2024-02-24 20:06:33
Liens du fil d’Ariane
Publié le 24 février 2024 • Dernière mise à jour il y a 5 heures • 3 minutes de lecture
Rapatrier les citoyens canadiens qui ont rejoint l’État islamique sans les tenir responsables de leurs crimes rabaisse la souffrance des victimes de l’organisation terroriste. Photo de Léon Neal / Réseau Postmedia
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En tant que survivant yézidi du génocide commis en 2014 par l’État islamique (EI), j’ai de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité publique alors que le Canada rapatrie d’anciens terroristes de l’EI. Depuis la défaite de l’EI en Syrie en 2019, le gouvernement canadien est aux prises avec des cas impliquant des Canadiens partis rejoindre le groupe. Certains de ces citoyens ont été rapatriés, tandis que d’autres restent dans les camps de l’EI sous le contrôle des forces kurdes en Syrie.
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En 2015, le Parti conservateur du Canada a adopté le projet de loi C-24, une loi autorisant le Canada à révoquer la citoyenneté des Canadiens ayant rejoint l’EI. Certains juristes s’opposent à de telles lois, comparant la révocation de la citoyenneté aux pratiques historiques d’exil et de bannissement. Les pays, dont l’Australie et le Royaume-Uni, qui ont mis en œuvre des lois similaires ont rencontré des difficultés juridiques, car ces lois peuvent soit rendre une personne « apatride » (sans aucune citoyenneté), soit établir un traitement disparate entre les individus ayant une double nationalité et ceux n’en ayant qu’une.
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En guise de solution, les libéraux ont révoqué la partie du projet de loi C-24 qui permettait de retirer la citoyenneté aux doubles citoyens qui rejoignaient une organisation terroriste. Sans le pouvoir de retirer la citoyenneté, le gouvernement a choisi de ne pas rapatrier les citoyens canadiens retenus captifs par les Kurdes dans les camps de l’EI. Les avocats du gouvernement affirment qu’il serait « sans précédent et sans principes » d’aider ces suspects détenus et affirment qu’« il n’existe aucune obligation légale, en vertu de la Charte, des statuts ou du droit international, pour le Canada de fournir une assistance consulaire, y compris le rapatriement de ses citoyens ».
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Cependant, un procès a conduit la Cour fédérale à ordonner au gouvernement de rapatrier au moins quatre hommes accusés d’être des combattants de l’EI. Ces individus, qui auraient participé à des crimes contre l’humanité, ont sciemment quitté le Canada pour rejoindre l’EI. Cependant, en raison de l’utilisation de faux noms et du manque généralisé de preuves, il reste peu probable qu’ils soient traduits en justice au Canada ou devant la Cour pénale internationale s’ils rentrent chez eux pour être jugés. La CBC cite un ancien analyste du SCRS qui a déclaré qu’il « doutait que les adultes qui reviennent soient traduits en justice pour les crimes qu’ils auraient commis », car « les témoins ne sont pas ici, les preuves ne sont pas là ».
Rapatrier d’anciens membres de l’EI sans poursuites est une injustice envers les Yézidis et tous ceux qui ont survécu à leurs crimes contre l’humanité. La seule voie qui reste pour que justice soit rendue est que le gouvernement réapplique intégralement le projet de loi C-24, permettant au Canada de retirer la citoyenneté aux membres présumés de l’EI, les laissant dans les camps de prisonniers auxquels ils appartiennent. De plus, le Canada devrait adopter une nouvelle loi qui n’exige pas une condamnation judiciaire mais plutôt une audience devant un tribunal équivalent à un tribunal fermé. Une procédure judiciaire impose une charge de preuve trop lourde dans une zone de guerre, comme dans le cas du conflit en Syrie et dans le nord de l’Irak.
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La situation à laquelle le Canada est confronté, quant à savoir s’il doit rapatrier les combattants de l’EI au pays, n’est pas seulement une question de politique ; il s’agit de vraies personnes qui ont souffert de façon inimaginable. Le Canada doit trouver un moyen de rendre justice aux survivants comme les Yézidis et de protéger ses citoyens. Remettre le projet de loi C-24 en vigueur et créer un système spécial semblable à celui d’un tribunal pourrait contribuer à garantir que les membres de l’EI soient tenus responsables sans compliquer les choses sur le plan juridique, étant donné les preuves limitées de notre gouvernement contre ces combattants.
En tant que personne ayant vécu personnellement la cruauté de l’EI, je demande au Canada de faire des choix prudents et forts. Nous devons veiller à ce que ceux qui causent des souffrances ne puissent pas simplement s’en aller, et nous devons nous souvenir et honorer toutes les personnes qui ont été blessées ou perdues.
C’est un chemin difficile, mais c’est la bonne chose à faire.
Saif Mito est un étudiant de l’Université Mount Royal à Calgary et un survivant yézidi.
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