L’aventure la plus controversée de Tintin

2024-09-14 14:54:04

Samedi 14 septembre 2024, 13h54

L’ombre de Tintin, l’intrépide reporter créé par le caricaturiste belge Hergé, est longue tant en Belgique que dans le reste de l’Europe. Son créateur est connu comme le père de la bande dessinée européenne et son personnage emblématique possède un musée à Louvain et a inspiré le deuxième maillot de l’équipe belge en Coupe d’Europe. Cependant, il y a une aventure du personnage qui fait toujours l’objet de controverses plus de 90 ans après sa publication. “Tintin au Congo” (1931) a été accusé de racisme et de proposition d’une vision amicale du colonialisme, ce qui a conduit à sa révision et à sa réédition, avec des modifications de sa couverture et l’introduction d’un prologue pour contextualiser l’œuvre.

Après le grand succès de “Tintin au pays des Soviets”, le directeur du journal conservateur belge “Le Vigtième Siècle” confie à Hergé une nouvelle aventure de reporter qui se déroulera au Congo belge et consistera en un série de versements hebdomadaires qui seraient publiés dans son supplément pour enfants. À cette époque, le dessinateur souhaitait écrire une bande dessinée se déroulant en Amérique, mais a finalement cédé à la pression de la direction.

Dans cette aventure, Tintin et Milou voyagent au Congo belge – actuelle République Démocratique du Congo. Ils y rencontrent un missionnaire qui leur montre les bienfaits de la colonisation : ils ont construit un hôpital, une école, une église… et assure à Tintin qu’à son arrivée “tout cela n’était que des buissons”. Le journaliste propose alors de donner un cours de mathématiques à la population autochtone, au cours duquel il demande à plusieurs reprises à ses élèves : “2+2, ça fait combien ? Personne ne sait ?” Et la question reste sans réponse. Dans la version originale, Tintin donnait un cours patriotique sur la Belgique, aspect qu’Hergé modifia dans l’édition de 1946.

Références colonialistes

Au fur et à mesure que l’histoire avance, apparaît un chamane qui se déguise avec une peau et des griffes de félin, imitant la statue de « l’homme léopard », que l’on peut voir au Musée de l’Afrique à Bruxelles et qui a été retirée de sa collection principale après la réforme. cela a été fait pour mettre de côté sa vision colonialiste du Congo. Tintin sauve la vie du chaman, attaqué par un serpent, et il lui montre sa gratitude en disant qu’il est « son esclave ».

Couverture originale de “Tintin au Congo”.

RC

Au-delà de l’intrigue, Hergé dresse un portrait des Congolais avec des traits exagérés, presque caricaturaux, mettant en valeur les lèvres et le nez des personnages, qui ont également des difficultés à s’exprimer en français. Chaque fois qu’ils s’adressent à un autre personnage, ils le font en distinguant la couleur de peau de leur interlocuteur – avec des expressions telles que « homme blanc » ou « garçon noir » –. Une illustration d’un village typiquement congolais clôt la bande dessinée et n’est pas sans rappeler le “zoo humain” du temps du roi des Belges Léopold II, dans lequel était recréée la vie des tribus et montré les “bénéfices” de la colonisation. Cette simulation de village – habité par 200 Congolais – était située en périphérie de Bruxelles, à Tervuren, et était gardée par des militaires pour les empêcher de s’enfuir. Sept personnes sont mortes du froid et de la maladie.

Déracialiser la couverture

“Tintin au Congo” a fait l’objet de vives critiques au cours des dernières décennies dans des pays comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Suède, avec une bataille judiciaire qui a conduit à ce que l’œuvre comprenne un prologue pour contextualiser l’œuvre. Dans les librairies belges, la bande dessinée a été retirée de l’espace jeunesse et n’est vendue que dans l’espace adulte, tandis qu’en France sa réédition s’est accompagnée d’un changement de couverture pour la déraciser : au lieu de l’image classique de Tintin et Milou avec un local guide en voiture, ils décident de la remplacer par une autre vignette dans laquelle Tintin et Milou ont peur en se retrouvant nez à nez avec un lion.

Illustration tirée de la réédition de “Tintin au Congo”.

RC

C’est le seul numéro des Aventures de Tintin qui comporte un prologue qui tient lieu d’avertissement : “Dans son portrait du Congo belge, le jeune Hergé reflète les attitudes colonialistes de l’époque… il décrit les Africains selon la vision bourgeoise et paternaliste stéréotypes de l’époque, une interprétation que certains lecteurs actuels pourraient trouver offensante”, souligne-t-il.

Le texte, signé du critique littéraire et expert de Tintin, Philippe Goddin, justifie Hergé. Il admet qu’il y a une caricature de tous les personnages – y compris les blancs – et affirme que les stéréotypes congolais ne sont en rien dégradants. Hergé lui-même reconnaît à l’époque que la bande dessinée donne une vision paternaliste du Congo, un pays qu’il n’a jamais visité et qu’il ne connaît qu’à travers les informations qui parviennent en Belgique.



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