrêter car lorsqu’il s’asseyait sur un cheval, ses pieds touchaient par terre et il commençait à être lourd à porter pour les bêtes.
Un géant bête de foire
À l’âge de 17 ans, ses photos font sensation, lui qui mesure désormais plus de 2 m et dépasse sa famille de plusieurs têtes. Son visage a aussi quelque chose de particulier, qui attise l’intérêt des foules avides de curiosités et de divertissement, car il est en partie difforme. Cela est attribuable au fait qu’il s’est aussi fait ruer au visage sur un ranch, ce qui lui a brisé plusieurs os du visage et l’a fait souffrir jusqu’à la fin de sa vie. Et ces tristes aléas le conduisent à avoir un fort penchant pour la bouteille…
Pour faire un peu d’argent, il travaille pour différents cirques, qui lui offrent la possibilité de voyager. Il effectue surtout des tours de force, comme soulever un cheval sur ses épaules, ou plier du métal. Il visite la côte est américaine et vient à Montréal pour affronter nul autre que Louis Cyr au parc Sohmer. La compétition entre hommes forts a lieu le 25 mars 1901, et Édouard Beaupré est fatigué avant même le combat, luttant contre ce qui pourrait bien être la tuberculose. La défaite est racontée dans l’édition du lendemain du journal La Patriequi précise que Louis Cyr a battu le géant en 3 minutes et 39 secondes…
Un corps qui a beaucoup voyagé
Édouard Beaupré meurt d’une hémorragie pulmonaire, alors qu’il est en tournée à l’exposition universelle de Saint-Louis. Il n’est âgé que de 23 ans. Ses parents sont très pauvres et à sa mort, le 3 juillet 1904, ils n’ont pas les moyens de payer les frais de transport pour rapatrier sa dépouille vers la Saskatchewan. Un homme d’affaires originaire lui aussi de Willow Bunch, Pascal Bonneau, transfère le corps à Montréal où il reste 6 mois à l’entrée du Musée Éden. Cette exposition macabre fait sensation et les foules qui affluent pour voir le corps sont considérées comme trop importantes; les autorités municipales exigent qu’il soit retiré. Que se passe-t-il ensuite? Personne ne le sait exactement, mais en 1907, des enfants le découvrent dans un hangar du parc Bellerive! Il est alors transporté au département d’anatomie de l’Université de Montréal, où il est momifié, puis exposé dans une armoire en verre jusqu’à la fin des années 1970.
Sa famille finit par demander à récupérer sa dépouille afin de lui donner une sépulture décente. Le géant Beaupré est incinéré et enfin inhumé dans son village natal en 1990. La légende du géant, elle, est demeurée bien vivante.