Lors d’une brève allocution, le nouveau président a déclaré qu’il était “conscient” que sa large victoire dès le premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars exprimait “un profond désir de changement systémique”. “Sous mon mandat, le Sénégal sera un pays d’espoir, un pays pacifié avec une justice indépendante et une démocratie renforcée”, a-t-il affirmé. Il a évoqué les années de troubles qui ont précédé son élection, marquées par des dizaines de morts et des centaines d’arrestations. Il a promis de garder à l’esprit les sacrifices des “martyrs de la démocratie (…), afin de ne jamais vous décevoir.”
Promesse de rupture
Bassirou Diomaye Faye succède pour cinq ans à Macky Sall, 62 ans, qui a dirigé le pays de 18 millions d’habitants pendant 12 ans et entretenu des relations étroites avec l’Occident et la France tout en diversifiant ses partenariats. La promesse de rupture, l’appui de son mentor populaire Ousmane Sonko, présent aux premiers rangs mardi, et l’apparente humilité de cette personnalité issue d’un milieu modeste et éduqué l’ont conduit à une victoire éclatante avec 54,28% des voix.
L’ancien haut fonctionnaire de l’administration fiscale, qui a discrètement gravi les échelons dans l’ombre d’Ousmane Sonko, a mis en avant la baisse du coût de la vie, la lutte contre la corruption et la réconciliation nationale comme ses priorités. Son programme met en avant l’exigence de souveraineté. Il a déclaré mardi entendre “clairement la voix des élites décomplexées qui affirment haut et fort notre aspiration à plus de souveraineté, au développement et au bien-être” en Afrique. Il a réaffirmé aux partenaires étrangers “l’ouverture du Sénégal à des échanges respectueux de notre souveraineté” dans des partenariats “mutuellement gagnants”.
Le programme de Bassirou Diomaye Faye indique son intention de sortir du franc CFA, de renégocier ou de reconsidérer les contrats passés avec des compagnies étrangères pour l’exploitation du pétrole et du gaz qui devrait commencer cette année, ainsi que les accords miniers et de pêche.
Front politique et social
Surnommé “Diomaye” (“l’honorable” en sérère), Bassirou Diomaye Faye est un musulman pratiquant, marié à deux femmes présentes à son investiture – devenant ainsi le premier président sénégalais polygame – et père de quatre enfants. Ce visage juvénile incarne une nouvelle génération de jeunes politiciens. Admirateur de l’ancien président américain Barack Obama et du héros sud-africain de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela, il se décrit comme un panafricaniste “de gauche”.
Il souhaite œuvrer au retour, au sein de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), du Burkina Faso, du Mali et du Niger, dirigées par des juntes ayant rompu avec la France pour se tourner vers la Russie. Les régimes putschistes du Mali, du Burkina et de la Guinée ont envoyé leurs représentants à Diamniadio, y compris le président guinéen, le général Mamadi Doumbouya. Bassirou Diomaye Faye a souligné l’ampleur des défis sécuritaires auxquels sont confrontés de nombreux pays africains, qui “nous obligent à plus de solidarité”.
Porté au pouvoir par l’aspiration au changement, le nouveau président doit relever des défis importants. Ses projets concrets restent flous, tout comme la place accordée à Ousmane Sonko. Il doit d’abord former un gouvernement. Il est particulièrement attendu sur le front de l’emploi dans un pays où 75% de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage est officiellement de 20%, poussant de plus en plus de jeunes à fuir la pauvreté et à entreprendre un voyage périlleux vers l’Europe.