2024-10-30 07:00:00
Carlos Béthencourt, Université de La Laguna oui Fernando Perera Tallo, Université de La Laguna
L’un des débats les plus anciens en matière de développement concerne l’impact réel de l’aide étrangère sur les économies des pays en développement. Alors que beaucoup la considèrent comme un outil crucial pour stabiliser et favoriser la croissance, d’autres soutiennent que, dans certains contextes, l’aide étrangère peut avoir des effets néfastes, favorisant la corruption et limitant le développement économique.
Le dilemme de l’aide étrangère
Nous abordons ce problème à travers un modèle économique qui explique comment l’aide étrangère peut favoriser la croissancemais aussi encourager la corruption.
L’aide étrangère permet aux gouvernements des pays bénéficiaires d’investir dans des biens publics productifs, tels que les infrastructures et les services essentiels, améliorant ainsi la productivité du secteur privé et stimulant la croissance économique.
Cependant, lorsque l’aide dépasse un certain seuil, en particulier dans les pays dotés d’institutions faibles, elle commence à encourager des activités de corruption qui compromettent ses bénéfices.
Le rôle de la corruption
Dans le modèle présenté, la corruption se manifeste par des entreprises corrompues qui influencent le gouvernement pour obtenir des marchés publics à des prix gonflés. Ces entreprises cherchent à obtenir des avantages illégitimes en versant des pots-de-vin à des agents publics.
Cette activité non seulement détourne les ressources destinées aux biens publics, mais réduit également la fourniture effective de ces biens, affectant négativement la croissance économique.
Le modèle trouve la relation entre l’aide étrangère et la croissance économique, qui a la forme d’une courbe en cloche ou d’un U inversé. Initialement, l’aide étrangère favorise la croissance, dans la mesure où les ressources sont principalement utilisées pour améliorer la fourniture de biens publics.
Cependant, lorsque le montant de l’aide atteint un niveau critique, la corruption augmente et commence à absorber une part significative des ressources, diminuant ainsi son impact positif sur la croissance.
Ce phénomène implique que l’aide étrangère n’est efficace que jusqu’à un certain point, au-delà de laquelle ses effets peuvent être contre-productifs.
La qualité institutionnelle comme facteur clé
La qualité des institutions joue un rôle fondamental dans cette dynamique. Dans les pays dotés d’institutions solides, où la corruption est sévèrement punie et où les fonctionnaires corrompus ont plus de chances d’être découverts, la corruption est moins rentable, ce qui réduit sa présence dans l’économie.
Toutefois, dans les pays dotés d’institutions faibles, la corruption est plus fréquente et les individus sont plus incités à se livrer à des pratiques de corruption.
Le modèle suggère que deux aspects spécifiques de la qualité institutionnelle affectent directement la relation entre l’aide étrangère et la corruption : la probabilité que des fonctionnaires corrompus soient découverts et la sévérité des sanctions qu’ils encourent s’ils sont détectés dans de telles activités.
Si ces chances et ces sanctions sont faibles, la corruption prospère et l’efficacité de l’aide étrangère est sérieusement réduite.
Améliorer l’efficacité de l’aide
Pour atténuer l’effet négatif de l’aide étrangère dans les pays où la corruption est élevée, nous proposons plusieurs politiques. Parmi eux, il faut souligner la nécessité de conditionner l’aide étrangère à la mise en œuvre de mesures anti-corruption.
Cette conditionnalité garantit que les pays bénéficiaires adoptent des politiques qui renforcent leurs institutions et limitent la corruption. Certaines de ces politiques comprennent :
- Augmentation des salaires des agents publics: Un salaire plus élevé augmente le coût de l’acceptation de pots-de-vin, car si des fonctionnaires corrompus sont détectés, ils risquent de perdre un salaire important. Cela dissuade la corruption et réduit l’incitation des entreprises corrompues à offrir des pots-de-vin.
- Amélioration des mécanismes de supervision : La création d’agences dédiées au suivi et à la détection des pratiques de corruption, telles que des agences anti-corruption ou des systèmes judiciaires plus robustes, réduit également les incitations à la corruption, dans la mesure où elle augmente la probabilité d’être découverte.
- Application de sanctions plus sévères : L’augmentation des sanctions contre les fonctionnaires corrompus est un autre mécanisme qui peut réduire les incitations à accepter des pots-de-vin.
Les avantages de la coordination externe
Un autre aspect clé mis en évidence dans notre modèle est l’importance de la coordination entre les pays donateurs. Lorsqu’ils coordonnent leurs efforts et appliquent des mesures de conditionnalité communes, leur capacité de négociation augmente. Cela permet d’imposer des politiques anti-corruption plus strictes dans les pays bénéficiaires, rendant ainsi l’aide étrangère plus efficace.
En résumé, le modèle montre que l’efficacité de l’aide étrangère dépend à la fois du niveau de corruption et de la qualité institutionnelle du pays bénéficiaire. Dans les pays dotés d’institutions faibles, l’aide étrangère risque d’être contre-productive si elle n’est pas accompagnée de mesures renforçant la transparence et réduisant la corruption. En revanche, dans les pays dotés d’institutions plus solides, l’aide est plus susceptible de favoriser une croissance durable.
L’aide étrangère interagit avec la corruption et les institutions des pays en développement. Même si l’aide peut être un moteur de croissance, son efficacité est directement liée à la capacité des gouvernements de ces pays à gérer les ressources de manière efficace et transparente.
Pour maximiser les bénéfices de l’aide étrangère, il est essentiel de mettre en œuvre des politiques qui renforcent les institutions et limitent la corruption, en veillant à ce que les fonds de développement parviennent réellement à ceux qui en ont le plus besoin.
Carlos BéthencourtProfesseur titulaire de l’Université, Université de La Laguna oui Fernando Perera TalloProfesseur dans le domaine des Fondamentaux de l’Analyse Économique, Université de La Laguna
Cet article a été initialement publié dans La conversation. Lire le original.
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