Cent milliards de dollars d’investissement, une nouvelle compagnie aérienne, une maxi-commande pour l’achat de nouveaux Boeing 787, l’agrandissement d’un aéroport pour porter à six les pistes de décollage. L’Arabie saoudite veut se désengager de plus en plus de l’économie pétrolière, lance le défi aux voisins du golfe Persique et s’apprête à déplacer le centre de gravité du transport aérien mondial des Émirats et du Qatar vers l’Arabie saoudite, tentant ainsi de remettre en cause la domination d’Emirates, Qatar Airways, Etihad Airways. On ne découvrira si cela réussira que dans les prochaines années.
Il management
Ces derniers jours, le royaume saoudien a présenté Riyadh Air, la compagnie aérienne d’Etat qui commencera à voler en 2025 basée dans la capitale, sans pour autant s’immiscer dans le hub de l’autre compagnie publique, Saudia, à Djeddah. Parier sur la nouvelle compagnie aérienne Public Investment Fund (Pif), l’un des fonds souverains les plus riches du monde (620 milliards de dollars d’actifs), dont le gouverneur Yasir Al-Rumayyan sera également le président du transporteur. A la tête de Riyadh Air, on retrouvera principalement le directeur général Tony Douglas, arraché à Etihad Airways, et le chef des opérations Peter Bellew, ancien numéro un de Malaysia Airlines et ancien Chief Operating Officer d’easyJet et de Ryanair.
La commande avec Boeing
Deux jours après la présentation, Riyadh Air a acheté 39 Boeing 787-9 et en a opté pour 33 autres pour une valeur totale – selon la liste de prix – de plus de 21 milliards de dollars, bien que dans ce cas, le constructeur américain aurait dû appliquer une remise de 55% , ce qui ramène les dépenses réelles à moins de la moitié. Le nouveau transporteur, qui recevra les premiers appareils début 2025, ambitionne d’avoir un réseau de plus de 100 destinations d’ici 2030. Interrogé par le Courrier pour plus de précisions, un porte-parole de Riyadh Air n’a pas encore dévoilé les cartes sur les liaisons et s’il y aura l’Italie et laisse entendre qu’il y aura bientôt une annonce sur l’achat d’autres avions, pour des vols courts et moyens.
Le projet saoudien
En parallèle, le royaume a commandé 39 Boeing 787 (et en a opté pour 10 autres) pour l’autre transporteur saoudien, Saudia, qui continuera d’exister même après la naissance de Riyadh Air. Ces investissements font partie de Vision 2030, le paquet économique qui vise à faire de l’Arabie saoudite une plaque tournante mondiale de l’aviation, triplant le nombre de passagers à 330 millions en sept ans. Un package de 100 milliards de dollars qui comprend également l’agrandissement de l’aéroport King Khalid de Riyad qui s’appellera King Salman, disposera de six pistes parallèles et prévoit de faire transiter 120 millions de passagers en 2030 et 185 millions en 2050.
Le marché
Le royaume comptera ainsi deux grandes compagnies aériennes : Saudia basée à Jeddah et Riyadh Air à Riyad. Auxquels s’ajoutent la compagnie low cost locale Flynas (opérant principalement à Riyad) et la division saoudienne Flyadeal (à Djeddah). La compagnie low-cost européenne Wizz Air – qui possède sa propre compagnie à Abu Dhabi – a décidé de s’étendre dans le pays, et Jazeera Airways, une compagnie low-cost du Koweït, va également ouvrir une succursale avec sa base principale à Dammam. Compte tenu de la présence, à proximité, d’Emirates (Dubaï), Qatar Airways (Doha), Etihad (Abu Dhabi), Oman Air (Muscat), le marché commence à devenir décidément encombré également au Moyen-Orient.
La compétition
Pour les experts nous sommes en pleine bataille territoriale pour avoir le plus grand nombre de passagers en transit. Ayant passé la majeure partie de mon enfance à Riyad et ayant été témoin de la rapidité du développement, je ne doute pas qu’ils puissent réussir, commente Stuart Hatcher, économiste en chef du groupe Iba, une entreprise spécialisée dans le secteur de l’aviation. Cela pourrait déclencher un jeu de pouvoir au Moyen-Orient dans lequel Emirates, Etihad et le Qatar tenteront de contrer la croissance saoudienne pour déstabiliser la rentabilité des transporteurs européens et asiatiques espérant regagner le marché. Les trois transporteurs du Golfe ont une flotte combinée de 465 avions passagers en service, 95 en stationnement ou en entreposage, et en ont commandé 307. J’ai l’impression que, compte tenu de leurs budgets, ils continueront à croître coûte que coûte.
L’avantage géographique
Pour les aider – par rapport aux entreprises européennes – la position géographique. Près de 80 % de la population mondiale se trouve à moins de 7 heures de vol de la péninsule arabique. Pour cette raison, ces dernières années – grâce à un produit de classe supérieure par rapport à ses rivaux européens et américains et aussi grâce à des tarifs moins élevés – les flux Ouest-Est/Océanie se sont de plus en plus arrêtés à Dubaï, Doha ou Abu Dhabi (en plus d’Istanbul ). Dans quelques années, on saura si une partie de ce trafic se sera déplacée vers le centre de l’Arabie saoudite. Pendant ce temps, selon le PDG Douglas, plus de 73 000 personnes ont envoyé leur CV sur le site Web de Riyadh Air.
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19 mars 2023
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