Le blues inoubliable de Nina Simone

Le blues inoubliable de Nina Simone

Le blues de Nina Simone revient hanter les mémoires

On pensait que le concert au Newport Jazz Festival de 1966 était perdu à jamais. Le label Verve le publie. Déchirant.

Publié aujourd’hui à 13h48

Nina Simone au Newport Jazz Festival de 1966. Un concert désormais disponible en disque.

Archives des actualités quotidiennes de Dan Farrell/NY via Getty Images

Même s’il est parfois difficile de l’admettre, le jazz est souvent vécu à travers le prisme de la nostalgie. Cette musique a réussi à prendre diverses formes contemporaines, mais les grands artistes qui continuent de la faire briller comme l’un des courants artistiques les plus importants du XXe siècle appartiennent indéniablement au passé.

Il n’est donc pas étonnant que certains labels discographiques historiques cherchent à retrouver des perles inédites. Après John Coltrane, qui a été exhumé par Impulse! avec la publication de deux concerts importants – de 1961 et 1965 – pour mieux comprendre cet musicien exceptionnel, c’est maintenant le tour de Nina Simone – déjà mise en avant avec “The Montreux Years” il y a deux ans, qui revenait sur ses passages au MJF – de refaire surface avec un enregistrement live retrouvé à la US Library of Congress.

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La performance de 1966 au Newport Jazz Festival, où elle jouait en quartet avec le guitariste Rudy Stevenson, le bassiste Lisle Atkinson et le batteur Bobby Hamilton, ne sort pas par hasard. La chanteuse et pianiste décédée il y a vingt ans aurait célébré ses 90 ans en 2023.

Aznavour sur son clavier

En ouverture de ces six morceaux, “You’ve Got to Learn” (le “Il faut savoir” de Charles Aznavour) annonce d’emblée la couleur – noire et politique – avec ses paroles chargées. “Tu dois apprendre même si c’est très dur/La façon d’empocher ta fierté/Faire face parfois à l’humiliation/Pendant que tu brûlais à l’intérieur.” En français : “Tu dois apprendre, même si c’est très difficile, à ravaler ta fierté, à subir une humiliation alors que tu brûles intérieurement.”

La dimension contestataire, imprégnée de blues, ne doit pas être oubliée lorsqu’on évalue la gloire du jazz de cette époque. Tout comme celle de Coltrane, l’approche de Simone est indissociable d’un contexte historique où la lutte pour les droits civiques des Noirs américains permet, mieux que toute considération esthétique, de comprendre les évolutions d’une musique qui devient de plus en plus sauvage ou lancinante.

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“Bloody Sunday”

Les marches de Selma à Montgomery et le “Bloody Sunday” qui a suivi datent de 1965. Un an plus tard, la chanteuse offre ce concert poignant où le blues, expression populaire de la douleur, est repris par une musicienne consommée. Si “Blues for Mama”, chanson d’Abbey Lincoln enregistrée pour la première fois ici, ou “Be My Husband” restent dans le domaine d’un folklore connu, “Mississippi Goddam” se positionne explicitement sur le terrain de la lutte et de la dénonciation.

Déchirante, sans filtre, agitant l’air de sa voix crépitante, Nina Simone ne fait pas qu’évoquer à demi-mot les souffrances d’un peuple entier, elle pointe l’intolérable sans équivoque de tout son être. Puissant.

“Il faut apprendre”, Nina Simone, Verve

Boris Senff travaille en rubrique culturelle depuis 1995. Il écrit sur la musique, la photographie, le théâtre, le cinéma, la littérature, l’architecture, les beaux-arts.

Plus d’infos @Sibernoff

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